Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler de BD historique, ce récit nous entraîne au cœur de la quiétude tahitienne sur fond de Seconde Guerre mondiale, Dans un décor beaucoup moins austère que celui du Désert des Tartares (le roman de Dino Buzzati), loin s’en faut, l’histoire nous décrit l’attente, l’inquiétude et les préparatifs de l’attaque par les différents membres de la communauté de l’île.
On y croise les principales figures locales, des militaires aux aguets, un ecclésiastique fataliste et moraliste, un peintre « à la Gauguin » désœuvré et un peu cynique. Un climat qui « autorise tous les droits et tous les désirs » aux européens amateurs de soleil et d’amours faciles. Tout ce petit monde semble plutôt bien s’accommoder d’une ambiance coloniale servant de toile de fond à une langoureuse enquête policière.
Un jeune clerc de notaire, Simon Combaud, débarque dans cet univers bien éloigné des tranchées de Verdun pour y mener une enquête afin de résoudre une vieille affaire de meurtre remontant à plusieurs années. Amené lui aussi à goûter « les charmes exotiques locaux » et la douceur de vivre ambiante, notre enquêteur se voit confronté à plusieurs assassinats de vahinés.
Tandis que la menace de bombardements par les croiseurs allemands se fait de plus en plus présente, coloniaux et Polynésiens se préparent à faire face à une attaque imminente. Le climat de l’île semble devenir de moins en moins paradisiaque !
À nouveau associés, Sébastien Morice et Didier Quella-Guyot dont on avait déjà remarqué la séduisante adaptation d’un conte de Maupassant : Le Café des Colonies (Éditions Petit à petit) nous proposent un nouveau récit ancré dans une réalité historique bien identifiée. Si l’intrigue semble peiner à décoller, c’est peut-être parce qu’on y adopte le rythme local ! Alors que les militaires s’affairent pour affronter l’ennemi, l’ambiance douce et sensuelle continue d’occuper la plupart des esprits. Les auteurs prennent donc un malin plaisir à s’attarder sur une mise en condition du lecteur par une description fine de cette petite communauté, notamment par le recours à de savoureux portraits des principaux personnages.
Une ambiance coloniale décrite avec précision, mais sans concession, magnifiquement servie par le trait (et les couleurs) de Sébastien Morice. Ici les « cartes postales » sont au service d’une narration juste, documentée et parfaitement efficace. Une vision « Pacifique » de la guerre 1914 bien loin des visions commémoratives ou traditionnelles du moment.
(par Patrice Gentilhomme)
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À noter : une reprise avec dos toilé et couverture inédite de ce premier tome (Rouge Tahiti) est actuellement diffusée par le réseau de libraires Canal BD incluant un cahier de 8 pages de recherches graphiques.
© Morice & Quella-Guyot, Emmanuel Proust 2011
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