Dans une grande ville moderne, Paul Forvolino, un modeste chimiste employé par une de ces grosses boîtes où la compétition interne tient lieu de mode de vie, est victime d’un accident de travail : une fiole contenant des lichens génétiquement modifiés se brise et la solution lui coule sur la main.
Jusque-là, Forvolino n’avait pas une vie bien gratifiante : méprisé par ses supérieurs, sans espoir de gravir les échelons, ne voyant jamais sa petite fille à cause de ses horaires de travail où les heures sup’ ne sont même pas comptées. Et puis tout change : son esprit et son corps s’aiguisent, il fait plusieurs découvertes qui lui amènent de rapides promotions, sa femme le redécouvre... et le lichen qui couvrait sa main commence à s’étendre au reste de son corps.
Le scénario de Loo Hui Phong suit la grande tradition de l’utilisation du fantastique dans un but psychologique : le chemin du personnage vers l’inconnu, vers un autre moi, est aussi celui de la prise de conscience des véritables enjeux de la vie qu’un peu naïf, il menait jusque-là.
La lente transformation du personnage principal, aussi bien psychologique que physique, est joliment mise en scène par le dessinateur, Hugues Micol. Le dessin présente un monde froid et oppressant, la gamme colorée choisie ne faisant que renforcer l’impression produite par cette ligne tout sauf claire. L’ambiance générale est finalement réaliste (mais pessimiste), et les éléments fantastiques n’en ressortent que plus.
Il faut avouer que les aspects super-héros de l’histoire ne sont pas les plus passionnants : la réflexion sur le rôle du "héros" dans nos sociétés n’est pas très poussée, contrairement aux conséquences de ces changements sur la vie sentimentale et familiale des personnages.
À signaler également le beau titre qui, allié à une couverture intriguante, devrait pousser nombre de lecteurs à ouvrir l’album.
Prestige de l’uniforme est un album suffisamment atypique dans la production française pour mériter une attention particulière. Ce genre de fantastique est encore relativement peu présent dans notre pays, espérons donc que les auteurs qui s’y intéresseront ne retomberont pas dans d’autres clichés qui, bien que différents de ceux gâchant une grande partie de la production américaine, n’en feront pas perdre moins vite l’intérêt qui réside dans la nouveauté.
(par François Peneaud)
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