Des soins hospitaliers de qualité, l’assistance aux personnes handicapées, les soins aux personnes âgées, pour résumer, une politique gouvernementale dédié au secteur social…. En ces temps de crise sanitaire mettant en exergue les travers de notre société occidentale égocentrique, ces sujets sont depuis longtemps présents dans l’œuvre de Willy Vandersteen. Raison de plus pour ses aficionados de revenir sur ces « valeurs démodées » qui ont séduit et séduisent encore bon nombre de lecteurs du maître flamand, nostalgiques d’un temps révolu.
Willy Vandersteen n’a jamais été nostalgique. Pire : il ne comprenait pas que l‘on puisse se pencher sur ses œuvres du passé qu’il qualifiait lui-même de « péchés de jeunesse » devenus pourtant des classiques de référence. Ce conteur fabuleux s’était forgé -non sans quelques errements- au temps terrible de la guerre et de l’après-guerre, ce qui explique ses histoires complètement fantasmées, déconnectées de toute réalité concrète et se déroulant très souvent soit dans un lointain passé : Le Fantôme Espagnol, Le Trésor de Fiskary, Le Teuf-Teuf-club, Les Mousquetaires endiablés, Le Casque tartare, Le Trésor de Beersel, Le Diamant sombre, Le Roi boit, Lambiorix, roi des Éburons ... soit dans un pays lointain où le temps s’est arrêté, où les modes et les coutumes sont restées inchangées depuis des siècles : L’Île d’Amphoria, L’Aigrefin d’acier, La Princesse enchantée, La Nef fantôme, Le Castel de Cognedur, Le Ravisseur de voix ...
Fantômes un peu farces, sorcières bonasses, inquiétants enfourcheurs de chèvres diaboliques, fantasques alchimistes… animent autant de thématiques que le maître flamand aborde bien avant qu’ils ne déferlent à la télévision et au cinéma. Le caractère feuilletonnesque de ses récits -publiés dans les plus grands quotidiens de Belgique et de Hollande- le pousse à raccrocher souvent ses récits, parfois de façon cryptique, à l’actualité en faisant allusion à la politique, ou à la pression fiscale. À ses débuts surtout, un esprit conservateur dû à son éducation dans une famille catholique et royaliste caractérise bien évidemment son propos.
Une thématique plus adulte
À partir de la fin des années 1950, l’inspiration fantastique et onirique de ses récits, inspirée de ses lectures d’enfance et du quartier populaire anversois « De Seefhoek » dont il était originaire, s’efface progressivement en faveur de thématiques plus réalistes et plus adultes.
Elles se déroulent désormais dans le présent, faisant référence à l’actualité. La magie des débuts fait place à des machines inspirées par l’innovation technologique et aux thèmes sociaux. L’attention est portée aux enfants, aux personnes fragiles, qu’elles soient âgées ou handicapées, aux animaux… : Les Voisins querelleurs, L’Attrape-fils, le Matou marrant ou Lambique au bois dormant ressortent de cette veine. Ajoutons l’intérêt croissant de Vandersteen pour les problèmes du Tiers Monde, dans Le Sampam mystérieux et Le Cercle d’or, où la sagesse orientale vient en contraste avec la cupidité de certains capitalistes de l’après-guerre, comme dans La Tombe hindoue et Le Jongleur du veau d’or. La Guerre froide et même la vraie guerre sont au cœur d’albums comme Le Paradis des chiens ou Jeromba le Grec, et notamment la guerre du Vietnam dans Margot la folle, dès 1966.
Cette évolution surprenante s’explique : en 1959, Vandersteen fait un long voyage en Extrême-Orient (Japon, Philippines, Hong Kong, Thaïlande, Inde ...) où il est confronté à la réalité crue du Tiers Monde. L’auteur approche alors de la cinquantaine et fait inévitablement le point sur sa vie. Le catholicisme prononcé de ses premières années, de 1940 au début des années 1950, se mue en un humanisme beaucoup plus universel dans la période 1958-1968, entre le 45e et le 55e anniversaire de l’artiste.
Un précurseur
Plus graves, mais toujours dans un ton familier et populaire, ses albums touchent plus nettement aux questions sociales voire même à la politique. Ce n’est pas pour Willy Vandersteen une posture, même si nous sommes dans le registre du catholicisme social qui émergea dans ces années-là. Il y a une injonction faite aux gouvernements de s’occuper davantage des personnes faibles, déclassées, handicapées. Ainsi, dans Lambique au bois dormant, Bobette devient aveugle, de façon assez dramatique. Elle retrouve certes la vue à la fin de l’histoire, mais le message est passé.
En cela, il accompagne l’évolution de la bande dessinée de son temps où ces thématiques percent à la même période. Mais sa position et son succès ne l’obligeaient pas à endosser ces thématiques nouvelles qui allaient un peu à contre-courant du milieu conservateur de la bande dessinée européenne de son époque.
D’ailleurs, à la fin de cette période (1972), il abandonna Bob & Bobette à son assistant Paul Geerts pour se consacrer à la création de sa série Robert & Bertrand qui se passe dans les milieux ouvriers du XIXe siècle. Mais il reste un précurseur dans le domaine franco-belge où, sous l’emprise de la Loi de 1949 pour la protection de la jeunesse, le ton restera moralisateur quelques années encore.
Une vente exceptionnelle
Catawiki propose aux enchères jusqu’au 24 mai prochain, 54 planches de Willy Vandersteen, soit l’album complet de Bob et Bobette : Les Champignons chanteurs (1960), un épisode où des enfants se font enlever par des champignons et où Lambique se fait accuser d’être le ravisseur !
Bob, Bobette, Sidonie et Jérôme enquêtent et découvrent qui sont les coupables. L’album est dessiné dans sa langue originale, le néerlandais, mais chaque planche achetée sera accompagnée de l’album complet de cet épisode, en grand format, avec une double couverture française et néerlandaise et, à l’intérieur, la reproduction de toutes les planches originales de l’album. Une édition à tirage limité, signée par les filles de l’artiste, Helena & Christiane Vandersteen.
Patrick Vranken, manager de Catawiki (et passionné de BD !)
Voir en ligne : LE LIEN VERS LA VENTE DE CATAWIKI
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
En médaillon : Willy Vandersteen. Creative Commons - Wikipedia – Photo : Sjakkelien Vollebregt (ANE FO) GaHetNa (Nationaal Archief NL)
Participez à la discussion