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Quoi de neuf ? Franquin (bis)

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 14 décembre 2007                      Lien  
Ce 4ème recueil de l'intégrale de Spirou & Fantasio de Franquin comprend quatre épisodes : Le Repaire de la murène (1954), La Quick Super (1955), Les Pirates du silence (1955) et le Gorille a bonne mine (1956). Ce sont les années parmi les plus productives et les plus prodigieuses de Franquin.

Imaginez : Dans le même temps, il entame une page hebdomadaire de Modeste & Pompon (à partir de 1955 dans la Journal Tintin) et multiplie les animations dans le beau journal de Spirou, sans parler des somptueuses couvertures des recueils du journal qui paraissent chaque trimestre. Dans quelques mois (février 1957), il va créer Gaston Lagaffe.

Dans ces années-là, Franquin développe un dessin clair, classique, documenté, parfaitement maîtrisé. L’univers de Spirou est posé : Champignac, Zorglub et le Marsupilami sont créés. Graphiquement, Franquin s’est débarrassé de la tutelle de Jijé, ne subit pas davantage celle de Disney. Avec Morris, Peyo et Tillieux (ce dernier est présent dans le journal dès 1940, mais il ne publie son premier Gil Jourdan qu’en 1956) qui mènent une voie parallèle, peut-être sous l’influence d’Hergé, Franquin fige ici à jamais la période classique de l’école de Marcinelle.

Quoi de neuf ? Franquin (bis)
Franquin, l’intégrale T4 : Aventures modernes
Ed. Dupuis

Débarrassé des improvisations des débuts, avec des scénarios conçus au jour le jour, il est encore incertain dans l’élaboration de ses histoires. Il le restera jusqu’à la fin, se sentant seulement à l’aise dans les récits courts.

Cette situation le fait souffrir, lui, Franquin le perfectionniste. Car comment tout assurer à la fois, avec un égal talent ? Il se fait aider sur Les Pirates du silence par Maurice Rosy qui est lui aussi, à ce moment, à son zénith. Mais c’est une cote mal taillée : le scénariste de Tif & Tondu fait parler le Marsupilami. Franquin le regrette.

Pour les décors, Will met la main à la pâte avec force décors méditerranéens, meubles en formica, et architectures modernes. Enthousiaste de la curiosité scientifique, heureux d’espérer que la science serve à autre chose qu’à la guerre, amoureux des belles mécaniques, Franquin est dans ses années « style atome ».

Bientôt, ça va craquer. La « Bof attitude » de Gaston le sortira d’autant plus de cette situation, que cette lassitude désabusée sera la sienne. Mais jamais artistiquement. En 1959, il laisse Modeste à Attanasio et ne réserve plus ses gags qu’au gaffeur, une série qui est ni plus ni moins un commentaire critique permanent de sa maison d’édition. Révolutionnaire. Le rédacteur en chef, Yvan Delporte, crypto-anar, rit dans sa barbe. Dupuis est incrédule, s’apitoie sur son sort et se demande ce qui peut bien passer par la tête de ce type qui dispose, avec Spirou, une série « qui vaut de l’or en barre ». Il a tort : Gaston deviendra encore plus notoire que le groom de l’hôtel Moustique. La gaffe de Delporte se transforme en triomphe.

À noter la foultitude de documents annexes que propose cette intégrale dans les pages intercalées entre les histoires. Ils recontextualisent très bien ces travaux dans l’effervescence du Journal de Spirou à l’époque. Un must.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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26 Messages :
  • Quoi de neuf ? Franquin (bis)
    14 décembre 2007 21:25

    Franquin était le génie humoristique de Spirou, ces beaux livres permettront de redécouvrir ses histoires dans un cadre approprié. Merci à l’éditeur de proposer bonus (dessins oubliés, témoignages), le tout à un prix raisonnable.

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  • Quoi de neuf ? Franquin (bis)
    15 décembre 2007 01:01

    Cette situation le fait souffrir, lui, Franquin le perfectionniste. Car comment tout assurer à la fois, avec un égal talent ? Il se fait aider sur Les Pirates du silence par Maurice Rosy qui est lui aussi, à ce moment, à son zénith. Mais c’est une cote mal taillée : le scénariste de Tif & Tondu fait parler le Marsupilami. Franquin le regrette.

    Pensez-vous donc sérieusement que Maurice Rosy était à son zénith à l’époque et que, donc, pour les quarante années qui suivront il n’a que périclité ???

