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Prix Bédéis Causa 2019 : des surprises et une nouveauté

Par Marianne St-Jacques le 13 avril 2019                      Lien  
C’est sous le signe de la surprise que s’est tenue le cérémonie de remise des Prix Bédéis Causa 2019, alors que le Festival Québec BD a choisi de décerner deux prix hommages. Le Grand prix, quant à lui, a été accordé à « La Petite Russie » de Francis Desharnais (Pow Pow).

Ce n’est non pas un mais bien deux piliers de la bande dessinée québécoise qui ont été honorés dans le cadre du Prix Albert-Chartier, à savoir Paulin Lessard et Sylvie Rancourt.

Auteur de la première série de BD de science-fiction du Québec, Paulin Lessard a publié Les Deux Petits Nains dans Le Progrès du Saguenay en 1947, à l’âge de 16 ans. Ce récit inspiré de la Guerre du Pacifique était quelque peu tombé dans l’oubli, faute de réédition. Le Prix Albert-Chartier pourrait donc contribuer à faire (re-) découvrir son travail. Aujourd’hui octogénaire, Paulin Lessard n’a pu venir accepter son prix en personne. Celui-ci a toutefois délégué son neveu Pierre Lessard, qui a lu les remerciements et surtout les anecdotes de son oncle relatives à la série.

Prix Bédéis Causa 2019 : des surprises et une nouveauté

Pierre Lessard accepte le Prix Albert-Chartier au nom de son oncle Paulin Lessard.
Photo : Marianne St-Jacques
Un exemplaire des Deux petits nains par Paulin Lessard (Éditions A.L.E. Québec, 1949), exposé au Musée de la civilisation de Québec dans le cadre de « BD : moments forts du 9e art québécois ».
Photo : Marianne St-Jacques

Le second Prix Albert-Chartier a permis de souligner le travail hors-norme de Sylvie Rancourt, scénariste, dessinatrice et éditrice de bande dessinée connue pour sa série autobiographique Mélody. Publiée aux États-Unis chez Kitchen Sink Press et en Europe chez Ego comme X, Sylvie Rancourt a la particularité de raconter son vécu comme effeuilleuse dans les années 1980, ce qui lui a assuré un certain rayonnement à l’étranger : « La chance que j’ai, c’est que j’ai un livre unique en son genre. Ça a beaucoup attiré l’attention aux États-Unis. Je pense qu’il n’y a même pas une danseuse qui s’est affichée aux États-Unis. C’est peut-être le cas aussi en France. »

Aujourd’hui mère de cinq enfants et grand-mère de plusieurs petits-enfants, l’auteure dit avoir été obligée de laisser de côté la bande dessinée pour s’occuper de sa famille. Alors que tous ses enfants ont atteint la majorité, celle-ci annonce son grand retour : « Ça me fait très plaisir [de recevoir ce prix]. J’ai quand même 20 ans d’absence et je me dis que j’aurais sûrement été rendue plus loin si je n’avais pas arrêté. Mais ma priorité, à ce moment-là, c’était vraiment mes enfants. À présent, je suis revenue et ça me donne le goût de l’ouvrage. Ça me donne vraiment une grosse chance. » En effet Rancourt dit avoir encore beaucoup de choses à raconter sur son expérience comme danseuse, puis comme gérante d’établissement : « Je n’ai jamais arrêté d’écrire. J’ai 100-200 livres prêts à publier que je vais entamer. J’ai six numéros de parus depuis deux ans. Je continue dans cette vague. »

Sylvie Rancourt, lauréate du Prix Albert-Chartier.
Photo : Marianne St-Jacques.
Une planche originale de Mélody : The Orgies of Abitibi par Sylvie Rancourt et Jacques Boivin (Kitchen Sink Press, 1991), exposée au Musée de la civilisation de Québec dans le cadre de « BD : moments forts du 9e art québécois ».
Photo : Marianne St-Jacques.

