C’est en retrouvant d’anciens amis avec qui il sillonnait les pubs pour des concerts underground dans sa jeunesse que John Constantine renoue également avec son plus âpre ennemi : l’étoile du matin, renommé Théo durant sa damnation éternelle sur Terre. En d’autres termes : Lucifer en personne ! Car si l’ange déchu peut espérer regagner le Paradis, il doit, pour ce faire, récupérer l’âme du mage en imperméable et qui plus est, Constantine doit la lui donner DÉ.LI.BÉ.RÉ.MENT.
Si les premiers chapitres de ce tome semblent mêler la magie aux requêtes politiques contextuelles de l’époque où se déroulent les faits, très vite, le ton change. John Constantine n’est plus là pour soutenir les causes autochtones face à l’envahisseur, que ce soit dans le bush australien ou les zones agricoles de l’Angleterre face aux attentes mercantiles de certains promoteurs, mais pour sauver un gamin des ténèbres, la victime collatérale d’un démon prêt à tout pour offrir l’âme du mage à son maître et amant…
Paul Jenkins semble imprégné de cette époque punk où les jurons fleuraient bon les bas-fonds de Londres. Un franc-parler qu’on retrouve tout au long du scénario rondement mené, tenant souvent à un minuscule fil conducteur qui réunit tous les chapitres, même ceux qui semblent sans aucun lien avec le précédent. Comment imaginer, en effet, une quelconque relation entre la déesse serpent arc-en-ciel des Bushmans et une guerre moyenâgeuse anglaise, voire la seconde guerre mondiale sur les plages de Dunkerque ?!
Pourtant, tout est lié par notre héros qui a scindé son âme en deux pour vaincre Lucifer. Un acte louable, mais ô combien stupide ! Démuni de la moitié obscure de lui-même, John n’a plus goût à rien. La vie glisse sur son imperméable comme la pluie. Il n’a plus de cancer, plus d’arrière-pensée, plus de culpabilité… mais plus de vivacité non plus. Raison pour laquelle il se doit de retrouver et ressentir à nouveau qui il était avant son dédoublement.
Un scénario riche en aventures, dans des contextes parfois inattendus comme le monde du rêve ou encore celui des mythes et légendes. On sent que l’auteur s’en est donné à cœur joie tout en maintenant le cap pour maintenir le lecteur attentif. Accompagné majoritairement par Sean Phillips qu’on ne présente plus, ce premier volume se veut sombre, glauque… le dessinateur reprend les rênes de ses prédécesseurs tout en maintenant l’aura obscure de ce héros de l’ombre. Le trait épais, les plans à contrejour intensifiant les visages expressifs des protagonistes dans des poses figées.
Seuls deux chapitres se détachent un peu du reste de l’ouvrage. Le #91, Le long des chemins creux, étant dédié à un certain Dean L. Clark ; le #101, Le football : un drôle de vieux jeu, dessiné par Al Davison dans un style tout aussi sombre que son collègue, ajoutant toutefois une touche de caricature là où Sean Phillips préfère le pseudo-réalisme. Un interlude footballistique trouvant sa place dans ce récit grâce à la prise de conscience que le héros y fait.
Un nouvel opus à ranger dans votre collection consacrée au plus grand mage moderne underground d’Angleterre, à n’en pas douter.
(par Marc Vandermeer)
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