    Et que dire de la fabrication de cet album ? Avez-vous reçu un album parfaitement imprimé et relié ? Tous les exemplaires circulant en Belgique ont une page 95/96 qui a été curieusement collée/insérée dans l’album et fait penser à un défaut d’impression repéré en dernière minute avant diffusion. Que penser donc de la multinationale Dupuis-Dargaud-Lombard qui laisse commercialiser un produit mal façonné ? Si un représentant de DDL passe par ici et nous explique le fin mot de l’histoire, peut être que le lecteur lambda pourra mieux comprendre pourquoi payer au prix plein aujourd’hui un produit mal façonné alors qu’il aurait pu être refait à court terme sans défauts de ce type ?

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 décembre 2007 à  01:31 :

      Oui, je pense sincèrement que Maurice Rosy était, dans ces années-là, à son plus haut. "Le Dictateur et le champignon", "Les Pirates du silence" qu’il a réalisés pour Franquin, "Yucca Ranch" pour Jijé et surtout les "Tif et Tondu" pour Will, avec la création de M. Choc, sont ce qu’il a fait de mieux. Après, il ne périclite pas pour autant, mais il n’a jamais atteint un tel sommet.

      J’ai également reçu un exemplaire corrigé. Effectivement, une page a été remplacée. Mais dans mon exemplaire, cette correction est faite très proprement et n’affecte pas outrageusement l’ouvrage. Ce genre de raté arrive régulièrement. On ne va pas mettre au pilon tout un tirage pour une si petite erreur, corrigée qui plus est. Ce genre de mésaventure arrive chez les plus petits éditeurs. Plus la boîte est grosse, de toute façon, plus on a des chances d’y trouver un Gaston Lagaffe...

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      • Répondu le 15 décembre 2007 à  16:26 :

        "Plus la boîte est grosse, de toute façon, plus on a des chances d’y trouver un Gaston Lagaffe..."

        Encore une sottise à la Gaston Lagaffe de Didier Pasamonik.

        f*

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        • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 décembre 2007 à  17:59 :

          Ce compliment venant de Fabrice Parme, ce grand génie que le monde entier s’arrache, m’honore au plus haut point.

          Sachez, au cas où vous l’ignoreriez tas d’idiots, qu’il succède à Franquin sur Spirou. Franquin est donc devenu Dieu et Fabrice Parme est son prophète. C’est pourquoi il s’est fixé comme mission de donner son avis sur tout ce qui se dit sur lui.

          Omniscient (il connait l’histoire de l’art sur le bout des doigts), il dessine d’ailleurs son album (un joyau !) en lisant ActuaBD et en répondant aux forums, tout en assurant les délais ! Quel talent !

          Les éditions Dupuis ont l’incroyable chance d’éditer celui qui a dénoncé dans une démonstration d’une incommensurable finesse l’imposture d’Hergé.

          80 ans d’aveuglement critique rayés d’un seul trait ! Ah, ce Fabrice Parme !

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          • Répondu le 15 décembre 2007 à  20:25 :

            Didier, tu ne vas pas bien du tout.

            J’aime bien Franquin, Hergé et tout un tas de choses. Maintenant, je suis content de faire un album de Spirou avec Lewis. Ce n’est pas simple... et je n’ai pas la grosse tête du tout. C’est une chance d’avoir le droit de s’attaquer à un truc pareil. Je vais peut-être dessiner un bel album, peut-être pas. On verra bien. Je ne suis pas sûr de moi... D’ailleurs, si je l’étais, je cesserais certainement de travailler, n’est-ce pas ?

            Pour ce qui est de l’Histoire de l’Art, tu peux prendre des cours du soir. Moi, j’ai eu la chance d’avoir d’excellents professeus à Duperré. Je ne connais que les grandes lignes. mais je me cultive comme je peux tous les jours.

            Pour ce qui est de "génie", je ne sais pas ce que cela veut dire. Certainement un argument commercial brillant comme un exploit sportif, non ?

            Si t’es frustré et si tu ne parviens pas à faire une grande carrière comme éditeur ou critique, tu ne peux t’en prendre qu’à toi. T’es loin d’être sot et tu pourrais faire des tas de belles choses. Dommage que tu te sabordes à ce point.

            Maintenant, j’espère que tu auras le courage de publier mon commentaire.

            f*

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            • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 décembre 2007 à  22:17 :

              Maintenant, j’espère que tu auras le courage de publier mon commentaire.

