Jérémie dans les îles avait été publié en noir et blanc de 1968 à 1973 dans Pif Gadget puis en couleurs en volumes chez Dargaud puis aux Humanoïdes Associés. Des albums épuisés depuis. Il s’agit d’un jeune aventurier, un peu sur le modèle de Corentin de Paul Cuvelier, qui se retrouve naufragé dans des terres sauvages et qui y survit de péripétie en péripétie, rencontrant sur son chemin Indiens sanguinaires, pirates, mais aussi une jeune fille de son âge, la ravissante Doña Aurelia fille de gouverneur Sanchez Espinoza.
Dans cette histoire où Paul Gillon est son propre scénariste pour la première fois, il s’inscrit dans une narration proche des grands dessinateurs réalistes d’avant-guerre : Hal Foster et surtout Alex Raymond dont il reprend la technique d’encrage au pinceau avec le geste ample et une lisibilité sans faille. Comme chez Raymond, il n’y a pas de bulles dans le dessin, mais des récitatifs, admirablement écrits, servis par un beau dessin académique au décor rarement chargé mais toujours d’une élégante exécution.
Tout est parfait dans ce dessin qui retranscrit avec aisance et intelligence la sensualité des corps, la justesse des drapés, la complexité des machineries, la sauvagerie animale et l’infinie variété des éléments naturels. Chaque page est l’occasion d’un morceau de bravoure : le gréement d’une frégate, l’ambiance d’une mangrove amazonienne ou d’un Alhambra ténébreux, la mêlée d’une scène de combat…
Pas étonnant que Gillon - jamais vieillot - impressionne jusqu’à aujourd’hui.
Cette intégrale de 160 pages imprimées dans une teinte bleutée, un fort volume aux coins biseautés, dispositif subtilement imaginé par Frédéric Poincelet qui en a fait la maquette, s’achève sur un dossier de 16 pages intitulé L’Art caché de Paul Gillon signé par Stéphane Beaujean, décidément talentueux lorsqu’il s’agit de commenter des planches.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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L’ouvrage n’est en vente que sur le site de la librairie Aaapoum Papoum. Il n’en reste que quelques exemplaires.
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