Devenu jeune adulte, en 2004, Noah Van Sciver s’installe dans la banlieue de Denver en colocation avec l’un de ses meilleurs amis. Soudés par une passion commune, la pratique du skateboard, ils font leurs premiers pas vers l’autonomie. Pour subvenir à ses besoins - nourriture et loyer en priorité - et pouvoir s’acheter du matériel de peinture, Noah travaille dans un fast-food. Il s’y épuise pour gagner des clopinettes et se faire dénigrer par son manager.
Peu à peu, les amis s’éloignent. Noah délaisse sa planche, préférant ses toiles. Rêvant de devenir un peintre connu et reconnu, il ambitionne même d’être choisi pour exposer sur l’un des murs de la bibliothèque locale ! Les tensions s’accumulent. Le colocataire tête brûlée et l’artiste en devenir cohabitent de moins en moins bien. L’amitié s’effrite, l’art peine à éclore, le job alimentaire fatigue... Pas si facile d’entrer dans l’âge adulte.
Après Mon aventure torride, Noah Van Sciver revient à l’autobiographie. Il adopte de nouveau le format du comix court, d’abord auto-édité dans ce cas, puis publié par L’employé du Moi. Le dessinateur y raconte, partant de ses souvenirs, des épisodes de sa jeunesse qui l’ont particulièrement marqué. Une jeunesse américaine lambda, dans les années 1990 et au début des années 2000, à faire du skateboard dans les banlieues pavillonnaires et à entretenir une culture geek à l’époque moins à la mode qu’aujourd’hui.
Noah Van Sciver pose un regard lucide sur son adolescence et son entrée dans la vie d’adulte. Avec tendresse mais sans nostalgie exagérée, il reconnaît ses défauts et ses maladresses, souligne ses ambitions et ses passions. Une pointe d’autodérision et un humour discret, à l’image du garçon réservé qu’il était, égayent un récit parfois un peu triste mais jamais pathétique. Il donne ainsi quelques éléments pour mieux comprendre l’auteur de bande dessinée qu’il est devenu.
Le dessin, simple et très légèrement tremblé, les compositions alternant gaufrier et pleines pages, et le noir et blanc laissant de la place à quelques trames grises uniquement, renvoient à l’esthétique de la bande dessinée underground américaine. Noah Van Sciver assume pleinement une filiation à laquelle il a su apporter sa personnalité et ses thématiques. Il y ajoute, dans Pour l’amour de l’art, quelques références à l’histoire de la peinture.
Les affres de la création, entre soif de reconnaissance, ambition contrariée et volonté de radicalité, traversent les pages autobiographiques de Noah Van Sciver. Ce n’est donc pas un hasard si elles sont au cœur de sa trilogie Fante Bukowski, dont L’employé du Moi a justement annoncé une intégrale à paraître cet automne.
(par Frédéric HOJLO)
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Pour l’amour de l’art - Par Noah Van Sciver - L’employé du Moi - édition originale : For Art’s Sake, auto-édition, juin 2020 - traduit & adapté de l’anglais (États-Unis) par Matthias Rozes - 15 x 22,5 cm - 52 pages en noir & blanc - couverture souple - parution le 20 août 2021 - 7 €.
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