              Pourquoi je ne le publierais pas ? Les lecteurs d’ActuaBD ont droit à des moments pathétiques. Ah, ce Fabrice Parme, quel talent !

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  • Quoi de neuf ? Franquin (bis)
    15 décembre 2007 01:31, par Alex

    Pour jouer un peu... Cette dichotomie qui colle à la vie, Beatles/Stones-Hergé/Franquin. Il fallait prendre ses positions. Moi, je suis plutôt un Stones/Franquin...

    Ceci dit, en toute camaraderie, je deviens de + en + "irrité" en ce moment par l’emploi du mot "génie" dans cet espace. A mon humble avis, les génies sont peu nombreux dans un siècle et indépendamment de leur talent immense ni Franquin ni Hergé ne pouvaient revendiquer ce titre (est-il revendiquable d’ailleurs).

    Qq’un a cité qq part dans ce forum l’influence de l’art-déco sur Hergé. Bien vu. Car lui comme beaucoup d’artistes de cette époque étaient venus en contact avec le monde de l’art japonais. Qui apportait beaucoup de solutions purement techniques aux dessinateurs occidentaux (applats de couleurs délimités par un trait noir-"ligne claire")

    Hergé et Franquin étaient à mes yeux de formidables artisans. D’un talent peu commun. Mais en rien révolutionnaire, je veux parler de découpage, d’approche du médium et de remise en question des conventions. Hergé et Franquin perpétraient une tradition mais n’en ré-inventaient pas les règles.

    Pour moi, les génies de la bd sont Winsor Mc Cay, B. Krigstein, Breccia... La liste n’est pas exhaustive mais définitivement limitée..

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 décembre 2007 à  01:42 :

      Qq’un a cité qq part dans ce forum l’influence de l’art-déco sur Hergé. Bien vu. Car lui comme beaucoup d’artistes de cette époque étaient venus en contact avec le monde de l’art japonais. Qui apportait beaucoup de solutions purement techniques aux dessinateurs occidentaux (applats de couleurs délimités par un trait noir-"ligne claire")

      Il y a beaucoup à dire sur ces questions de dessin et le forum ne se prête pas à ce développement. Mais on peut réfléchir sur le rapport de la ligne au réel, et à la notion d’espace et de perspective qui sont le point faible des Japonais.

      Hergé et Franquin étaient à mes yeux de formidables artisans. D’un talent peu commun. Mais en rien révolutionnaire, je veux parler de découpage, d’approche du médium et de remise en question des conventions. Hergé et Franquin perpétraient une tradition mais n’en ré-inventaient pas les règles.

      Je crois que vous sous-estimez l’un des aspects majeurs du génie : son influence. Hergé et Franquin multiplient les trouvailles graphiques et, par leur faculté de synthèse, stabilisent un trait qui est la marque de fabrique de l’école belge, une sorte d’équilibre dans l’interprétation du réel.Il y a l’avant Hergé et l’après Hergé. L’avant Franquin et l’après Franquin.

      Pour moi, les génies de la bd sont Winsor Mc Cay, B. Krigstein, Breccia... La liste n’est pas exhaustive mais définitivement limitée.

      On ne peut discuter la pertinence de vos choix, mais exclure Hergé et Franquin de cette liste est injuste.

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      • Répondu le 15 décembre 2007 à  12:36 :

        "la notion d’espace et de perspective qui sont le point faible des Japonais."

        Il y a plusieurs façons de construire un espace et une perspective en dessin. Dans tous les cas, on doit partir de deux dimensions. Ensuite, vous pouvez utiliser tout un tas de moyens pour définir l’espace : Noir et blanc, couleur, perspectives axonométriques, cubistes, avec point de fuite et réduction de focale, curviligne... à partir du moment où l’on place un point noir sur une feuille blanche, on crée un espace.

        "Hergé et Franquin multiplient les trouvailles graphiques et, par leur faculté de synthèse, stabilisent un trait qui est la marque de fabrique de l’école belge, une sorte d’équilibre dans l’interprétation du réel."

        Franquin est plutôt contestataire et Hergé conservateur. Cela explique certainement pourquoi Hergé stabilise son trait et son vocabulaire graphique alors que Franquin l’enrichit et le remet sans cesse en question. Ils sont très différents...

        f*

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        • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 décembre 2007 à  14:19 :

          Franquin est plutôt contestataire et Hergé conservateur. Cela explique certainement pourquoi Hergé stabilise son trait et son vocabulaire graphique alors que Franquin l’enrichit et le remet sans cesse en question. Ils sont très différents...

