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Philippe Druillet flingue le Maire d’Angoulême et la Cité de la Bande Dessinée

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 20 novembre 2009                      Lien  
Alors que le Festival et le Maire ont enterré la hache de guerre, Charlie Hebdo publie cette semaine un virulent réquisitoire de Philippe Druillet contre la Ville d’Angoulême, son maire et sa Cité Internationale de l’Image.

Philippe Druillet n’est pas n’importe qui. Fondateur des Humanoïdes Associés, designer et plasticien, il a été Grand Prix de la Ville d’Angoulême en 1988 et siège à ce titre à l’Académie des Grands Prix qui attribue chaque année la plus haute distinction de la Ville à une personnalité de la BD qui devient ensuite le président du Festival l’espace d’une édition. L’année dernière, c’est Blutch qui avait été distingué.

On se souvient du bras de fer entamé le 30 octobre dernier entre le Maire d’Angoulême, Philippe Lavaud, et le délégué général en charge du Festival de la BD, Franck Bondoux. Après que le ton soit monté, la querelle s’était conclue par une entente entre les parties faisant l’objet d’un communiqué commun.

Nous nous demandions s’il était opportun de se montrer aussi intraitable alors que le contrat triennal entre le FIBD et la ville vient à échéance en janvier prochain car, dans l’immédiat, d’autres instances publiques s’étaient substituées à la baisse de la subvention.

On sent bien que ce qui est en cause, c’est le renouvèlement du contrat triennal qui avait été opportunément augmenté par l’ancien maire avant qu’il ne soit déposé aux dernières élections. La menace plane-t-elle à ce point sur ces futures négociations que déjà, de toutes parts, on crie au loup ?

Philippe Druillet flingue le Maire d'Angoulême et la Cité de la Bande Dessinée
Angoulême. Entre la Mairie et le Festival, le climat n’est plus au beau fixe.
Photo : D. Pasamonik

« Le maire fait chier »

L’affrontement vient de monter d’un cran ces jours-ci, en dépit de l’apaisement de façade, suite aux déclarations de Philippe Druillet à Sylvie Coma dans Charlie Hebdo cette semaine. Sous le titre « Festival d’Angoulême : Druillet atomise la mairie », le dessinateur de Lone Sloane opère une attaque en règle.

Contre la ville et son maire d’abord : « Cette ville, qui représente le neuvième art, passe son temps à insulter la bande dessinée. Chaque année, il y a un scandale. Aujourd’hui, c’est le maire, Philippe Lavaud, qui fait chier. Un maire socialo, ce qui me fout encore plus les boules. J’ai l’impression qu’il a oublié le message de Jack Lang, qui s’était battu pour le Festival d’Angoulême pendant des années. »

Contre la Cité internationale de l’Image ensuite : « …une espèce de musée où se planquent une bande de zozos qui roupillent, car je me demande vraiment ce que font leur 67 salariés tout au long de l’année !  »

Tout le reste de l’interview est à l’avenant. Avec la verve qu’on lui connaît, Druillet canonne, avançant des arguments parfois contestables d’après « les chiffres [qu’on lui] a donnés », Le dessinateur a l’air clairement en service commandé mettant tout son poids dans la négociation pour faire plier la ville.

Franck Bondoux, le délégué général du Festival, Francis Groux, son fondateur, et Philippe Lavaud le maire de la ville en janvier dernier. Aujourd’hui, les couteaux sont tirés.
Photo : D. Pasamonik

Rapport de force

Pourtant, c’est près d’un million et demi d’euros, soit près de 50% du budget du Festival qui sont payés par 43.000 Angoumoisins. Rapporté au foyer fiscal, on imagine l’impact. Il n’est donc pas juste de dire que cette ville « passe son temps à insulter la bande dessinée »

Idem pour la Cité Internationale de l’Image. Les équipes qui y travaillent font un travail de conservation remarquable, en dépit d’un manque de moyens criant. Car si la Région n’a pas hésité à investir dans le « dur », la réhabilitation des chais, les frais de fonctionnement et d’acquisition qui dépendent du Ministère de la Culture, sont eux réduits à la portion congrue.

