L’album annonce la couleur dès son édito : le scénariste Mark Millar a voulu créer avec cette nouvelle série « l’être humain absolu ». Son personnage principal, Edison Crane, est donc aussi intelligent et ingénieux que Sherlock Holmes, aussi calé en Histoire et tête brûlée que Indiana Jones, aussi immensément riche que Bruce Wayne (au seul détail que cette richesse est due à la sueur de son front) tout en étant aussi balèze que son alter-ego Batman pour mener ses combats. Reconnu comme étant l’homme le plus intelligent et le plus riche sur Terre, Edison Crane est un personnage qui a rien à craindre sur le papier.
Mark Millar nous raconte donc l’histoire d’un prodige, notamment lorsqu’il est dans le feu de l’action à l’âge adulte : tout en essayant de trouver le moyen de détourner un astéroïde géant de sa trajectoire vers la Terre (qui menace de provoquer la disparition de l’humanité dans quelques années), Edison Crane va devoir gérer parallèlement l’invasion imminente de cette même planète par une Terre d’une autre dimension !
Même si l’on retrouve dans cet album un contexte géopolitique contemporain et une violence graphique caractéristiques de bon nombre d’œuvres du scénariste, nous avons trouvé que Mark Millar avait levé quelque peu le pied sur ces points et proposait ainsi une nouvelle série plus accessible. Au regard de cet objectif supposé, nous avons eu l’impression que le scénariste a ici mis particulièrement l’accent sur le côté spectaculaire de son récit, car les différents talents d’Edison Crane permettaient de proposer plus facilement des péripéties dont le rythme n’aurait rien à envier à celui d’un story-board de film d’action.
Mis en scène admirablement par les très jolies planches, et le tout aussi joli trait, du dessinateur Rafael Albuquerque, le récit apparaît ainsi comme effréné et souvent prétexte pour démontrer les capacités d’Edison Crane. Ce dernier, outre être un dieu de la gâchette et du combat à mains nues, a sans cesse recours à son intellect supérieur pour se sortir de toutes les situations. Le personnage a ainsi la capacité de fractionner son esprit pour s’occuper de différents problèmes au même moment, ce qui est pratique pour gérer une fusillade tandis qu’il gère en simultané différentes parties aux mondiaux d’échecs !
Mark Millar parvient quand même à rendre ce personnage parfait sur le papier sympathique aux yeux du lecteur, en lui conférant un bagout certain (un trait qui pourrait faire penser aux différentes incarnations de James Bond au cinéma, ou à des personnages de la saga Kingsman du même scénariste) et des zones d’ombre liées à son enfance. Il est d’autant plus intriguant qu’il n’hésite pas dans le feu de l’action à racheter l’âme de ses ennemis en leur expliquant qu’ils ne sont pas méchants par nature et qu’une autre voie est possible ! Le tout en leur offrant une place de directeur dans l’une de ses nombreuses succursales, comme quoi...
Si l’on ajoute à ce tableau l’habituel retournement de situation chez Mark Millar qui donne une meilleure saveur au final de ses séries, on se retrouve avec Prodigy | La Terre maléfique face à un album agréable à lire et efficace. Même si cet opus ne nous semble pas un incontournable parmi les œuvres du scénariste, il n’empêche que les amateurs y trouveront facilement leur compte ; notamment ceux qui apprécient les récits d’espionnage ou portés sur l’action.
(par Romuald LEFEBVRE)
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Prodigy | La Terre maléfique. Par Mark Millar (scénario) et Rafael Albuquerque (dessins). Traduction de. Panini Comics, collection Best of Fusion. Sortie le 6 novembre 2019. 168 pages. 22,00 euros.