          Encore une sottise de Fabrice Parme.

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          • Répondu le 15 décembre 2007 à  15:37 :

            Pas du tout une sottise... ou alors, cher Didier, démontrez-moi le contraire !

            f*

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            • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 décembre 2007 à  17:41 :

              Pas du tout une sottise... ou alors, cher Didier, démontrez-moi le contraire !

              Je préfère vous laisser à votre propre appréciation de vos propos. Ils sont si intelligents ! N’oubliez pas de faire de la pub pour votre album de Spirou. On attend avec impatience la version de celui qui a tout compris de Franquin (et d’Hergé, et des mangas par la même occasion...).

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              • Répondu le 15 décembre 2007 à  20:28 :

                Quand il sortira, j’accepte de répondre à une interview de Pasamonik, chiche ? Comme on ne sera pas d’accord, ce sera certainement intéressant. Il y a de tas de belles idées qui naissent de la polémique, non ?

                f*

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              • Répondu par Michel D. le 16 décembre 2007 à  17:54 :

                pour un remake de l’accélérateur atomique ?

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          • Répondu par Sergio Salma le 15 décembre 2007 à  18:41 :

            ça ne sert pas vraiment d’intervenir mais j’ose reprendre un camarade pour moi-même peaufiner ma pensée.
            Contestataire ou conservateur.
            Alors là, quel profond débat. Faisons la part des choses , mais n’oublions que l’homme et l’artiste sont la même personne.

            Franquin dès ses premières cases et ses premiers récits est un satiriste, un caricaturiste. Il grossit le trait (au figuré) , se moque de ses contemporains parce qu’il les trouve ridicules, amusants, bornés. C’est un jeu très plaisant et en même temps que s’affine sa vision des choses et du monde, il affronte de plus en plus frontalement les sujets de société.
            Déjà dans le dictateur et le champignon, tout y passe : l’armée, la science, les conventions sociales...
            La manière qu’il aura (en s’entourant ou non d’amis assistants) de faire évoluer un univers qui n’est pas sa création rappelons-le sera le signe d’une évidente façon de tordre les conventions. Pour finir sur QRN ,vaste explosion délirante. Il est contestataire dans son domaine, son espace de travail. Les idées noires achèveront de l’asseoir dans cette réputation . Quelle santé en effet de se débarrasser d’un acquit et de s’engouffrer dans de nouvelles voies aussi différentes. Déjà Gaston était un véritable parasite de l’univers de Spirou. Prunelle et Fantasio ont à ce propos changé de statut, de fonction ; c’est passionnant.
            A l’âge où certains veulent en finir avec la réflexion , la remise en question, Franquin crée et bouscule son univers.

            Mais encore une fois l’opposer arbitrairement à Hergé sur ce plan est un contresens.
            Et puis je crois que ce n’est pas fondé.
            Prenons là aussi le parcours artistique et le parcours de l’homme.
            Lui s’en tient à une seule création : Tintin. Et avec ce matériau , regardons ce qu’il a fait. Comment il a oeuvré, manoeuvré dans le monde qui l’entourait.
            Je ne saisis pas un seul instant "il stabilise son trait". Oui,peut-être si on ressort encore une fois cette foutue manie de réduire un auteur de bd à son dessin . Mais non ,si on considère que le travail de l’auteur de bd ne s’apprécie pas en contemplant cet élément "accessoire" qu’est le graphisme.

            Si je prends les 22 livres de Hergé (oublions sciemment le reste de l’oeuvre pourtant très passionnante aussi), je vois au contraire un artiste sans cesse en mouvement. Il désacralise son propre univers, il rend tout plus complexe, il enrichit sa galerie de personnages. Ses 5 derniers livres sont autant de pas de géant dans un parcours pourtant dangereusement balisé( le succès , l’idolâtrie dont il est l’objet, l’objet de patrimoine qu’il est devenu, l’institution qu’il représente...). Il remet pourtant en cause sa création. En cela , on peut même dire que chaque Tintin est une oeuvre à part entière (qu’on appellerait one-shot aujourd’hui).Quel rapport en effet entre Le Congo et le Tibet ? le lotus bleu et la lune ? Il avance tellement vite et loin dans son propre domaine qu’il met plus de distance entre chaque titre de sa série que ne l’ont jamais fait certains auteurs (qui eux affirment haut et fort qu’une série est castratrice, réductrice) quand ils semblent proposer des travaux différents en apparence.