Sylvie Rancourt adapte également ses ouvrages en français, quitte à les redessiner elle-même au besoin, en plus de scénariser et éditer différents albums : « J’ai six artistes qui ont travaillé dans ma saga, car je n’arrive pas à dessiner tous les livres que j’ai écrits. J’invite tout le monde à participer à un livre de temps en temps. J’ai Gaby Charbonneau qui en est rendu à son 20e livre en Abitibi. J’ai publié ses quatre premiers livres dernièrement. Jacques Boivin a été publié par Kitchen Sink Press, aux États-Unis. Il a fait 10 numéros, dont un avec Gabriel Morrissette. J’ai M. Lepage aussi qui en a fait. (…) Je trouve ça super le fun d’avoir une grosse série comme ça, ainsi que le partage que ça permet. »

Le Grand prix pour Francis Desharnais

Le Grand prix de la ville de Québec (Meilleur album de langue française publié au Québec) a été décerné à Francis Desharnais pour son album La Petite Russie, publié aux éditions Pow Pow. Dans cet ouvrage très personnel, Desharnais a choisi de raconter l’histoire de ses grands-parents, agriculteurs ayant participé à la colonisation de Guyenne, village coopératif de l’Abitibi. C’est avec une certaine émotion que le lauréat a accepté sa récompense : « C’est toujours de la joie, de la surprise aussi, parce que toutes les autres bandes dessinées étaient super bonnes. En même temps, ce serait mentir que de dire que je n’y croyais pas. Je suis quelqu’un d’assez critique de ce que je fais, mais pour La Petite Russie, je suis content de mon travail. […] Je suis vraiment très heureux, surtout que la particularité du Prix de Québec, c’est qu’on le gagne devant tous les collègues, devant la communauté des gens de la bande dessinée. Ça aussi c’est touchant, car ça permet de remercier tout le monde. »

Interrogé à savoir si cette récompense avait une importance particulière pour lui, compte tenu de l’histoire familiale racontée dans La Petite Russie, celui-ci répond : « Oui, car même si je travaille fort sur chaque œuvre, pour La Petite Russie, j’avais mis un soin amplifié, plus aigu que pour mes autres albums, car je voulais essayer autre chose que de l’humoristique. D’essayer d’autres directions et de voir que des gens aiment ça, ça m’encourage à éventuellement continuer d’explorer. »

Francis Desharnais travaille présentement sur l’album La Course à l’espace, en collaboration avec Alexandre Fontaine Rousseau.

Francis Desharnais, lauréat du Grand prix de la ville de Québec.
Photo : Marianne St-Jacques.

Nouveaux venus dans le milieu de la bande dessinée, Jean-François Laliberté et Sacha Lefebvre ont remporté le Prix Réal-Fillion (auteurs canadiens s’étant le plus illustrés avec leur premier album francophone professionnel) pour U-Merlin T1, un récit de science-fiction paru chez Michel Quintin.

Ce prix « révélation » compte beaucoup pour le duo, comme l’explique Sacha Lefebvre : « C’est incroyable ! On ne pensait pas gagner. Dès le début, on était surpris d’être en nomination. C’était le fun d’être simplement reconnus parmi les finalistes. Ça nous jette à terre, nous sommes très reconnaissants. […] Quand tu fais la bande dessinée, tu ne sais jamais… Tu mets plein d’efforts, mais te dis que si personne ne sait que ça existe, si personne ne la lit, personne ne va la connaître. Donc le fait d’être en nomination, cela signifie qu’il y a des gens qui l’ont prise, qui l’ont lue, qui l’ont reconnue, qui l’ont aimée. C’est tout ce qu’on demande, et cela s’est réalisé. »

Jean-François Laliberté abonde dans le même sens : « J’ai appris qu’on était finalistes le jour de mon anniversaire, et déjà c’était un cadeau. Car nous sommes vraiment nouveaux dans le domaine. De savoir que des gens nous ont lus et qu’ils ont aimé ce qu’on fait assez pour nous nommer comme finalistes… Depuis ce temps, j’étais sur un nuage, et ce soir je flotte. »

Avec cette récompense, le tandem, qui ajoute présentement les touches finales au deuxième tome de la série, se dit très motivé pour la suite des choses. La scénarisation du tome trois est d’ailleurs déjà en cours.

