On en schtroumpfait déjà en passant en revue les intégrales Dupuis de l’été, mais il a fallu attendre la rentrée pour profiter du deuxième recueil des petits hommes bleus, lequel réunit pas moins de trois albums-clés : L’Œuf et les Schtroumpfs, Les Schtroumpfs et le Cracoucass, et le Cosmoschtroumpf.
Pour la petite histoire, L’Œuf et les Schtroumpfs était déjà annoncé au quatrième plat de la première intégrale, alors qu’il figure en réalité dans la seconde. Même confusion pour ce deuxième recueil où L’Apprenti Schtroumpf et Les Schtroumpfs Olympiques sont notés comme faisant partie du sommaire, alors que cela ne sera le cas que dans le prochain tome. Le Schtroumpf distrait travaillerait-t-il dans la rédaction ?
On connaît le principe des introductions des intégrales Dupuis : de copieux dossiers fort bien écrits qui contextualisent l’œuvre et une multitude de bonus. On retrouve ainsi bien des documents du Journal de Spirou qui accompagnaient la publication de ces courtes ou plus longues aventures : annonces publicitaires destinées à faire languir le lecteur, animations, culs de lampe... C’est sans doute la première fois que ces dessins, souvent remarquables, paraissent en album. L’éditeur reproduit en outre la couverture de la première édition en album, avec leurs fameux dos ronds, dont les plats arrières changeaient souvent à chaque réédition.
Une intégrale pleine de surprises
Ces albums mythiques sont savamment commentés par le dossier d’Hughes Dayez : photos d’époque, double-pages de couvertures de Spirou, évocation des petits albums de la collection Carrousel, récits courts illustrés pour les numéros spéciaux du journal, etc.
La collaboration entre Peyo et Gos, s’éclaire, tout autant que l’arrivée d’un certain Walthéry qui prendra rapidement du galon. Les divers moments évoqués sont donc l’occasion de s’introduire dans les coulisses de la création, marquées par les dissensions, mais aussi des nombreux projets qui gravitent autour de cette production : récits illustrés, films, photo-montages documentaires, etc.
Quant aux bonus, si la première intégrale faisait assez logiquement la part belle aux mini-récits, la seconde compare les versions belge et française de la même histoire Pâques schtroumpfantes.
L’analyse du Cracoucass n’échappe bien entendu pas à l’œil exercé de l’expert du neuvième art qu’est Dayez : il fait également le lien entre l’album publicitaire BN, dont beaucoup ignorent qu’il s’agit la véritable première édition d’une des plus célèbres aventures des petits lutins bleus : Le Cosmoschtroumpf.
Peyo réalisa également bon nombre de demi-planches et de planches entières de gags publicitaires pour les corn flakes Kellog’s, inconnues de la grande majorité des lecteurs. Un exemple se retrouve dans le premier dossier publié par Dayez.
Mise à part la demi-douzaine de récits illustrés en doubles pages (Les Contes du Grand Schtroumpf) qui figurent parmi les joyaux de ce dossier, on retient également le grand retour des Schtroumpfs dans le Johan et Pirlouit du Sortilège de Maltrochu réalisé en 1967.
Hughes Dayez ne pouvait qu’inviter ces deux chevaliers dans son intégrale dédiée aux Schtroumpfs. Le journaliste se démarque ainsi nettement de l’intégrale régulière en cours, dont les textes sont signés Alain de Kuyssche, par une une édition commentée, demi-page par demi-page, de La Guerre des Fontaines. Une petite merveille éditoriale !
Comme pour les deux albums précédents de cette collection signée du label Niffle, on retrouve dans cet album quasi carré la force du trait de l’auteur, enluminé pourrait-on dire par les commentaires instructifs d’Hughes Dayez.
Si le journaliste culturel belge évoque toujours avec constance les grands noms du septième art aux côtés de celui d’Hergé (chassez le naturel…), ses commentaires sont aussi divertissants que passionnants : il alterne avec aisance analyses et témoignages, tout en décortiquant l’art de Peyo.
Le choix de La Guerre des 7 fontaines ne souffre d’aucune critique : cumulant les différents registres narratifs (humour, aventure, combats, course-poursuite...), cet épisode réintroduit certains personnages, notamment les célèbres Schtroumpfs, de même qu’un spectre aussi débonnaire que savoureux.
Poussy, l’intégrale inattendue
Outre Les Schtroumpfs, Johan & Pirlouit et Benoît Brisefer (dont l’actualité nous rattrapera dans quelques jours), les amateurs de Peyo n’auront certainement pas oublié le charmant et facétieux petit chat Poussy .
L’intégrale qui vient de paraître rappelle que l’auteur eut toujours un profond attachement pour ce félin, car il réalisa ses premiers gags dès 1949 dans le quotidien belge Le Soir, pour les poursuivre dans plusieurs supports jusqu’en 1992 !
Dans ce très beau dossier introductif, Hughes Dayez, en expert omniscient et exclusif, explique très bien la tendre fidélité que nourrissait l’auteur envers le chaton, même si d’autres petits êtres mignons comme les Schtroumpfs n’ont pas manqué de vampiriser son énergie lors de ses dernières années. Là encore, illustrations rares, esquisses, crayonnés, photos d’époque et autres couvertures de Spirou permettent d’accompagner le récit de ces créations.
L’intégrale repart de ses tout-débuts, à savoir les 26 gags parus dans la rubrique éducative et documentaire du Soir : "Pour les enfants". Ces pages réalisées entre 1949 et 1951 sont logiquement marqués par l’évolution graphique et scénaristique de l’auteur vers une seconde phase qui trouve sa place dans le Soir Jeunesse entre 1955 et 1960. Puis, après une seconde pause, Peyo mit tout son talent dans la publication de son chat fétiche au sein du Journal de Spirou (parfois d’ailleurs uniquement dans la version française de l’hebdomadaire).
On ne peut, une fois encore, que saluer le travail remarquable des éditons Dupuis pour ces différentes publications qui convergent en cette fin d’année. La publication à l’italienne en demi-planches de Poussy rend hommage à la construction de Peyo.
Outre le dossier et ses bonus, on se félicite de découvrir ici plus de cent gags inédits chez Dupuis. Voilà qui satisfera les amateurs de Peyo qui devaient se contenter jusqu’ici de la précédente et unique intégrale de Poussy parue chez Rombalbi il y a plus de vingt ans, qu’il n’est pas rare de voir affiché dans certaines officines spécialisées à un prix de plusieurs centaines d’euros.
Entre le nouveau mur consacré par le CBBD à l’auteur des Schtroumpfs, les trois recueils et albums parus de l’auteur ces dernières semaines, la réédition des intégrales de Johan et Pirlouit, l’annonce de la réalisation d’un troisième film des Schtroumpfs, cette fois à 100% en animation et la très prochaine sortie sur grand écran de Benoît Brisefer, le nom de Peyo rayonne encore, quelque vingt ans après sa disparition,
(par Charles-Louis Detournay)
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Lire également un précédent article au sujet de cet auteur emblématique : Vingt ans sans Peyo et Un amour de Schtroumpf
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