            Si certains voient que son trait s’épure, ils oublient de regarder l’essentiel ; à quel point il défait sa création ( les bijoux) ,à quel point il se sert de son médium pour s’exprimer(le Tibet), à quel point il porte les possibilités du genre au "sommet" ( Licorne et trésor de Rackham le rouge)...et même si les Picaros reste un album mal-aimé, Hergé y fait preuve jusqu’au bout d’une profonde remise en question. Il conteste autant que Franquin ne le fait. Et ses caricatures de dictateurs sud-américains valent bien celles de Franquin dans sa vision satirique. les Picaros et Qrn sont de la même veine, ils explosent en beauté et chacun à leur manière l’univers mis en place .

            Quand après 50 ans de travail, on arrive à ce degré d’auto-critique, on n’est pas conservateur. Bien au contraire,on veut éclater les conventions. Combien d’auteurs installés fournissent pépère leur album par an au public ? Ceux-là oui sont des conservateurs (mais chacun fait ce qu’il veut, chacun son tempérament )

            De plus, si on se permet d’observer la vie de Georges Rémi, à l’âge où les esprits généralement se pacifient, s’endorment (nous sommes dans les années 60 et le divorce est tabou), Hergé lui ose la rupture bien avant que cela ne devienne un fait accepté et naturel dans les moeurs contemporaines.
            Est-ce le fait d’ un conservateur ?

            Je pense que sont bien plus conservateurs des artistes qui revendiquent haut et fort leurs opinions, leur opposition, qui signe pétitions sur pétitions pour changer le monde et qui dans les faits et surtout dans leur art démontrent que les anti-conformistes sont souvent d’indécrottables conformistes.

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          • Répondu par Michel Dartoche le 16 décembre 2007 à  01:00 :

            "Franquin est plutôt contestataire et Hergé conservateur. Cela explique certainement pourquoi Hergé stabilise son trait et son vocabulaire graphique alors que Franquin l’enrichit et le remet sans cesse en question. Ils sont très différents..."

            Belle et puissante explication de deux styles graphiques, expliqués grâce aux convictions politiques de leurs auteurs.

            Les préférences sexuelles des auteurs permettent-elles aussi d’expliquer leur style ?

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    • Répondu par Sergio Salma le 15 décembre 2007 à  12:47 :

      haha c’est de la provocation ( rhôôô ! sur un site BD dire que Franquin et Hergé n’étaient pas des génies, ça va pas non ?!) ou bien alors tout est à revoir cher Alex.

      Je me permets.
      D’abord vous mélangez beaucoup de choses ; vous parlez du trait ligne claire ; alors que la ligne claire est d’abord la ligne du scénario, lisible au maximum.
      Si certains reprochent à Hergé d’avoir bien regardé l’art déco , c’est comme si vous reprochiez à Picasso d’avoir lorgné vers l’art africain.
      Evidemment que les influences artistiques sont nombreuses, pour Hergé comme pour tout artiste ouvert au monde, là n’est pas la question !

      Hergé emprunte peut-être ici et là des formes mais ce qu’il invente est gigantesque. L’art déco a-t-il créé des personnages truculents ? des aventures formidables ? l’art déco a une influence négligeable sur son oeuvre, son travail. On pourrait d’ailleurs rassembler toutes les autres expressions artistiques qui ont pu impressionner l’homme qui était spectateur, lecteur, auditeur...

      Pour ça il faudra distinguer des époques. Un certaine naïveté à ses débuts et une réflexion très pointue plus tard.

      Je crois que vous décidez d’attribuer le titre de génie à la personne qui provoque chez vous la plus grande émotion ; Breccia pour prendre l’exemple doit sans doute vous bouleverser, il y a effectivement une force, une ferveur dans son travail. Ce qui selon moi définit aussi un génie c’est son aptitude à transcender. Il touchera par son art toutes sortes de publics, partout dans le temps et l’espace. Breccia est-il capable de cela ? Il est très fort mais la marque du génie est aussi d’imprimer sa marque dans l’histoire de l’art et ce à différents niveaux. Ce qui est génial est pertinent à plusieurs titres. ça peut figurer sur un calendrier et en même temps faire l’objet de thèses. Breccia a-t-il ce caractère universel ?

