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Pierre Maurel, dessinateur militant

Par Thierry Lemaire le 15 août 2010                      Lien  
Loin des chemins embouteillés des maisons d’édition, Pierre Maurel a décidé de se lancer dans l’autoédition avec Blackbird, un feuilleton d’anticipation talentueux sur du vrai papier, astucieuse mise en abîmes du fanzinat et du secteur de l’édition.
Pierre Maurel, dessinateur militant
Pierre Maurel, qui ressemble étrangement au héros de son récit, les lunettes en plus.
(c) Pierre Maurel

« Il voyage en solitaire et nul ne l’oblige à se taire », disait Gérard Manset dans l’une de ses chansons. Pierre Maurel, déjà remarqué par ses publications chez 6 pieds sous terre et L’employé du Moi, reprend à son compte ces deux vers avec Blackbird, un objet culturel non identifié dans le ciel de l’été 2010. Un projet qui remonte à quelques années : « Je voulais sortir quelque chose pour Angoulême il y a deux ans, pour échanger avec des amis qui font aussi des fanzines. Je voulais aussi me lancer dans une longue histoire sous forme d’épisodes, car ça permet d’avoir des retours régulièrement. Et c’est assez réactif comme manière de faire : on monte un pdf, on va le porter chez l’imprimeur, et quelques jours plus tard, on a son tas de comics. »

Une page de l’épisode n°1.
(c) Pierre Maurel

Le choix de Pierre Maurel se porte tout de suite sur le support papier, plutôt que de publier Blackbird sur un blog. Un parti pris assumé, à l’ancienne, pas forcément dans le sens de la facilité : « Je voulais un truc qui tient dans la main. A la base une espèce de monnaie d’échange pour d’autres fanzines, à Angoulême. Et personnellement, j’ai vraiment du mal à prendre du plaisir à lire une longue histoire sur écran. Flâner et lire des petites pages par ci par là, ok, mais lire longuement sur écran, ça m’ennuie. Enfin, le sujet de mon histoire étant l’autopublication, le fanzine, il fallait que le fond rejoigne la forme quelque part. C’est un peu le but de la chose. »

Une page de l’épisode n°2.
(c) Pierre Maurel

Alors justement, parlons un peu de l’intrigue de ce feuilleton au format A5. C’est l’histoire d’un groupe de jeunes gens urbains, apprentis dessinateurs, qui décident de créer Blackbird, un fanzine au format A5. Tout se gâte au moment où les députés adoptent la loi qui supprime le prix unique du livre et interdit l’auto-édition. « Toutes les publications devront désormais passer entre les mains d’un éditeur qualifié et agrémenté afin de mieux contrôler les contenus à caractère litigieux et offrir aux auteurs des conditions optimales de distribution de leurs ouvrages », annonce le présentateur du journal de 20 heures.
Deux choix possibles pour nos héros, rentrer dans le rang et abandonner Blackbird, ou désobéir et publier le fanzine sous le manteau. C’est évidemment la seconde solution qui est choisie. S’engage alors un chassé-croisé avec les autorités du pays en question, dans une ambiance sécuritaire sournoisement inquiétante. Toute ressemblance avec un pays européen hexagonal et la politique de son gouvernement ne serait bien sûr que pure coïncidence.

Une page de l’épisode n°3.
(c) Pierre Maurel

« Au départ, je pensais avoir un peu"chargé le trait", mais l’actualité me montre chaque jour que la réalité rattrape et dépasse la fiction. » Si le scénario reste du domaine de la science-fiction, ou de l’anticipation selon son auteur, les coups de griffes sur certains choix politiques actuels en font une sorte de récit militant, sans prétention, centré sur des événements de la vie quotidienne. « Il vous faudra attendre de lire la fin pour le savoir, mais il y a bel et bien une "histoire", une "affaire" dans l’actualité à un moment donné qui m’a inspiré. A la fin de mon histoire, le rapprochement sera peut-être plus évident. Mais rendons à César ce qui est à César, et disons que la stupidité et la capacité de nuisance de ce gouvernement accouplé à la nullité de l’opposition sont une corne d’abondance de ce côté là. Et la docilité des gens aussi, qui est à la base de tout ça. »
Des propos, qui, bien entendu, n’engagent que leur auteur, qui les exprime avec finesse (scénaristique) et élégance (du trait) dans Blackbird. Une chronique sociale qui rappelle un peu H27 de Younn Locard, moins par le propos d’ailleurs que par le style. Un dessin noir et blanc maîtrisé, un gaufrier de six cases qui se permet quelques écarts au fil des pages, une couverture sans titre avec seulement le numéro de l’épisode, le feuilleton de Pierre Maurel respire le travail bien fait. Une vingtaine de pages, plus ou moins suivant les épisodes, qui se dévorent avec un plaisir égal.

Les quatre premiers numéros de Blackbird.
(c) Pierre Maurel

On s’en doute un peu, le but principal de cette expérience n’est pas de rouler sur l’or. Chaque numéro est vendu 3,50 euros, frais de port compris, ce qui permet tout juste à l’auteur de s’auto-financer. Se faire plaisir et expérimenter un circuit de vente sont deux objectifs plus abordables. « En ce qui concerne l’expérimentation d’un circuit de vente, c’est dans cette optique que j’ai créé un blog. Cela m’a permis d’avoir pas mal de commandes. Sans ça, je pense que j’aurais gardé mon stock de comics encore loooongtemps. »
Depuis le mois de juin, quatre épisodes sont achevés, deux autres sont prévus pour boucler l’histoire. Il serait vraiment dommage de passer l’été sans aller faire une visite sur le blog de Pierre Maurel pour découvrir son récit et lui commander quelques numéros.

(par Thierry Lemaire)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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2 Messages :
  • Pierre Maurel, dessinateur militant
    15 août 2010 14:44, par Malo

    Le dessin a l’air excellent et le scénario semble consistant, autant dire qu’on est bien loin de la prod’ indé habituelle. J’achète !

    Répondre à ce message

  • Pierre Maurel, auteur militant et intelligent.
    15 août 2010 15:24, par loic

    depuis le début de l’année, j’ai l’impression de ne plus prendre de plaisir dans la lecture de bande dessinée.
    Et puis, j’ai découvert le projet de Pierre Maurel.

    Et là ! poum ! J’ai pris une grande baffe dans les dents.

    Les albums les plus fabuleux de cette année.

    Il y a une véritable réflexion sur le fond et la forme... et puis, le propos développé est plus que d’actualité.

    A commander d’urgence directement à son auteur.

    Répondre à ce message

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