Il y a quelque chose de simenonien dans cette description de Pigalle à une époque où la pègre régnait en maître. Une observation paisible des mœurs et des lieux, des portraits surtout, d’une profonde humanité, exempts de manichéisme. Tout personnage a sa part d’ombre, ses failles, sa naïveté, sa beauté aussi. Le sang coule spontanément, sans vraie raison...
Les grilles, les portes cochères, les grands boulevards, les tractions avant, les néons qui enflamment les paysages la nuit, le corps fascinant et furtif des créatures... C’est un Paris d’imagerie que nous offrent Loustal & Götting, avec ses couleurs au petit matin, ses lumières douces, le hiératisme de ses silhouettes, ses silences, sa musique...
Götting écrit comme il dessine, esthétiquement. Ses personnages et ses intrigues sont des esquisses. Elles séduisent. Le lecteur a le temps de s’y insinuer, de laisser son regard courir sur le grain du trait, apprécier les couleurs, compléter ses observations par une réflexion vagabonde. L’osmose est parfaite entre les deux auteurs parce que c’est un scénario de dessinateur et que celui qui l’illustre est un orfèvre du dessin, toujours à distance du sujet, aristocratement élégant jusque dans la trivialité. L’ambiance est noire, certes, mais elle inspire plus la nostalgie que la terreur.
Pigalle 62-27 (allusion à une nomenclature pour les numéros de téléphone que les plus jeunes d’entre nous n’ont pas connue), délicieusement désuet, est une des bonnes surprises de la rentrée.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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