      Honnête artisan est pour moi la définition qui s’applique à un boulanger ou à un ébéniste. Il s’agit ici d’artistes et uniquement d’artistes. Il y a les bons et les médiocres. Et la catégorie médiocre n’est pas à mépriser. Il s’agit simplement d’établir parfois une échelle de valeur. En dessous d’une " note" un artiste ne devient pas un artisan. Il reste un artiste. ça c’est justement du mépris pour les artisans qui seraient donc dans une catégorie inférieure alors que c’est une catégorie à côté, différente.

      Un ébéniste ne mettra pas en scène ses émotions, il ne transformera pas son aptitude, ses dons en transmettant à d’autres une expérience sublimée. Il vendre son travail en y mettant du coeur souvent. L’artiste met en scène autre chose, quelque chose de très diffus.

      On vit dans une époque très cultivée( du moins l’occident qui en a les moyens). On a des connaissances en photographie, en cinéma, en illustration. La chanson, le roman, la télé, la peinture, l’architecture, l’animation, la sculpture peuvent être des territoires où s’expriment de grandes choses.
      Si on retrouve l’influence de Baudelaire quelque part chez Gainsbourg, on retrouvera aussi du Warhol chez Kubrick, du Disney chez Franquin ou Morris ...étonnant que vous" reprochiez" un peu à Hergé son influence art déco alors que Winsor Mac Cay est en plein dans le mouvement.
      Mais son graphisme est une chose ; son univers en est une autre. Ses créations ont en effet emprunté à l’ art déco ( et à Hokusai et bien d’autres)certaines caractéristiques.

      Quand saura-t-on une fois pour toutes que la bande dessinée de part sa spécificité s’est forcément nourrie à plusieurs sources ?
      l’art invisible si justement défini par Scott Mac Cloud est ailleurs. Vous semblez , Monsieur Alex, réduire la bande dessinée au seul trait apparent, le dessin. Vieux débat encore d’actualité donc.

      j’ose une dernière digression.
      On oppose assez curieusement les artistes entre eux( Stones/Beatles est un exemple historique) .Je vois pour ma part de très fortes ressemblances entre Franquin et Hergé. Il suffit de voir leurs crayonnés pour se rendre compte que l’un était aussi volubile, vivant que l’autre. On oppose le trait simple, posé d’Hergé ( pourtant ,regardez bien les albums , non, la ligne n’est pas toujours de la même épaisseur) et les pleins et déliés de Franquin.
      Ne trouvez-vous pas que les premiers albums de Franquin sont traités avec une ligne fine ? Et il reviendra avec les idées noires à autre chose que son trait de pinceau auquel on le réduit souvent.
      Ces artistes ont travaillé des dizaines d’années. Ils sont aussi très proches pour avoir montré leurs "faiblesses". Ils ont été amenés à afficher leurs névroses, les ont mises sur le papier.

      Autre point commun : ils se sont entourés d’autres artistes. L’un en fondant un studio l’autre en collaborant régulièrement avec d’autres auteurs complets.
      Ils ont tous les deux travaillé à un rythme d’enfer en créant à la fois une oeuvre riche et en alimentant le marché de la presse.

      Ils ont influencé tous les deux des centaines d’autres artistes .Ouvert des voies.
      Pour ça et pour beaucoup choses encore, je crois que ,oui, ce sont deux génies.
      Ou alors, je suis d’accord avec vous, le titre de génie est-il revendiquable ?
      On retombe dans d’autres débats, les prix, les médailles, le rang...
      Tout cela est bien aléatoire . C’est ce qui fait d’ailleurs l’intérêt de ces domaines.

      La marque du génie peut prendre plusieurs formes.
      Il peut surgir simplement et se trouver là parfaitement en phase avec son art et avec ses contemporains. Avec naturel et force, le travail rencontre l’adhésion en étant à la fois plaisant et étonnant.
      La génie peut aussi être confronté à une plus grande résistance. Le public peut trouver ardu l’univers ; l’adhésion ne sera pas complète . La notion "novateur" peut elle aussi prendre plusieurs aspects.

      Hergé et Franquin de simples faiseurs ?! Franquin a sans arrêt dans le moindre de ses gags réinventé la notion de découpage ( bien sûr en n’éclatant pas sa page comme l’ont fait bien des amuseurs) mais en jouant subtilement avec les conventions du genre. Dans la manière de mener les longs récits, il a poussé à l’extrême des détails, le soin apporté à des ressorts classiques.

