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Philippe Geluck et Philippe Berthet honorés par le Grand Prix Diagonale - Le Soir 2017

Par Charles-Louis Detournay Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 5 mai 2017                      Lien  
La dixième cérémonie de remise des Prix Diagonale - Le Soir vient de se clôturer, dans son mélange habituel d'exubérance et d'autodérision. Quant au prix que pouvait recevoir Geluck, en définitive, un Philippe en cachait un autre !

Ainsi que nous l’expliquions il y a quelques jours, la troisième édition de la Fête de la BD - Diagonale s’est ouverte ce vendredi soir avec la dixième cérémonie de remise des Prix Diagonale - Le Soir. Au programme, comme chaque année, un spectacle musical destiné à illustrer les mérites de la bande dessinée, et plus particulièrement ceux du meilleur album et de la meilleure série de l’année écoulée, ainsi que la remise du Grand Prix à un auteur pour l’ensemble de sa carrière.

Pour rappel, le jury est constitué de Jean Dufaux, Jean Van Hamme, Raoul Cauvin, Hermann, Dany, Cosey, Étienne Davodeau, Maryse & Jean-François Charles, Jean-Claude Servais, Bernard Yslaire, François Walthéry ainsi que du journaliste Daniel Couvreur).

Philippe Geluck et Philippe Berthet honorés par le Grand Prix Diagonale - Le Soir 2017
La remise de prix 2016 : les hôtesses d’un soir célèbre Walthéry, l’auteur de "Natacha"
Photo : Charles-Louis Detournay

François Walthéry, lauréat du Grand Prix Diagonale – Le Soir 2017, nous révèle les coulisses de cette cérémonie parmi les plus importantes du Plat Pays :« Nous recevons plus de 150 albums issus d’une vingtaine de maisons d’édition différentes. En lisant tous ces albums, je me suis rendu qu’il y a actuellement beaucoup plus d’illustrateurs que de réels narrateurs : si vous regardez une planche sans les dialogues, il devient ardu de comprendre ce qui s’y déroule, cela manque de fluidité. Et cela ne dépend pas du style graphique ! Le choix du cadrage n’est pas toujours dicté par le récit, mais plutôt par la virtuosité du dessinateur, et cela a tendance à embrouiller le lecteur. Ces considérations sont bien entendu très personnelles. On leur apprend sans doute à dessiner ainsi dans les écoles de bande dessinée, mais il faut pouvoir se dégager du convenu pour revenir à ce qui fait l’essence de la bande dessinée : le récit. »

« Pour le choix final des albums primés, les relations entre les membres du jury s’avèrent très sympathiques ! Bien entendu, chacun arrive avec ses favoris, puis cela donne lieu à des échanges épiques. Pour ma part, je dois avouer que je suis moins porté sur la science-fiction ou les super-héros. Tout cela reste très bien dessiné, mais je reste amateur d’une bande dessinée plus classique, celle qui m’a entouré depuis mes débuts avec Mitteï, Peyo et mes collègues de Dupuis. »

Walthéry, primé lors de la cérémonie 2016, a apprécié l’humour et le ton du Prix Diagonale - Le Soir.
Photo : Charles-Louis Detournay

Et Walthéry de commenter l’ambiance particulière de la remise des prix :« Pour ma part, j’ai été plié de rire l’année dernière. Mais au-delà de l’aspect truculent, la cérémonie est très bien organisée : le son, l’enchaînement. J’étais ébahi par la dizaine de comédiens qui sont sur scène. Cela déborde d’humour et d’inventivité ; un exemple à suivre... si possible ! »

Sans transition, voici les albums, séries et auteurs primés cette année :

Meilleur album Diagonale - Le Soir 2017

Pour rappel, les albums en lice cette année étaient :
- Là où vont les fourmis ! de Le Gall & Plessix (Casterman)
- The long and winding road de Pellejero & Christophe (Kennes Editions)
- Monsieur Désire ? de Hubert & Augustin (Glénat).

