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Ptiluc :"Pirat’s avait été créé dans le but d’en faire un dessin animé. "

Par Christian MISSIA DIO le 3 juillet 2013                      Lien  
Retour de Ptiluc et de ses Rat's, grâce à un nouvel album baptisé Pirat's, publié chez Fluide Glacial. Rencontre.
Ptiluc :"Pirat's avait été créé dans le but d'en faire un dessin animé. "
Pirat’s - Gaz à tous les étages
Ptiluc (c) Fluide Glacial

Qu’est ce qui vous a poussé à faire un nouvel album de Rat’s, que vous avez intitulé Pirat’s, pour Fluide Glacial ?

Il y a quelques années, j’ai quitté les Humanoïdes Associés pour aller chez Soleil. Mourad Boudjellal, l’éditeur de Soleil [1], m’avait demandé de lui faire un album de Rat’s. Je me suis dit : pourquoi pas ? Un tome a été publié [2] mais, le temps passant, je me suis rendu compte que le projet ne l’intéressait plus. La série était complètement passée à la trappe dans son esprit !

Entretemps, Louis Delas quittait Vents d’Ouest pour rejoindre Flammarion afin de s’occuper de Casterman et Fluide Glacial, et celui-ci m’avait demandé de le suivre. J’ai hésité à accepter sa proposition car, à l’époque, j’étais pas mal dispersé car je publiais aussi chez Albin Michel. Louis lui même qui m’avait déconseillé de publier à gauche et à droite. Lorsque je lui ai rappelé sa mise en garde, il m’a répondu :" - Oui, mais c’était au Louis Delas de Vents d’Ouest que tu avais à faire. Aujourd’hui, c’est le Louis Delas de Casterman qui te le demande..." (Rires) ! Je ne l’ai pas suivi. Par contre, l’idée de publier Rat’s chez Fluide en reprenant le fonds, à la place des Humanos, me plaisait. Mais il y avait un hic : je ne m’entendais pas avec Thierry Tinlot, l’ancien rédacteur en chef de Fluide Glacial à cause de notre précédente collaboration chez Spirou, qui s’était mal passée. Du coup, j’avais refusé d’aller chez Fluide.

L’année dernière, j’ai croisé Louis à un salon du livre et il m’a demandé de me tenir prêt car il y avait du nouveau. Effectivement, deux ou trois mois après, Christophe Goffette m’appelait pour m’annoncer qu’il était le nouveau rédacteur en chef de Fluide Glacial et qu’il voulait voir mes projets en cours. Je lui ai présenté mes nouvelles BD et il a sélectionné Pirat’s pour le publier dans le magazine. Néanmoins, la publication ne s’est pas très bien passée et la série a été stoppée. Il faut dire qu’il y a eu toute une période de turbulences chez Casterman/Fluide lors du rachat de Flammarion par Gallimard. Christophe est parti et Yan Lindingre lui a succédé à la tête du magazine. Pirat’s a fini par se concrétiser.

Quelques planches de Pirat’s
Ptiluc (c) Fluide Glacial

Pourquoi avez-vous baptisé cet album-ci Pirat’s au lieu de Rat’s ?

Pirat’s est le titre de l’histoire que j’avais publiée chez Soleil avec mes personnages de Rat’s. De plus, il y avait eu un projet de dessin animé il y a quelques années autour de mes personnages. Initialement, je devais faire cet animé avec Jingle, la boite qui avait produit et réalisé Manu, le dessin animé de Frank Margerin. Mais la boite fut entretemps rachetée par Gaumont. Mon projet ne tombait pas spécialement à l’eau mais le nouveau producteur voulait se charger lui même du scénario car il n’aimait pas les miens. J’ai alors laissé tomber. Quelques années plus tard, Gaumont a quand même sorti un dessin animé inspiré de mon œuvre mais qui s’appelait Rat’z, avec un "Z". J’ai alors voulu me différencier au moment de la relance de ma série chez Fluide Glacial et je l’ai donc intitulée Pirat’s. J’aime bien ce titre. Je trouve qu’il colle mieux à ma série que Rat’s.

On note tout de même quelques différences par rapport à Rat’s au niveau de la réalisation.

Oui, parce que Pirat’s avait été créé dans le but d’en faire un dessin animé. C’est pour cela que j’ai mis beaucoup de gags en arrière-plan, pour qu’il y ait toujours de l’animation.

Au niveau du scénario, j’ai réadapté toutes les histoires que j’avais initialement écrites pour le projet de dessin animé. Je voulais d’abord montrer mes rats en situation de guerre avec les autres animaux. Après cela, j’avais pensé à les mettre en situation de créer une nouvelle civilisation. Ils feraient aussi des Jeux Olympiques, etc. J’ai beaucoup d’idées pour mes personnages et c’est un peu flou dans ma tête. Néanmoins, il y a matière !

