Après le Boris Vian de Piscine Molitor, les duettistes Bourhis & Cailleaux remettent le couvert dans le récit bien jazzy de la vie de Jacques Prévert. Ils le cueillent au seuil des années 1920, à Constantinople, où le jeune homme est appelé à faire son service militaire, sur les traces de Pierre Loti, en fréquentant les lieux interlopes d’Eyüp. Là, il rencontre Marcel Duhamel qui n’est pas encore l’éditeur de la Série Noire chez Gallimard.
C’est ensuite le retour à Paris sur les décombres de la Première Guerre mondiale, avec son impact sur le monde artistique : le dégoût de la guerre qui enfante Dada et derrière lui le Surréalisme, les Années Folles de Montmartre et Montparnasse. Prévert croise des compagnons de bohème qui ont pour nom Yves Tanguy, Robert Desnos, Benjamin Péret, Louis Aragon, André Breton qui règne déjà sur ce petit monde, Raymond Queneau, Man Ray, Alberto Giacometti... L’homme se rêve cinéaste et il le sera jusque dans sa littérature où défilent les images et les mots qui s’impriment l’un sur l’autre dans le mouvement saccadé d’une pellicule qui se casse et soudain s’enflamme.
Ce qui pourrait n’être qu’un simple "name dropping", danger de l’exercice, devient une énonciation poétique, en particulier grâce au dessin de Cailleaux, toute en élégance dans ses volutes graphiques : jeu sur la couleur des traits, jeux avec l’espace qui mélange avec malice les milieux grands-bourgeois dont tous ces artistes profitent tout en campant dans de miséreuses chambres de bonne. Une "première époque" (qui attend donc une suite) à la Belle Époque...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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