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Quand la BD aide les jeunes homos à sortir du placard

Par François Peneaud le 7 mai 2005                      Lien  
L'association belge Ex Aequo vient de publier une brochure d'une vingtaine de pages contenant plusieurs pages de BD, à destination des jeunes homos.


Un projet peu commun

Quand la BD aide les jeunes homos à sortir du placardL’initiative est remarquable à plus d’un titre : tout d’abord, le matériel consacré aux jeunes homos et à leurs préoccupations spécifiques consiste surtout en des livres écrits par des chercheurs qui ont étudié la question, et donc ne parle pas toujours à ceux qui sont pourtant les premiers concernés ; ensuite, l’utilisation de la BD n’allait pas de soi, contrairement à ce que l’on pourrait penser.
Après la parution en 2001 d’une première brochure sur le questionnement personnel des jeunes sur leurs préférences amoureuses, l’association Ex Aequo, dont l’axe d’intervention est la prévention du sida vis-à-vis des hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes (ce qui dépasse le cadre étiqueté « homosexuel ») et les questions d’identité sexuelle, a procédé à une évaluation de cette brochure, pour ensuite décider d’en publier une deuxième, cette fois-ci axée sur l’annonce de l’homosexualité à l’entourage (famille, amis..). Parmi les conclusions de leur enquête, ressort que l’utilisation d’un style caricatural en bande dessinée (comme c’est le cas du dessin de l’artiste impliqué dans ce projet) peut, de l’avis des jeunes homos, mener à un rejet homophobe. La caricature, parfaitement adaptée pour faire ressortir quelques traits particuliers d’un personnage, peut donc être perçue comme une simplification menant à un enfermement dans les clichés homophobes bien connus. Il est manifeste que pour cette deuxième brochure, un soin particulier a été pris pour éviter cet écueil.

Un travail d’équipe

Deux auteurs de BD ont participé à ce projet : le scénariste Thierry Robberecht et le dessinateur Marco Paulo, tous deux auteurs de la série La Smala chez Casterman. Ils ont élaboré leurs scénettes (toutes d’une page) sous forme d’histoires à chute, mettant en scène William, jeune homo qui commence à faire sa sortie de placard et vit ses premières amours. L’un des aspects intéressants de ce projet est la collaboration entre deux auteurs de BD et des jeunes homos avec qui ils se sont longuement entretenus, les expériences de vie de ces jeunes gens constituant la matière première de ces planches de BD. Effectivement, tout cela sonne juste, l’humour étant intelligent et sensible, et l’accent mis sur les relations humaines, d’amitiés ou d’amour, montre bien que si les difficultés de se vivre différent n’ont pas disparu, le discours sur le sujet n’est plus celui des médecins qui veulent guérir ou des religieux qui veulent interdire, mais celui de jeunes qui sont conscients que finalement, leurs différences avec leurs amis hétéros sont moins importantes que leurs points communs. Entrecoupant les pages de BD, de courts témoignages de jeunes homos renforcent d’ailleurs l’intérêt non-fictionnel du projet.

Deux auteurs impliqués

Marco Paulo et Thierry Robberecht ont accepté de répondre à quelques questions concernant ce projet.

Qu’est-ce qui vous a motivés pour participer à ce projet ?

Nous étions déjà partie prenante du premier William paru il y a environ quatre ans. Même si ce projet était quelque peu différent de celui dont nous parlons, l’expérience avait été satisfaisante. De plus, il nous semble important de participer à des projets civiques et d’une certaine manière politiques en la matière. L’homophobie est loin d’être éradiquée en Belgique. L’acceptation de la différence n’est pas la règle pour tous.
Enfin, les histoires d’ados et de leurs relations avec leurs familles ne sont pas très éloignées d’une série comme La Smala sur laquelle nous planchons (dans le sens BD du terme) depuis plusieurs années.

Vous avez pris part à des discussions avec des jeunes homos. Comment avez-vous travaillé avec eux ?

Nancy Peltier, responsable du projet, a défini quelques thèmes à aborder. Ensuite, nous avons écouté les jeunes nous parler de leur expérience. Nous avons appris par exemple que l’homosexualité ne se vivait pas de la même manière à la ville et à la campagne. Nous avons collecté des récits de coming-out et des histoires familiales. A partir de ce brut, Thierry a amené des scénarii de strips qui ont été discutés, acceptés ou rejetés. Une demande générale a été de mettre en scène l’aspect affectif et romantique de l’amour homosexuel en plus des relations avec la famille et les amis. Finalement, douze gags ont été sélectionnés en accord avec les jeunes gens.

Quelle était leur attitude par rapport à la BD ?

Ils ont été très intéressés par le travail de Marco. On peut dire qu’ils ont reçu une information précise sur les différentes étapes de la création de strips.

Que retirez-vous de ce travail ?

Une très grande fierté d’avoir participé à un projet ambitieux. Des découvertes et des amitiés humaines, ce qui est loin d’être négligeable.

Que pensez-vous que la BD peut apporter à ce genre de projets ?

La BD, par essence, est lisible immédiatement. Surtout les strips. Vous ouvrez et vous lisez.
Sans BD, la brochure aurait pu développer un réflexe de rejet ou de désintérêt chez les gens qui estiment ne pas faire partie de la cible du projet. Or, Le Monde de William ne s’adresse pas qu’aux homosexuels ou aux jeunes qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle. Elle vise aussi l’entourage des jeunes gens et les parents qui auraient du mal avec la sexualité de leur enfant. Se retrouver mis en scène dans une BD peut amener une certaine décrispation dans les familles sur des sujets sensibles.

Aujourd’hui la Belgique, demain la France ?

Cette brochure, fabriquée par et pour un public belge (elle contient par exemple des références à divers services et associations belges, et utilise de façon inattendue l’existence du mariage homo en Belgique), devrait pouvoir servir aux adultes en contact avec des jeunes à proposer un outil de discussion avec ceux (mais pas vraiment celles, les questionnements spécifiques aux lesbiennes n’étant pas abordés) qui se posent des questions sur eux-mêmes, dans le cadre de rencontres individuelles plutôt que de groupe - d’après les documents présentés par Ex Aequo.
On peut espérer que ce projet belge donnera des idées aux associations françaises. L’homophobie est malheureusement une des choses les mieux partagées entre nos deux pays, même si la Belgique est largement en avance sur la France quant aux droits des homos.
Nul doute en tout cas que l’atmosphère légère des dessins de Marco Paulo et l’humour des textes de Thierry Robberecht aideront nombre de jeunes à dédramatiser par rapport à des situations qui peuvent être, encore de nos jours, parfois difficiles.

(par François Peneaud)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Site de l’association, sur lequel les particuliers peuvent se procurer gratuitement la brochure (en payant simplement les frais de port). Celle-ci est également disponible au format PDF.

 
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