Le Prix Landerneau des Espaces culturels Leclerc n’est pas anodin parce que l’enseigne, qui rassemble 216 points de vente, est leader dans la diffusion de la bande dessinée en France. Ensuite parce que la sélection choisie était du plus haut niveau et parce que son président était Zep, lauréat de l’année précédente (qui était aussi cette année président du Prix Wolinski), un Genevois… comme le dessinateur de l’œuvre primée « L’Odeur des garçons affamés » Frederik Peeters, sur un scénario de Loo Hui Phang (Casterman)…
Combinazioni de la part de l’éditeur du Goncourt 2016 qui contrôle Casterman ? Non pas. Il s’agit d’un grand album, un western étrange, teinté de fantastique, où la scénariste Loo Hui Phang (Panorama, Prestige de l’uniforme, Les Enfants pâles, L’Art du chevalement…) joue habilement des faux-semblants et des codes du western pour nous livrer un récit qui, grâce au dessin de Frederik Peeters en devient hypnotique et envoûtant.
« Ça fait plaisir, c’est surprenant… » a commenté sobrement la lauréate en recevant ce prix. Elle avait rencontré Frederik Peeters à BD-FIL, le Festival de BD de Lausanne, il y a environ huit ans : « On se connaissait un peu car nous venions tous les deux du même endroit, raconte-t-elle. : nous étions publiés tous les deux par l’éditeur suisse Atrabile. On vient de la même famille, en fait. Très simplement, il est venu me voir. Je venais de publier "J’ai tué Geronimo" après "Panorama" et il m’a dit : « J’ai beaucoup aimé ces livres. J’aimerais bien que l’on travaille ensemble. Est-ce que tu aurais un scénario qui traîne dans un tiroir ? »
L’auteur des Pilules bleues qui n’avait pas a priori besoin d’un scénariste aimait son univers. « Je pense qu’il m’a sollicitée parce qu’il avait envie d’aller là où il ne serait pas spontanément tout seul. » Mais Loo Hui Phang n’avait pas de scénario en stock. « Et puis cela aurait été un peu dommage : Frederik, il faut lui faire des choses sur mesure. Il fallait lui tailler une histoire qui aille bien et qui en même temps surprenne, qui utilise toutes les possibilités de son dessin. »
La découverte des premières planches a été pour elle un moment magique : « C’est comme cela à chaque fois. L’histoire que j’ai écrite m’échappe. Je veux que le dessinateur s’approprie l’histoire et la raconte avec ses émotions à lui. Quand j’ai vu les dessins de Frederik, cela m’a donné des frissons : c’était tellement vivant, tellement vibrant... Je retrouvais exactement ce que j’avais écrit à la nuance près, mais c’est très troublant de le voir avec les yeux de quelqu’un d’autre. Ce mélange de familiarité et de découverte, c’est vraiment quelque chose de magique. »
C’est en tout cas un prix mérité qui revient à nos deux complices. Prélude à un autre à Angoulême ? C’est probable.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)