Qui ne connaît pas Mafalda ? Mais le reste de l’œuvre de Joaquin Salvador Lavado Tejon dit Quino est moins lu et moins célèbre dans nos contrées. Depuis la fin des aventures de Mafalda en 1973 et après la publication d’un premier recueil paru en 1963 intitulé Mundo Quino, il se consacre au dessin d’humour.
Multi-récompensé, il est l’un des auteurs les plus influents de la seconde moitié du XXe siècle.
Récent invité du salon du livre où l’Argentine était à l’honneur, le maître du dessin d’humour conjugue une vision du monde sarcastique avec une grande sensibilité dans le trait et un immense talent pour mettre en scène les situations les plus dures comme les plus truculentes. Fruit de la collaboration avec différents journaux ou de travaux plus personnels, ce recueil s’avère incontournable pour tout ceux qui ne connaîtraient de l’œuvre d’un des maîtres du neuvième art que la petite fille espiègle. Son dessin riche, poétique et corrosif exprime ses idées sur son époque. L’impact de la plupart n’a pas faibli et ils ont conservé toute leur véracité.
Ce recueil de dessins de presse célébrant les soixante ans de carrière de Quino permet d’approfondir la lecture que l’on peut avoir de son œuvre dans sa globalité. Critique sociale et humaniste, l’humour de Quino est au service de sa condamnation satirique des travers d’un monde où les plus riches écrasent les plus faibles, où l’industrie mutile la planète sur laquelle elle prospère, ...
C’est sur le terreau des inégalités sociales que Quino puise la majorité de son inspiration. Exceptionnel d’inventivité, il montre une nature humaine sur laquelle il ne se fait aucune illusion, et fait de son œuvre une dénonciation virulente de l’égoïsme et de la bêtise.
C’est réellement un hommage que Glénat rend à Quino en publiant ce choix de dessins. Ce petit volume met en scène des personnages anonymes qui portent les réflexions corrosives de l’auteur sur l’actualité de son temps et dont l’atemporalité frappe par la subtilité et la profondeur des registres sur lesquels il joue pour susciter le gag, jamais gratuitement.
Alliant finesse graphique et maîtrise narrative, on comprend vite que le talent de Quino s’applique dans toutes les circonstances par une exceptionnelle capacité d’invention et de variation dans le traitement des situations. Certains dessins sont de réels passages d’anthologie.
En feuilletant ce recueil, on ne peut pas ne pas constater la parenté avec Sempé. Les deux auteurs se sont rencontrés pour la première fois en 1968 et Quino dira : « Nous nous voulions des résistants de l’humour absurde. Nous sommes nés le même jour de la même année et nous avons publié notre premier ouvrage en même temps. En fait, je le considère un peu comme un “frère d’encre”. »
Cette proximité se repère dans le style et dans la fonction du dessinateur. Une vision à la fois désenchantée d’un monde qui semble courir tout droit à la catastrophe et en même temps cet amour presque sans limite, baroque et excentrique, de l’humanité.
Un indispensable qui ravira tous les amoureux de l’œuvre du génie argentin, dans l’espoir que d’autres recueils un peu plus volumineux suivront.
(par Vincent GAUTHIER)
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