Bien sûr, le dessin de Benjamin Reiss dont c’est le premier album suinte de maladresses. Les amateurs de cases bien léchées peuvent même le trouver moche. Mais ce serait injuste vis-à-vis d’un jeune auteur qui tient plus qu’il ne promet. Il est surtout parfaitement en phase avec ce satané Foenkinos qui nous refait le coup du dandy décontracté qu’on lui connaissait dans ses romans ("Inversion de l’idiotie, de l’influence de deux Polonais", "Entre les oreilles" et "Potentiel érotique de ma femme" chez Gallimard qu’on vous dit), dont les traits fusent avec une telle vigueur que même Beigbeder lève un sourcil aigu de respect dans Voici.
On imagine que, se mettant à la BD, il allait faire l’élève appliqué comme le premier Lautner ou Beineix venu. Qu’il allait se montrer bon gendre, le brushing impeccable, comme Didier van Cauwelaert ou Bernard Werber (bon d’accord, pas Werber), lorsqu’ils s’aventurent en terre de figuration narrative. Que nenni : Foenkinos se fout de la gueule du lecteur : sa ville américaine est une espèce de New York fantasmé où la Tour Eiffel côtoie la Statue de la Liberté en pleine ville sans aucun souci de vraisemblance. Un des personnages qui s’engueule avec sa femme parce qu’il est au chômage et que celle-ci en a marre d’être la seule à soutenir le foyer, ose dire : « Je te promets que la prochaine fois qu’on réapparaîtra dans cette BD, on sera riches. » Et il le fait ! Tout est à l’avenant : c’est décalé, bouffon, rafraîchissant, et les maladresses bien normales de Reiss en rajoutent dans le grotesque. Après tout, on est à la fête !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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