Puzzle - Par Franck Thilliez et Mig - Ankama Éditions

Quelque chose du roman noir dans le début de ce récit

Puzzle 2016 © Ankama Éditions

À la dérive, se sentant constamment épié, Ilan rumine un passé familial qui le hante et une séparation mal digérée. Jusqu’à ce que Chloé, son ex, se rappelle à son bon souvenir en l’embarquant dans la dernière étape pour participer à "Paranoïa". Ce jeu, véritable légende urbaine, serait l’ultime expérience pour les amateurs de chasse aux trésors. Une occasion à ne pas manquer pour Ilan, surdoué de la recherche d’indices et de l’association d’idées.

Sauf que certains détails se révèlent particulièrement intrigants et que les autres concurrents ne semblent pas avoir été choisis par hasard. Sans parler de ces règles, énoncées une fois le jeu lancé : la première, "Quoi qu’il arrive, rien de ce que vous allez vivre n’est la réalité. Il s’agit d’un jeu ; Suivie de la seconde "L’un d’entre vous va mourir".

Un vrai thriller, en bande dessinée, ce n’est pas si fréquent, et c’est déjà là un des premiers mérites de Puzzle. D’autant que nous avons là un joli travail d’adaptation d’une de ses œuvres mené par un romancier, Frank Thilliez, en bonne intelligence avec un dessinateur de talent qui trouve là un terrain d’expression privilégié : Mig. Nous l’avions rencontré à l’occasion de la sortie d’Ogrest en 2014 et il nous avait alors présenté le début de ce projet de collaboration :

Après Ogrest, j’ai encore j’ai un projet d’adaptation d’un roman, avec Frank Thilliez. Cela fait deux ans et demi que nous cherchons à travailler ensemble. Ce sera l’adaptation, toujours chez Ankama, de Puzzle, son dernier roman. Le côté pratique, c’est qu’on habite à 5 km l’un de l’autre : on développe le projet de manière directe et c’est lui qui se charge de l’adaptation de son propre roman. Comme il travaille pour du scénario de série TV, il est habitué à ce genre de pratique. Sur Puzzle, il y a des passages qui fonctionnent au niveau du texte mais qui ne sont pas immédiatement évidents au niveau visuel. On a très tôt parlé de tout cela et c’est en ce sens qu’il y aura un travail d’adaptation particulièrement précieux. Et, de mon côté, je voudrais obtenir un rendu de type roman graphique, sans pour autant être complètement hermétique. Rien que le titre, Puzzle, invite à beaucoup de choses tant narrativement que graphiquement.

Le motif du puzzle, qui donne son titre à l’ouvrage, prend corps dans les planches

Puzzle 2016 © Ankama Éditions

Paranoïa, c’est d’abord un jeu d’enquête, grandeur nature

Puzzle 2016 © Ankama Éditions

Et au final, le bilan s’avère positif. Le travail autour de l’ambiance, portée par les décors et couleurs, ainsi que la caractérisation des personnages, graphique et morale, fonctionnent parfaitement. Le cadre choisi, un ancien asile psychiatrique abandonné, isolé dans la montagne, et coupé du monde par la neige installe une atmosphère propice à la suspicion. Et nos protagonistes, bien que rapidement brossés, se révèlent vivants et même rapidement inquiétants. Idéal pour un jeu intitulé "Paranoïa" en somme.

En ce qui concerne la tension dramatique, il faut distinguer deux niveaux. Du côté de la progression de l’intrigue, des péripéties, l’immersion est suffisamment bien ménagée pour nous amener à dévorer l’ouvrage. Du côté de la compréhension d’ensemble, des enjeux et des grands twists, là le mystère peine à tenir sur la durée et on risque de deviner assez précocément, au moins confusément, de quoi il retourne.

On touche là à la difficulté de l’adaptation en bande dessinée de ce thriller particulier : ce délicat équilibre à trouver entre indices à délivrer et suspens à préserver. Ou comment rendre compte d’un implicite narratif sans le rendre graphiquement trop explicite. Et si finalement certains lecteurs devineront dans les grandes lignes autour de quoi "Paranoïa" gravite, demeure un moment de lecture prenant et diablement efficace.

Un asile psychiatrique pour cadre : de quoi douter de ce qui fait partie du jeu et de ce qui relève du réel

Puzzle 2016 © Ankama Éditions