Façon caméra subjective, un type dévisage le flic calé en face de lui. Ses questions l’angoissent car il n’a pas l’habitude de la police, mais aussi du fait qu’il ne se souvient de rien. C’est pourtant sa femme qui est morte, et elle était enceinte.
D’emblée, la bichromie rouge/noir de Plein les yeux frappe le regard. Les images sont décalées, sans cesse parasitées par les visions du suspect. Keko ne manque pas de références graphiques : c’est un spécialiste des comics des années 50, notamment les plus bizarres, gores et pervers.
Mais ne vous attendez pas à en savoir davantage, on n’en saura guère plus. Cet homme a-t-il tué son épouse ? Les policiers tiennent-ils une piste ? Voilà qui n’intéresse pas vraiment Keko, tout occupé à greffer à chaque case des références (réelles ou imaginaires) à la culture populaire graphique des Etats-Unis.
La plupart du temps, on se retrouve en plein surréalisme. D’autant plus que les retours au réel, lors du récit de notre coupable présumé, montrent des scènes plus qu’étranges. Ainsi, un embouteillage révèle des conducteurs tous coiffés d’un casque militaire...
Si le procédé est profondément original, surprenant, gonflé même, l’amateur de polar risque de se perdre dans cet album volontairement délirant et avant-gardiste. L’éternelle question est posée : l’audace formelle est-elle soluble dans la BD polar ?
(par David TAUGIS)
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