Vous publiez aussi une série sur votre propre site Internet. Pensez-vous que le web est l’avenir de la presse BD ?

Je ne sais pas si c’est l’avenir, mais que le web remplace les magazines, cela me semble logique. Du temps de l’âge d’or, tout le monde lisait les magazines. Aujourd’hui, le public se retrouve massivement sur le web. Les magazines n’empêchaient pas la vente des albums, au contraire ! Si tu avais aimé un truc que tu avais lu dans un magazine, généralement, tu achetais l’album lors de sa sortie. Le web est plus éphémère car tu peux lire un truc sur Internet, mais tu y retourneras moins souvent que si cela avait été sur support papier. Du coup, lorsque l’album sort en librairie, tu as quasi oublié l’histoire sur le web. Je ne pense pas que publier sur Internet pénalise la vente d’albums. Mais il y a quand même une différence de taille entre les deux médias : le magazine paye les auteurs mais pas le web. Toutefois, je dirai quand même que quand tu publies quelque chose, c’est d’abord pour qu’il soit lu. Et c’est ce que je fais lorsque je publie une nouvelle planche, je vais voir le nombre d’internautes qui sont passé ssur ma page. Il n’y a rien de plus frustrant que de publier quelque chose qui ne sera pas lu.

Parallèlement à votre métier d’auteur de BD, vous êtes devenu un grand bourlingueur. Qu’est ce qui vous a motivé à faire vos voyages en Afrique, notamment ?

Quand j’étais plus jeune, je rêvais de faire comme toutes ces personnes qui partaient à Katmandou en 2CV. Du coup, lorsque j’ai eu les moyens, j’ai pris ma moto et je suis allé à Katmandou. Puis, en 1997, je suis allé en Afrique. Je me suis rendu jusqu’à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en moto. J’y ai pris goût et depuis, j’essaie d’aller le plus loin possible avec ma bécane sur ce continent.

D’où puisez-vous votre inspiration ?

Je ne sais pas. Ça vient comme ça. Quand tu as des idées, tu peux faire des métiers créatifs mais quand tu n’en as pas, tu deviens électeur (rires).

Quand on créé un univers, comme avec les Rat’s par exemple, on cogite énormément pour trouver des thèmes qui pourraient coller avec notre univers. C’est comme une gymnastique. Parfois, on s’inspire d’autres œuvres. Par exemple, j’ai fait dans le passé un album de Rat’s qui avait une chute s’inspirant du film Brazil de Terry Gilliam, car pour moi, la fin de ce film est une des meilleures fins que j’ai vues au cinéma.

Dans la BD que vous publiez sur votre site, vous mettez en scène une mission humanitaire dans un pays africain en guerre. Pourquoi ce choix ?

Lors de mes fréquents voyages en Afrique, notamment en République Démocratique du Congo, lorsque vous allez dans l’Est ou dans le Nord, il y a énormément de missions humanitaires ! Ce sont des gens avec des moyens énormes car ils sont quasiment les seuls à se rendre dans les zones de conflit. Ils ont tout ce dont la population pourrait avoir besoin : de l’eau, des vivres, du matériel, Internet, de l’essence, etc. Mais le hic c’est qu’ils sont obsédés par leurs bondieuseries ! Je voulais montrer cela et aussi les situations violentes que j’ai pu voir dans certaines zones de conflits. C’est un risque que j’ai pris en montrant cela parce que d’habitude, c’est le genre de situation que je dénonce à travers mes Rat’s. Là, ce sont des personnages réalistes.

Selon vous, qu’est ce qui motive les volontaires des missions humanitaires ? L’envie d’aider leur prochain ou la soif de vivre des aventures ?

Selon moi, c’est les deux. Certains s’engagent dans ce type d’entreprise par conviction et d’autres s’engagent comme on pourrait s’engager dans la Légion étrangère. Ce sont des têtes brûlées de l’humanitaire. On les retrouve souvent dans la logistique. Ce sont eux qui mettent tout en place et ils se cassent après pour laisser la place aux employés de bureau des ONG ou des Nations Unies. C’est aussi eux qui négocient avec les chefs de guerre pour faire un camp pour les réfugiés, par exemple. Ceux qui y vont avec un esprit boy-scout, soit ils déchantent très vite et rentrent à la maison, soit ils s’endurcissent et ils restent. Ou alors, tu fais partie des curés. Ce qui est extraordinaire avec eux c’est qu’à un moment, ils te ressortent toujours le message de l’Évangile. C’est un argument clivant mais qui force aussi le respect.

Voir en ligne : Le site officiel de Ptiluc

(par Christian MISSIA DIO)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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[1Actuel PDG du Rugby Club Toulonnais qui a revendu sa boîte depuis au groupe Delcourt.

[2Le tome 10 de la série. NDLR.

 
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