Dans une ambiance clairement adulte (la série sort dans la collection seinen manga de l’éditeur), Parasite développe un univers très sombre et sanglant à la limite de l’insoutenable. En créant des parasites extraterrestres, Hitoshi Iwaaki convoque une de nos peurs les plus primaires : la déshumanisation. Car une fois que l’alien a envahi sa victime, il en prend purement et simplement le contrôle. Il peut dès lors commencer à se nourrir en dévorant d’autres humains, dans une bestialité rare.
On suit l’histoire de Shinichi Izumi, un jeune étudiant japonais qui a réussi à ne pas être entièrement parasité par l’alien qui l’avait pris pour cible. Ce dernier, dénommé Migy, s’est donc logé dans son bras droit à défaut de pouvoir contrôler son corps entier et les deux acolytes de circonstance apprendront dès lors à se connaître et à cohabiter.
On comprend progressivement que les parasites ne sont habités par aucune espèce d’animosité mais cherchent simplement à survivre, guidés par un seul leitmotiv glaçant que Migy résume ainsi : "La seule chose qui compte est sa propre vie. Je n’ai jamais imaginé considérer d’autre vie que la mienne propre".
L’horreur du titre joue sur deux plans. Psychologiquement d’abord, l’auteur nous confronte à la peur de se voir dépossédé de son propre corps : d’être parasité. L’image carrément dérangeante du vers alien s’introduisant dans sa victime par l’oreille ou la narine vous hantera bien des nuits, surtout grâce au trait sans concession de l’auteur qui ne dissimule en aucun cas les détails les plus atroces ni les plus sanglants de ce qu’il raconte.
Et physiquement ensuite, car la possession est un prétexte pour déformer, désassembler et restructurer les corps. Les parasites ont en effet la possibilité, une fois qu’ils ont investi un humain ou un animal, de modifier ses proportions, de faire apparaître des appendices et des organes où bon leur semble, de se durcir comme de l’acier et d’affuter leurs membres... Le tout avec une force surhumaine qui occasionne des affrontements dantesques. La encore, ces capacités donnent lieux à des images profondément perturbantes : on voit un œil apparaître dans une paume de main, des lèvres se dessiner dans le cou, un visage se scinder proprement en plusieurs parties…
À mi-chemin entre l’histoire d’horreur et de science-fiction, le tout dans un univers profondément réaliste, Parasite est une série exceptionnelle. Tout d’abord grâce à ses personnages passionnants et très attachants. Ensuite grâce aux idées et réflexions que l’auteur développe : il interroge notre violence, contrôlée et dissimulée ou au contraire assumée, le rapport à l’instinct, au destin et au karma... Et enfin grâce à ses dessins, simples et clairs, qui restent très lisibles même quand l’action devient littéralement supersonique.
Avec une édition plus grande que les mangas traditionnels et garnie de plusieurs pages couleurs en début de chapitres, Glénat permet à ses lecteurs de découvrir ou de redécouvrir cette saga culte dans des conditions idéales. Un must have, dont les tomes suivants sortiront au cours de l’année.
(par Jaime Bonkowski de Passos)
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"Parasite édition orginale T. 1" - Hiyoshi Iwaaki - Glénat - 274 pages - 13x18 cm - 10,75€.
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