Au sein de cette sélection de qualité, le jury a décidé d’honorer la finesse et la justesse de Monsieur Désire ?, un drame victorien dont les tenants et les aboutissants trouvent une certaine résonance avec notre époque actuelle, comme le détaillait dans nos pages Tahani Biernat : "[Dans Monsieur Désire ?], s’engage un combat psychologique intense et éprouvant, entre deux figures symboliques que tout oppose. Celle du vice d’un côté, incarnée par Édouard, noble oisif et coureur de jupons invétéré, et celle de la vertu personnifiée par Lisbeth, domestique à son service. Le premier cache sous le masque de la beauté et de l’indolence un caractère cynique, un esprit désabusé, nourri par des pulsions morbides le poussant à se détruire à petit feu avec le sourire. La seconde, malgré son physique ingrat, est capable par son simple regard, miroir d’une âme simple et généreuse, de troubler et d’émouvoir quiconque s’y plonge."

"Hubert ne sombre pas dans le manichéisme total, apportant quelques subtilités intéressantes. Ainsi les multiples provocations d’Édouard apparaissent au final davantage comme des signaux de détresse lancés à l’être cher. Une fois sa vulnérabilité mise à nu, et les raisons de son attitude dévoilées, il devient difficile de le détester complètement. Contrairement à certains domestiques qui se révèleront parfois plus malintentionnés et plus obtus que leur employeur. Quant à Lisbeth, elle apporte une lueur d’espoir dans un monde empreint de pessimisme, surmontant les épreuves avec courage et obstination."

Réception mondaine à l’ère victorienne - Hubert et Virginie Augustin © Glénat

"Au dessin, Virginie Augustin nous charme une fois de plus. À la fois vif et délicat, son trait se pare d’élégance lorsqu’il s’agit de dessiner les silhouettes, même les plus tortueuses. Les architectures et les décors détaillés rendent pleinement compte de l’environnement dans lequel les personnages évoluent et facilite l’immersion. Les couleurs expressives et l’utilisation de hachures nerveuses accentuent le sentiment d’oppression émanant aussi bien des demeures luxueuses que des lupanars miteux. La mise en page propose un découpage clair et maitrisé. Certaines planches muettes s’avèrent plus éloquentes que tout le reste."

"Peinture sociale aboutie, Monsieur désire ? offre, en plus d’un portrait de femme forte, une vision sans concession de la nature humaine. Car à travers cet affrontement s’élève le spectre d’une société fermée, hypocrite et particulièrement injuste envers les femmes et les pauvres."

exemple de planche muette en gaufrier - Hubert et Virginie Augustin © Glénat

Meilleure série Diagonale - Le Soir 2017

Pour rappel, les série en lice cette année étaient :
- Les Enfants de la Résistance de Ers & Dugomier (Le Lombard)
- Gus de Christophe Blain (Dargaud)
- Hilda de Luke Pearson (Casterman).

Et le jury a décidé de récompenser Gus de Christophe Blain dont le cowboy au grand nez vit des aventures fantasques qui dépoussièrent le western tout en rendant hommage aux grands anciens. (Dargaud)

Voici ce que nous en disait récemment Tristan Martine  : « Ce récit multiplie les épisodes délirants, quasi oniriques, truffés d’allusions artistiques (au rockeur Don Van Vliet, alias Captain Beefheart, à l’acteur Gene Wilder, ou à Robert Duvall). On pourrait y voir une métaphore de la construction des États-Unis au XIXe siècle, avec l’évolution lente de la marginalité à la respectabilité, mais en réalité, comme souvent chez Blain, ce n’est pas tant l’intrigue ou les allusions qui importent, que le rythme, pas tant les aventures, que le souffle. Son dessin n’est que mouvement, tourbillon qui nous emporte. La narration virevoltante nous emporte avec elle, et l’on en sort, comme toujours, abasourdi et heureux de cette course folle. »

Pas étonnant que le jury l’ait plébiscité ! Le dessinateur est cependant absent de la cérémonie.

Grand Prix Diagonale - Le Soir 2017

Photo : CL Detournay

Quant au Grand Prix, qui devait venir clôturer la remise des prix, nous pensions qu’il allait récompenser le sémillant Philippe Geluck, suite aux nombreuses vidéos que l’auteur-humoriste avait postées ces derniers jours->art20959]. Mais ce teasing concernait un prix complémentaire spécial, pour les dix années de Diagonale ! Ce prix "Spécial dix ans" vient donc récompenser une carrière hors normes où l’humoriste n’a eu de cesse de jouer de tous les registres de la bande dessinée, passant du strip au cartoon, de la planche à l’album complet, sans oublier la peinture, la sculpture, et autres dérivatifs qui ont permis de faire de son Chat l’un des personnages de la bande dessinée actuelle parmi les plus connus du grand public.