L’antagonisme est bien entre le Festival, une association de Loi 1901 qui a toujours évité de jouer le jeu des institutions angoumoisines, refusant d’intégrer l’« établissement public à caractère industriel et commercial » (EPCC) qui a été créé pour gérer la bande dessinée à Angoulême et qui aurait été une solution confortable pour sa pérennité [1]. Ces structures accueillent bon nombre de ses activités. Ainsi, le musée tant décrié par Druillet abrite la plupart des grandes expositions du Festival.

Bref, on voit difficilement où cette querelle peut mener. Dans cette partie de bras de fer, il n’est pas sûr que le Festival sorte gagnant.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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En médaillon : Philippe Druillet (C) D. Pasamonik

[1Le financement a été assuré par le département de la Charente (39%), l’État (26,5%), la Ville d’Angoulême (24.5%) et la région Poitou-Charentes (10%).

 
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9 Messages :
  • "Pourtant, c’est près d’un million et demi d’euros, soit près de 50% du budget du Festival qui sont payés par 43.000 Angoumoisins. Rapporté au foyer fiscal, on imagine l’impact. Il n’est donc pas juste de dire que cette ville « passe son temps à insulter la bande dessinée »

    Cette situation m’a toujours étonné. Je ne comprends pas pourquoi des retraités, femme au foyer, étudiants, ouvriers doivent participer fiscalement (impôts locaux) à une manifestation qui bénéficie principalement aux restaurateurs, hoteliers, boites et bars de la ville, sans parler des sandwicheries en J7, pizzaiolos et cie.

    Monsieur Druillet semble savoir de quoi il parle, il me semble anormal qu’une manifestation de cette envergure n’arrive pas à équilibrer son budget, compte tenu des recettes (prix d’entrée élevé, location des stands ruineuses pour les exposants).

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    • Répondu par Xavier Mouton-Dubosc le 20 novembre 2009 à  23:42 :

      Dis-donc, tonton, tu oublies que c’est un moment de l’année où bon nombre d’habitants en profitent pour louer à prix d’or leur canapé, sans compter de nombreux appartement inhabités le reste de l’année trouvent logés à ce moment-là.

      Et puis, si les professionnels locaux y gagnent, on ne va pas oublier que eux aussi paient des taxes locales.

      Si le FIBD n’était pas là, Angoulême n’aurait ni le Musée, ni l’École de l’Image, ni les entreprises spécialisés dans l’animation, ni les petits éditeurs, et ne parlons pas de la renommée mondiale.

      Cela ne retire en rien à l’importance relative dans le budget de la Mairie.

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      • Répondu le 21 novembre 2009 à  10:05 :

        "Si le FIBD n’était pas là, Angoulême n’aurait ni le Musée, ni l’École de l’Image, ni les entreprises spécialisés dans l’animation, ni les petits éditeurs,"

        Si ce n’était pas là, tout ça serait ailleurs ou ne serait pas. Franchement, travailler dans l’animation ou être étudiant dans une ville pareille, faut vouloir ou être suicidaire. J’ai habité cette ville et je la déteste. Les murs de la plupart des maisons du centre sont truffés de champignons qui puent. Le climat est mou et les gens ressemblent au climat. La seule Culture qu’ils connaissent est agricole. Il y a des tas maisons vides et à moitié abandonnées et un nombre pas possible de types qui ont fait de la prison. On s’ennuie toute l’année et le lendemain du Festival, on se croirait dans une ville de Western désertée par ses habitants. Alors, qu’ils restent dans leurs charentaises et qu’ils le flinguent ce festival de la BD en saucisse. LA BD n’a pas besoin de festival pour exister mais les gens qui organisent ce festival, oui.

