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Philippe Wurm : "Fantômes et Marmelade, constitue le vrai démarrage des Rochester"

Par Nicolas Anspach le 1er novembre 2006                      Lien  
{Les Rochester} est une série atypique dans l'univers du scénariste {{Jean Dufaux}}. Elle mélange comédie et intrigues policières, dans un univers social fort marqué. Elle nous raconte avant tout l'histoire d'un couple : Elza, issue d'une famille aristocratique et Jack, originaire des bas quartiers.

Avec son trait réaliste méticuleux, proche de la ligne claire, Philippe Wurm s’est merveilleusement adapté aux ambiances « british » du récit. Le dessinateur nous parle avec passion de sa série et de ses influences ...

Comment est née votre collaboration avec Jean Dufaux ?

Nous nous observions depuis de nombreuses années. Ceci dit, être attentif au travail de Jean Dufaux est une chose aisée compte tenu de sa notoriété et sa production. Un de mes amis, Olivier Grenson, travaillait déjà avec lui sur Niklos Koda. Il me parlait souvent de sa collaboration avec Jean. Lorsque j’ai manifesté à Arnaud Delacroix, éditeur aux éditions Casterman, mon envie de travailler avec un autre scénariste, celui-ci m’a confirmé que Jean était très intéressé par mon graphisme.

Vous vous êtes donc rencontré ?

Oui. Autour d’une bonne table. Jean Dufaux prend toujours ses grandes décisions autour d’un repas raffiné. Il m’a fait part d’une idée de série qui le taraudait : un couple, mal assorti, composé d’une riche héritière issue de la noblesse, et d’un journalistes vivant dans les bas quartiers, aussi paumé que fauché ! Le tout dans le cadre d’une intrigue policière...

Est-ce vous qui souhaitiez situer votre série en Angleterre ?

Oui. Jean avait compris, en lisant mes précédents albums, que j’étais porté sur les intrigues policières. J’adore ce pays et lui ai fait part de mon envie d’y situer notre récit. J’ai entamé quelques semaines plus tard les premières planches, sans même lire le synopsis. Il m’a résumé l’intrigue sous la forme d’un préambule. Cela me convenait parfaitement.

Philippe Wurm : "Fantômes et Marmelade, constitue le vrai démarrage des Rochester"N’était-ce pas frustrant d’avancer à l’aveuglette ?

Pas du tout ! Nous avons eu un réel échange. Il est certain qu’il est plus rassurant d’obtenir un synopsis ou l’entièreté du découpage avant de commencer la moindre planche. Ne fut-ce que pour réaliser les recherches documentaires.
Mais Jean privilégie l’interaction avec les travaux et les envies de ses auteurs. Il leur remet le découpage en quatre ou cinq fois. Cette manière de travailler me plaît : je suis surpris à chacune de ces livraisons, et cela rafraîchit mon regard sur l’histoire. J’ai alors le même émerveillement que le lecteur. Jean a besoin de ce regard pour éventuellement modifier son récit et mettre l’un ou l’autre personnage à l’avant-plan !

Les Rochester ont connu deux éditeurs et deux formats différents ... Sans parler des maquettes !

La série a eu un début de vie mouvementé. Ces péripéties résultent des changements éditoriaux opérés chez Casterman. Lorsque nous avions signé chez cet éditeur, il venait d’être racheté par Flammarion, qui fut lui-même acheté par le groupe Rizzoli. Les différentes directions qui se sont succédées ont mis leur grain de sel dans la politique éditoriale de l’éditeur. Ces hésitations éditoriales ne correspondaient pas à nos attentes. Nous avons eu différents contacts avec Sébastien Gnaedig, alors éditeur chez Dupuis. Celui-ci se montrait enthousiaste et avait davantage de répondant ! Nous avons donc décidé de le suivre. Quelques années plus tard, Dupuis a racheté les premiers albums et nous avons décidé de marquer le coup en changeant de maquette et de format.

Les Rochester, Elza & Jack.

Aimez-vous cette nouvelle forme, comparable aux grands volumes des éditions Dargaud ?

La plupart des albums de la collection Repérages sont dans un format plus petit. Dupuis a créé un nouveau format pour accueillir certaines de ses séries. J’apprécie beaucoup ce format. Cela permet d’avoir une respiration et une mise en valeur du travail graphique.
Nous en avons profité pour repenser la maquette. En fait, je considère que ce quatrième album, Fantômes et Marmelade, constitue en quelque sorte le vrai démarrage de la série. Les premiers albums ont été bien accueillis par le public. Jusqu’à présent, à cause des problèmes éditoriaux que nous avons évoqué, la cohérence de la série n’a pas été assurée.

Avez-vous participé à la création de cette maquette ?

Oui. Les graphistes des éditions Dupuis ont réalisé un excellent travail. Nous avons repensé la maquette pour d’une part mettre l’univers anglais en avant et, d’autre part, pour accorder plus d’importance aux personnages principaux. Le lecteur devait comprendre rapidement l’identité des Rochester. Une dynastie ? Un empire financier ? Des personnes qui utilisent un nom commun ? Ces questions me sont souvent posées par les lecteurs. Mais Les Rochester, c’est avant tout l’histoire d’un couple, Jack et Elza, qui vivent leurs relations avec parfois beaucoup de passion et parfois énormément de difficulté. Leur rapport est le véritable fil rouge de la série...

C’est sans doute l’une des séries de Jean Dufaux qui contient le plus d’humour ...

Oui. Jean s’amuse beaucoup à en faire dans cette série. Il n’avait pas tellement développé le genre de la comédie jusqu’à présent. Cela lui plaît énormément et il a envie d’accentuer ce ton plus léger dans certaines de ses autres séries.

Recherche de couverture

Votre trait a changé...

C’est une volonté. Un trait plus épais et affirmé ne manque pas élégance, et peut même augmenter la lisibilité. Il permet de mélanger plus facilement les genres, de passer du réalisme à la comédie de manière plus fluide. On peut difficilement introduire de l’humour avec un trait fin qui tire vers le réalisme.
Et puis, je voulais me faire plaisir. J’ai toujours été passionné par le travail d’Edgar P. Jacobs (Blake & Mortimer) et par la ligne claire. Je n’osais pas totalement assumer cette influence. Jean m’a aidé à le faire. Quand j’ai commencé à travailler avec lui, il s’est étonné en voyant mes premières planches. Il m’a dit : « Tu tires vers du Jacobs, là ! ». Ce n’était pas une critique. Il m’a encouragé à continuer. Ce style m’apporte beaucoup de confort et de plaisir. J’assume aujourd’hui l’héritage.

Quel est le thème du prochain album ?

Jean a décidé de baser son histoire sur un fait d’actualité. Le cinquième tome traitera des attentats qui ont endeuillé Londres en 2005. Nous passons des fantômes écossais à la problématique des rapports entre l’Occident et le monde islamique...

Propos recueillis par Nicolas Anspach

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Images (c) Wurm, Dufaux & Dupuis

Photo (c) Nicolas Anspach

✏️ Philippe Wurm
 
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