Farel Dalrymple est un de ces auteurs complets qui se sont fait connaître avec une œuvre aussi unique qu’envoûtante.
Un ange très prolo met pied à terre et se fait trancher les ailes à la tronçonnneuse... un jeune garçon ramasse ces ailes et se les approprie... un clochard tout gentil est harcelé par un homme inexistant à ses yeux, qui lui susurre des horreurs... un nain qui change de taille ramène chez lui un poisson rouge errant de la taille d’un chien - et qui nage dans l’air...
Dans une ville rappelant furieusement New York, Pop Gun War met en scène une galerie de personnages tous plus étranges les uns que les autres, aux motivations souvent inexpliquées et aux comportements déroutants.
Tout cela pourrait faire de cet album un gentil gloubi-boulga, mais le lecteur est pourtant rapidement fasciné par cet univers très inhabituel. Tout le talent de Dalrymple consiste à réussir à rendre cohérent et logique son histoire - même s’il s’agit souvent plus d’une logique onirique que cartésienne, et attachants les personnages. Le mélange sans grumeaux entre le réalisme complet des décors (un urbanisme en déshérence) et les éléments fantastiques y est sûrement pour beaucoup. La plupart des personnages font d’ailleurs preuve, eux aussi, d’une complexité certaine qui les rattache plus à la tradition littéraire naturaliste qu’au manichéisme récurrent du fantastique.
Il faut aussi parler du graphisme de l’auteur : un gros travail est fourni sur les visages (dont le style rappelle un peu celui d’un Kevin Nowlan) ce qui, encore une fois, apporte de l’humanité aux personnages, aussi fantastiques soient-ils. Le noir et blanc de Dalrymple est chaud et expressif et la volonté de l’auteur de dessiner sur le même plan toutes les scènes, sans emphase pour les plus irréelles d’entre elles, rend cet album d’autant plus attirant.
Pop Gun War est un bel exemple de la vitalité et de l’originalité de la production indépendante américaine. Si l’auteur a depuis effectué quelques incursions chez les grands éditeurs [1], on ne peut qu’attendre impatiemment qu’il revienne à ses travaux plus personnels. L’univers de Pop Gun War est trop original et attachant pour que l’auteur ne nous en propose pas une nouvelle visite.
(par François Peneaud)
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Site de l’auteur (en anglais).
[1] Capers, une mini-série DC mettant en scène des gangsters juifs sur un scénario de Judd Winick, et le prochain Omega The Unknown pour Marvel, reprise d’un personnage des années 70.