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        • Répondu par Bob le 21 novembre 2009 à  16:20 :

          Enorme !
          Ce que tu dis .
          J’aurais pas oser aller si loin dans le propos mais c’est bien que quelqu’un le fasse , ça va faire réagir , même si je ne suis pas forcément d’accord avec toi dans l’attitude .
          Effectivement il serait ailleurs le festival , et des ailleurs il y en a des mieux de festival .
          Ce que tu dis sur Angoulème se vérifie dans beaucoup d’autres villes de France sur le plan culturel .
          Désertion , abandon , vide ...c’est vrai que c’est la sensation à Angoulème .Mais apparemment tout le monde s’en fout là bas .En même temps comme on n’est pas obligé de rester on quitte la ville sans regret , enfin un petit regret pour cette ville qui pourrait donner plus que beaucoup d’autres villes de France ou vraiment ça pue la nullité et la mocheté.
          Moi je trouve qu’Angoulème en n’est pas encore là mais ça ne saurait tarder , puisque les gens qui ont les thunes veulent faire des thunes avec la thune des autres .Toujours la même chose , on dit de belles paroles , on pose du vernis sur du vieux , on parle de création d’emploi , et plouf ...au sortir de l’évènement on retombe dans le vide spacial.Vous pouvez crier personne ne vous écoute .
          Le beau musée de la bd d’Angoulème si on le remplit pas d’initiatives pour les gens qui veulent se bouger le cul et travailler dans la bd , on va pouvoir le recycler en musée du ciné puisque le festival des films francophones ( je crois) démarre doucement en aout à angoulème et ramène encore plus de thunes...les stars , le pognon du ciné , etc...
          DES THUNES...
          Y a Corto qui a tout compris , il regarde déjà vers l’ouest , vers l’estuaire de la charente .
          Pour une ville qui se réclame d’un festival international tout ça est bien triste finalement .
          Après on entend qu’il faut arrêter de centraliser sur la capitale .Laissez moi rire !
          ALLEZ la parole aux bien pensants qui vont nous clouer dans le coin du ring .
          Ciao.Boby.

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      • Répondu par Bob le 21 novembre 2009 à  13:41 :

