Il faut qu’on en sorte de l’éternel couinement qui survient à la sortie d’un nouvel Astérix. René Goscinny ironisait déjà à la sortie du 10e album (on en est au 37) à propos des critiques de l’époque qui disaient qu’il « baissait » par rapport aux précédents. Le paradoxe, c’est que cette série qui baisse depuis près de cinquante ans n’a jamais cessé de gagner de nouveaux publics. Plus de 370 millions depuis sa création en 1959, le gros de ce chiffre (qui a dit gros ?) ayant été effectué après la disparition de Goscinny il y a 40 ans.
Mais oublions ces chiffres un instant, oublions le « phénomène de société » . Oublions même les albums de Goscinny tout géniaux qu’ils soient, oublions un instant aussi Albert Uderzo et son fabuleux dessin qui sont et qui resteront des références (leurs noms figurent et pas qu’un peu sur les albums) et abordons ce nouvel Astérix avec un œil neuf.
Le titre d’abord. Chacun en fait l’expérience : on butte sur ce titre. On en fera vite un « Astérix et la Transatlantique ». Mais bon, depuis Le Bouclier arverne, on sait que l’on s’accommode facilement des titres bizarres.
Vitesse de croisière
La question fondamentale est : Est-ce un bon album ? Définitivement oui. Meilleur que les deux précédents ? Oui. Parce que Jean-Yves Ferri a simplifié sa trame : il s’agit d’une course de chars à travers l’Italie avec une récurrence de divers « effets Astérix » : la représentation d’une grande diversité de peuples barbares et italiques, un jeu assez jouissif sur les patronymes, des jeux de mots extrêmement bien amenés, et un rythme trépidant dans un scénario bonhomme, marqué par une observation critique mais toujours bienveillante. Ferri s’est approprié Astérix, il est désormais au point.
Idem pour Didier Conrad. On le sentait bien engoncé dans le costume grand luxe et sur mesure d’Albert Uderzo. Il dessine Astérix avec une pupille trop grande et les proportions d’Obélix sont parfois problématiques. Il n’a pas la clarté d’Uderzo capable, selon le mot de Goscinny, de dessiner clairement « un combat de poulpes dans de la gelée de groseilles ». Mais l’apport nouveau de cet album, c’est que l’on entre pour la première fois dans du « pur Conrad ». On sent un dessinateur qui s’amuse dans le dessin des physionomies, des détails, des architectures, à faire l’équilibriste entre un certain réalisme dans les décors et le grotesque des personnages. C’est de plus en plus du Conrad et de moins en moins du Uderzo, sans que cela soit un seul instant choquant.
Cela donne au final un album que l’on lit avec plaisir, sans prétention au chef d’œuvre, mais qui ravira petits et grands. C’est l’essentiel, non ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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