Larcenet et Ferri résument bien la chose dans la préface bandessinée qu’ils ont accordée à cet album : le stylo de Foerster est ensorcelé et crache du noir à qui mieux mieux. L’auteur de La Cave aux crapauds, l’écrivain fantastique belge Thomas Owen, ne faisait pas un constat différent parlant de l’efficacité narrative de son jeune disciple "se vautrant dans l’horrible, le monstrueux et le macabre". Mais tout cela dans l’humour. Ceux qui connaissent Foerster ont remarqué son œil acéré et le staccato inquiétant de son rire étouffé.
L’univers de Foerster n’a rien de séduisant : ses personnages sont caricaturaux et grotesques, ses perspectives bancales, ses noirs et blancs lugubres. Mais une fois à l’intérieur, vous êtes dans une "histoire de la crypte", une nouvelle terrifiante qui vous plonge immédiatement dans une terreur trempée de rires. Dans Fluide, aux côtés du burlesque bon enfant de Gotlib, du décalage poétique et cérébral d’un Goossens, de l’humour "gros rouge qui tache" d’un Binet et des autofictions nostalgiques de Gimenez, ça marquait, forcément.
Compagnon de route d’Andreas, de Berthet, de Cossu pour lesquels il a écrit des scénarios, Philippe Foerster s’avère être un des meilleurs raconteurs d’histoire de sa génération. Nourri aux EC Comics, inspiré par Will Eisner dont il retient les croisillons structurants, mais surtout par les films noirs de la grande période de RKO à Hollywood, il assène, avec la régularité inquiétante d’une pendule marquant les douze coups de minuit, des récits complets de huit planches à la mécanique fine qui laissent à leur fin le lecteur interdit. Son rire alors fuse, comme par soulagement.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Certains l’aiment noir - Par Philippe Foerster - Fluide Glacial
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