François Walthéry nous a donné quelques détails complémentaires sur ce choix : « Le Jury a décidé d’honorer Philippe Geluck pour l’ensemble de son œuvre. Pour illustrer cela, chacun des membres du jury a réalisé un dessin, qui devait comporter un chat et une diagonale : un défi rocambolesque ! »

Berthet, le "vrai" Grand Prix Diagonale - Le Soir 2017

Photo : CL Detournay

In fine, ce n’est donc pas Philippe Geluck qui reçut le Grand Prix Diagonale - Le Soir 2017, mais bien Philippe Berthet. Nul besoin de rappeler aux amateurs de bande dessinée le parcours passionné et passionnant de cet autre Philippe qui a fait ses premières armes au sein du Journal de Spirou, après avoir obtenu son diplôme auprès du prestigieux Institut Saint-Luc de Bruxelles !

Dès 1985, le jeune adepte d’une ligne claire jacobsienne impressionne par ses atmosphères américaines parmi lesquelles Le Privé d’Hollywood. Sa rencontre avec Yann et la création de Pin-up vont lui permettre dix ans de plus tard d’entrer dans un cercle très fermé des auteurs à grand tirage. Mais son besoin de varier les univers va l’amener à multiplier les collaborations : Nico avec Pierre Duval, XIII Mystery – Irina avec Corbeyran, etc. Ce qui l’a conduit en 2014 à revenir à une collection d’albums qui lui est spécifiquement dédiée, intitulée La Ligne noire, et au sein de laquelle il a déjà signé quatre albums avec Sylvain Runberg, Régis Hautière et Zidrou.

Motorcity - Par Berthet & Runberg - Dargaud

Si Philippe Berthet aime réaliser de belles illustrations, c’est avant tout un excellent metteur en scène qui se concentre sur la lisibilité et l’atmosphère de ses planches, comme il nous l’expliquait encore récemment : « Chaque partenariat avec un scénariste est différent, et c’est pourquoi j’apprécie alterner les collaborations. Mais je préfère garder la main sur l’agencement des cases sur la planche, telle que j’imagine la scène. Bien entendu, se posent les questions du cadrage de chaque case (où vais-je poser la caméra ?), mais aussi du rendu final de la planche et comment chaque case va permettre de composer un tout, à la fois lisible, homogène et contribuant à l’ambiance de la page. Il faut que l’œil du lecteur puisse voyager aisément dans la planche, que l’ensemble soit équilibré, et que cela reste plaisant graphiquement. »

Un prix dans la droite ligne des grandes pointures qui composent ce Grand Jury prestigieux.

Photo : Charles-Louis Detournay

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

(par Charles-Louis Detournay)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Le Prix Diagonale – Le Soir et sa troisième Fête de la BD à Ottignies-Louvain-la-Neuve : les 6 et 7 mai 2017.

Plus d’infos sur les sites internet du Prix Diagonale – Le Soir et de Diagonale - Fête de la BD.

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- notre interview de David da Câmara Gomes (Echevin d’Ottignies-Louvain-la-Neuve) : « La Fête de la BD de Bruxelles est complémentaire avec le Prix Diagonale-Raymond Leblanc »

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3 Messages :
  • Quand on voit que l’âge moyen du jury est de 83ans et 5 mois, on comprend mieux les noms des récipiendaires...

    Répondre à ce message

    • Répondu par Zot ! le 6 mai 2017 à  19:10 :

      Déjà, vous ne savez pas calculer une moyenne, en plus ce n’est pas gentil d’ironiser sur l’âge. Vous croyez peut-être que c’est important, mais je me passionne plus pour le talent et la carrière des auteurs qui font partie de ce jury.

      Répondre à ce message

      • Répondu par Laurent Colonnier le 7 mai 2017 à  00:42 :

        Si vous croyez vraiment que j’ai essayé de calculer une moyenne, vous êtes vraiment très très premier degré.

        Répondre à ce message

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