        Je ne saisis pas tous les tenants et aboutissants de la situation mais j’entends autre chose à propos du festival international de la bd , la cité de l’image et la ville d’angoulème.Je ne suis expert en rien donc ce que je vais dire est très discutable mais c’est un point de vue personnel.
        A part durant le festival ou il semble que tout le monde en profite ( et tant mieux) le reste de l’année j’ai pas l’impression qu’il se passe grand chose en rapport à la bd , l’image mise à part l’école qui forme les gens et la maison des auteurs.Pour une ville qui revendique un festival international , le reste du temps de l’année est mort par rapport à la bd , alors que tout est là pour.
        Pourtant le nouveau musée de la bd est formidable mais à quoi sert il ??
        Qu’est ce qui est fait en terme de tremplin pour lancer des auteurs inconnus , des gens qui galèrent et qui pourraient profiter d’infrastructures existantes ??
        Que dalle en fait je crois .
        Je suis resté quelques mois sur Angoulème , j’ai compris qu’il n’y avait rien à espèrer comme ouverture sur les possibilités et une connaissance sur place m’a bien fait comprendre que les belles années étaient passées.
        Dommage Angoulème est une belle ville .Enfin elle se passera de moi , je suis personne , elle n’aura pas de mal.
        Tout coute cher et j’imagine bien que les budgets sont serrés . N’empêche que des solutions il en existe pour donner une vraie dimension de cité internationale de la bd à cette ville et d’engager des thunes dans des projets qui ne seront pas forcément rentable de suite , mais juste histoire de dire " regardez on est une ville internationale pour la bd et on essaie "( pas juste des beaux dessins sur les murs) , on relance des gens qui ne sortent pas forcément de notre école , des gens qui ne sont pas forcément formés ( une école de bd de toute façon je vois pas à quoi ça sert , il y a trente ans il n’y en avait pas et les plus grands dessinateurs et scénaristes émergeaient déjà ).
        Mais bon on est dans le consensuel , la rentabilité , dire ce que je dis c’est bien dans ma bouche car comme je ne suis personne mon propos passe plus ou moins bien , tout le monde s’en fout , enfin les responsables surtout.
        Le pognon décide , le festival décède ,
        La ville avec hein ...
        tout ça pour dire qu’il faudrait pas juste penser au festival au moment du festival mais aux autres moments de l’année et à ce qui peut entourer le monde de la bd .
        je ne comprends pas tout ;ça c’est sûr .Mais enfin j’ai compris que je n’allais pas m’enfoncer à Angoulème .
        Druillet il dit des trucs qui dérangent pour dire d’autres trucs qui doivent l’agacer , le faire chier pour tout dire s’il en vient à critiquer l’organisation de la cité de l’image.Mais Druillet il est rock n roll alors tout le monde s’en fout aussi .
        Finalement l’époque de Métal Hurlant était une belle époque. Il n’y avait pas d’enjeux comme aujourd’hui et la bd se portait mieux .Aujourd’hui ils sont des centaines à essayer d’en vivre , des milliers de bd sont éditées, on dirait une course folle de profit en exploitant des gusses qui dessinent , et au final beaucoup de truc merdique, et beaucoup de trucs bien aussi, mais trop de trop.
        Le festival j’ai l’impression c’est un carouf de la bd qui dure 3 , 5 jours ( ??) .
        La bd c’était underground avant .Aujourd’hui ça se passe sur le net , ça devient numérique, en tout cas pour s’exprimer comme on veut si on ne veut pas de badge carouf .
        les histoires magouilles et compagnie , maire et responsables ,éditeurs , vont se ramasser un de ces 4 à force de penser profit, pognon .

        Je suis à côté du sujet , c’est pas grave , j’ai fait mon druillet .
        Ciao.Bob.

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        • Répondu par Alex le 21 novembre 2009 à  23:46 :

          Le festival a manqué le côche depuis bien longtemps. D’International il n’a que l’appelation. Ce n’est rien d’autre qu’un phénomène franco-français sans répercussion économique pour les grandes maisons d’éditions internationales. Ils étaient tous à Francfort, pourquoi grands dieux aller à Angoulême ?! Que ce festival de plus soit à la merci années après années d’enjeux économiques (Leclerc) ou politiques témoigne de son manque d’ancrage dans la vie culturelle. Rajoutez par-dessus le carriérisme de qq politiciens locaux et vous voyez que la situation actuelle est intenable. Angoulême est la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le boeuf. Dans sa formule actuelle, ce festival ne se développera jamais et restera un acteur marginal (et je devrais dire inconnu) internationalement.Ce n’est pas un marché... ni un événement culturel... Une promenade du dimanche ?

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          • Répondu par Mario le 23 novembre 2009 à  16:40 :

            Ouaip !

            Elles sont bien loin les fameuses rencontres internationales, ici et ailleurs, organisées par le regretté Claude Moliterni.
            SNIF !

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  • Ce serait bien de pointer ici vers votre autre article, consacré à la réponse apportée par la Cité internationale de la bande dessinée aux propos de Druillet : http://www.actuabd.com/-Cite-Internationale-de-l-Image+.

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  • Facebook du jour : "Benoît Mouchart lance une rumeur qui court depuis ce midi (déjeuner des Grands Prix) : et si, après tout, Moebius recevait le Grand Prix ? Jean Giraud l’a eu, d’accord, mais Moebius jamais ! L’Académie n’a pas tranché ce cas épineux, qui pourrait créer une jurisprudence envers... Frantico ?"
    Autant fermer les portes à tout jamais et lancer une nouvelle académie, non ?

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