Sacha Lefebvre et Jean-François Laliberté, lauréats du Prix Réal-Fillion, en compagnie de Thomas-Louis Côté, DG du Festival Québec BD.
Photo : Marianne St-Jacques

Un premier Prix Yvette-Lapointe

Le 32e FQBD proposait également une nouveauté : le Prix Yvette-Lapointe, consacré à la bande dessinée jeunesse québécoise, un secteur qui, après avoir connu une période creuse dans les années 1980-2000, est désormais en plein essor.

Déterminé par un jury d’enfants – qui n’a pas manqué de faire languir les finalistes – ce prix inaugural a été remis à Julien Paré-Sorel pour le premier tome de sa série Aventurosaure, parue chez Presses Aventure.

L’auteur était visiblement très touché de cette reconnaissance : « C’est un honneur, tout d’abord parce que c’est la première édition de ce prix. Deuxièmement, parce que c’est pour le premier tome de ma nouvelle série, donc ça commence super bien. L’accueil est chaleureux. C’est un bon sentiment de recevoir cet amour et cette appréciation de la part des jeunes lecteurs et lectrices. En plus, Yvette Lapointe est une grande pionnière du Neuvième art, une grande femme qui a tracé un chemin important dans l’histoire de la BD québécoise. Pour toutes ces raisons, c’est un honneur, une grande surprise, et j’en suis très heureux. »

Julien Paré-Sorel, lauréat du Prix Yvette-Lapointe.
Photo : Marianne St-Jacques.
Le jury du Prix Yvette-Lapointe était composé d’enfants membres du club des ambassadeurs littéraires de leur école.
Photo : Marianne St-Jacques

Auteure du strip familial Les Petits Espiègles paru dans le journal La Patrie en 1933, Yvette Lapointe est considérée comme la première femme à publier de la bande dessinée au Québec.

Les lauréats des Prix Bédéis Causa 2019 :

- Grand prix de la ville de Québec (meilleur album de langue française publié au Québec par un auteur canadien) : La Petite Russie, de Francis Desharnais (Pow Pow)
- Prix Réal-Fillion (auteur canadien s’étant le plus illustré avec son premier album francophone professionnel) : Jean-François Laliberté et Sacha Lefebvre, pour U-Merlin T1 (Michel Quintin)
- Prix Yvette-Lapointe (meilleur album jeunesse de langue française publié par un auteur canadien) : Aventurosaure T. 1, de Julien Paré-Sorel (Presses Aventure)
- Prix Albéric-Bourgeois (meilleur album de langue française publié à l’étranger par un auteur canadien) : Giant T. 2, de Mikaël (Dargaud)
- Prix Maurice-Petitdidier (Coup de cœur du jury pour album francophone publié à l’étranger par un auteur non canadien) : Ceux qui restent, de Joseph Busquet et Alex Xoül (Delcourt)
- Prix Traduction (Coup de cœur du jury pour album publié en français et issu d’une traduction) : Royal City T. 1, de Jeff Lemire (Urban Comics)
- Prix Jacques-Hurtubise (bourse de 1000$ remise à un jeune auteur pour un projet d’autoédition) : Julien Dallaire-Charest pour Pogneurs de spectres, un projet inspiré de S.O.S Fantômes
- Prix hommage Albert-Chartier : Paulin Lessard et Sylvie Rancourt

Julien Dallaire-Charest, lauréat du Prix Jacques-Hurtubise.
Photo : Marianne St-Jacques.
Les lauréats des Prix Bédéis-Causa 2019.
Photo : Marianne St-Jacques

(par Marianne St-Jacques)

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Code EAN :

La cérémonie officielle des Prix Bédéis Causa s’est déroulée le vendredi 12 avril 2019 au Musée de la civilisation de Québec, dans le cadre du 32e Festival Québec BD.

 
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