      Hergé lui c’est net a justement révolutionné un médium . Il n’a pas intellectualisé pour autant. Mais prenez toutes les bandes dessinées européennes des années 30 et vous verrez à quel point il était précurseur. A part Alain saint- Ogan, il a mine de rien intégré la bulle ! Vu d’ici ça n’a l’air de rien mais la tradition du texte illustré était profondément ancrée.

      Par ses découpages hyper-dynamiques ( même dans une histoire trash comme les Soviets) il a utilisé la bande dessinée comme personne ne l’avait fait avant lui. Une parenthèse sur la bd aux USA qui à l’époque était beaucoup plus ambitieuse graphiquement et scénaristiquement
      ( pour la simple raison qu’elle était lue dans des quotidiens et non pas exclusivement réservée au public enfantin comme en Europe)
      Hergé popularise le concept d’album ! Il invente un univers cohérent au fil des histoires (encore une fois ça n’a l’air de rien et c’est évident maintenant puisque le genre a intégré cette façon de faire)
      Il a en véritable artiste amené une autre immense révolution. A l’intérieur de son oeuvre, son travail, il a modifié ses propres codes. Ses personnages sont devenus ambivalents, l’option-même de ses livres a été dynamitée.
      Il fut novateur aussi puisqu’il est le premier artiste à faire et puis refaire encore ses albums. Encore une fois, ça semble anodin mais c’est un travail de remise en question fondamental. D’accord l’argument commercial était de mise, d’accord ce fut fait aussi pour gommer des erreurs de jeunesse ; mais il aurait pu balayer l’idée. Il a au contraire re-créé.

      Un dernier truc qui m’a choqué dans les interventions.. "Franquin et ses options politiques "...j’ai pas bien compris mais ces des jugements complètement hors-propos sur son attitude pendant certains événements sont ridicules. Voilà t-y pas qu’on va encore parler d’héroïsme et de lâcheté ! Et que ceux qui ont des leçons de courage à donner à des gens morts le fassent en signant d’un pseudonyme prouve encore une fois bien des choses.

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      • Répondu par ralph le 15 décembre 2007 à  23:21 :

        merci pour ces commentaires passionants, monsieur Salma.. Sincèrement.

        Répondre à ce message

      • Répondu par Alex le 17 décembre 2007 à  00:10 :

        Cher Sergio, vous m’excuserez de cette réponse tardive. Et s’il y avait provocation de ma part dans ce message sachait qu’elle était voulue et cherchée. Lire une réponse aussi intelligemment formulée que la vôtre est la récompense de ma contribution minime au sujet.
        Je regrette toutefois de manquer de temps en ce moment pour argumenter avec vous. Nous sommes bien sûr à des positions diamétralement opposées. Mais qq chose me dit que nous nous retrouverons dans cet espace...
        Avant de vous quitter momentanément, qq observations toutefois : vous m’attribuez, dans l’étaiement de votre propos, une prise de position critique face aux influences d’Hergé. Relisant mon message, je ne crois pas pourtant avoir été si confus -l’idée même de "reprocher" à un dessinateur ses influences est totalement absurde.
        Quiproquo, je ne le crois pas. L’étaiement de votre argument se basant ensuite sur une banalisation de l’influence esthétique pour le/la ranger au même rang que d’autres stimuli. En vous lisant, j’ai la nette impression qu’une bande dessinée est l’addition de différents facteurs, une espèce d’opération logique et mathématique.
        Votre réflexion sur le terme "artisan" et "artiste" est remarquablement juste. Mais je n’ai pas qualifié Hergé d’artiste non plus ( aie, là je me fais lyncher).
        Quand à l’image de moi, "bouleversé" devant un album de Breccia, j’avoue en toute sincérité et sans la moindre arrière- pensée qu’elle me fait rire aux éclats. Belle caricature !

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  • petites rectifications
    15 décembre 2007 11:22, par marcelinswitch

    « 
    Dans ces années-là, Franquin développe un dessin clair, classique, documenté, parfaitement maîtrisé. L’univers de Spirou est posé : Champignac, Zorglub et le Marsupilami sont créés.
     »
    Si en effet, l’univers de Franquin est installé "définitivement" dans ces années-là, Zorglub n’apparaît qu’en 1959 ; dans une autre "séquence" de l’histoire du groom (cf Greg).

    « Débarrassé des improvisations des débuts, avec des scénarios conçus au jour le jour, il est encore incertain dans l’élaboration de ses histoires. Il le restera jusqu’à la fin, se sentant seulement à l’aise dans les récits courts. »
    C’est vrai que ça n’a jamais été un point fort de Franquin, les scénarios au long court ; mais ce qu’il réalise à cette époque, seul, en matière de scénario est vraiment très bon. C’est à partir du "repaire d ela murène" qu’il prépare scrupuleusement son scénario. Et ça se ressent.

    « Il se fait aider sur Les Pirates du silence par Maurice Rosy qui est lui aussi, à ce moment, à son zénith. Mais c’est une cote mal taillée : le scénariste de Tif & Tondu fait parler le Marsupilami. Franquin le regrette. »
    Franquin reconnut plus tard que l’idée de faire parler le Marsu venait de lui et non de Rosy.

    « Pour les décors, Will met la main à la pâte avec force décors méditerranéens, meubles en formica, et architectures modernes. »
    Pour l’épisode des "pirates", les décors d’Incognito-City font plus penser au nouvelles villes américaines, qu’au sud de la France.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 décembre 2007 à  11:44 :

      D’abord merci et Bravo pour votre érudition.

      Zorglub n’apparaît qu’en 1959 ; dans une autre "séquence" de l’histoire du groom (cf Greg).

      Vous avez raison, j’ai été distrait. Cela dit, cela n’enlève rien à ma thèse si on cadre les années 1955 à 1960 : Franquin accède à ce moment-là au statut de classique.

      Franquin reconnut plus tard que l’idée de faire parler le Marsu venait de lui et non de Rosy.

      Ce détail m’a échappé. Quelle est votre référence. J’en étais resté au Sadoul (mais sans avoir vérifié, je vous l’avoue, mes articles sont écrits en vitesse).

      « Pour les décors, Will met la main à la pâte avec force décors méditerranéens, meubles en formica, et architectures modernes. » Pour l’épisode des "pirates", les décors d’Incognito-City font plus penser au nouvelles villes américaines, qu’au sud de la France.

      Là, je ne vous suis pas : les vérandas et les cyprès (Will adore les cyprès), les feuillus, les sous-bois clôturés tels qu’on les voit dans les pages 126 et 127 par exemple évoquent peu les paysages américains. Mais les costumes des policiers sont là pour brouiller les pistes. Comme cette Quick qui évoque la Buick...

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      • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 décembre 2007 à  14:23 :

        Franquin reconnut plus tard que l’idée de faire parler le Marsu venait de lui et non de Rosy.

        Selon Eric Verhoest (Franquin : Chronologie), consulté sur ce sujet, l’idée serait bien de Rosy. D’où tenez-vous cette information ?

        Répondre à ce message

        • Répondu par marcelinswitch le 15 décembre 2007 à  21:21 :

          L’environnement d’Incognito-City fait irrémédiablement pensé au sud de la France mais voulais parler de l’architecture urbaine de Will, qui pour moi (et Franquin le dit à Sadoul) fait penser aux villes nouvelles américaines.

          Concernant le fait que le marsu parle, en fait je tenais comme vous l’info du livre de Sadoul mais je me rends compte que Franquin n’est pas clair là-dessus, disant blanc d’abord puis noir ensuite. Dans le Rombaldi n°4, Rosy dit que l’idée est de lui.
          Je pense que cette idée était en droite ligne du fil rouge de Franquin "à chaque album, un nouveau talent", et qu’elle était portée par les 2 auteurs.

          Pour terminer le propos de Sergio Salma est si juste qu’on a rien à rajouter.

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 15 décembre 2007 à  11:54 :

      C’est vrai que cette mise en cause politique de Franquin est curieuse. Même s’il reflète (moins qu’Hergé et Jijé, nous sommes à une autre époque) certaines idées conservatrices de son temps, il les mets rapidement en cause. Ainsi refusa-t-il de continuer à illustrer plus longtemps les contes de Noël pour marquer son athéisme. Sur la fin de sa vie, ses idées sont de gauche (anticléricale, ce qui le met en porte à faux avec son éditeur catholique qui finira par abdiquer de l’attachement confessionnel de Spirou, d’ailleurs) et militantes (Amnesty International, Greenpeace...). Mais ce sont peut-être ces idées progressistes qui dérangent certains...

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