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Raf : « Sur Debaser, je voulais parler d’un système global qui part en couilles ».

Par Xavier Mouton-Dubosc Thomas Berthelon le 1er novembre 2008                      Lien  
Jeune dessinatrice issue du fanzinat, Raf frappe un grand coup avec le tome 1 de sa série Debaser, comédie futuriste loufoque dépeignant une société glorifiant les seins siliconés et la musique jetable. Son trait d'inspiration manga y frappe par son énergie et sa nervosité. Nous l'avions rencontrée lors de la Japan Expo en juillet 2008.

Nous vous connaissons assez peu, quel a été votre parcours ?

Je m’appelle Raphaëlle, j’ai 25 ans, j’ai suivi des études de communication visuelle, autour du graphisme et la publicité, et une fois mon diplôme en poche, je suis allée voir Ankama avec mon projet de BD.

Direct !

Direct. Dès que j’ai eu assez de maturité pour me lancer dans la BD, je l’ai fait tout de suite.

Vous étiez dans le fanzinat auparavant ? Avez-vous participé à un forum de BD ou de dessinateurs ?

Avec des amis, nous avions créé un forum de BD depuis très longtemps sur Internet. Nous l’avions un peu alimenté avec des concours ou des évènements comme cela, mais c’est surtout le fanzinat qui nous a tous motivés pour nous réunir entre amis et créer le collectif Ben Bao. Nous avons ainsi bossé intensivement dans le fanzinat pendant six, sept ans. Mais c’était plus le côté "grosse rigolade entre amis" qui nous intéressait, plutôt que l’entraînement à la BD en soi. Cette expérience ne nous prédestinait pas à faire de la BD forcément, mais j’y ai pris goût.

Ankama est-il le premier éditeur que vous avez démarché ?

Je suis allée voir un autre éditeur de mangas, qui n’a pas été intéressé pour des raisons commerciales. Ankama, par contre, était très enthousiaste.

Quelle technique utilisez-vous ? Plutôt traditionnelle, papier et encre, ou des logiciels comme Photoshop ou Manga Studio ?

Justement, je mélange les deux, je continue de dessiner sur des feuilles papier technique, en A3, pour obtenir un trait assez fin quand on réduit en A6. Je continue d’encrer à la plume, je trouve cela très agréable, puis je scanne et sur Photoshop, où je place les niveaux de gris, les ombres, et les noirs. Mon usage de Photoshop se limite seulement à cela.

Raf : « Sur Debaser, je voulais parler d'un système global qui part en couilles ».
© Raf/Ankama Editions

Le personnage de Joshua, qui se borne à imiter les mangas dans des dessins assez moisis, ce n’est pas un autoportrait très flatteur...

Oui, c’est en quelque sorte une auto-critique. Mais ceci dit, j’espère que je dessine mieux que lui sur DBZ ! (rires) C’est plutôt un cliché assez connu des collégiens, je me souviens de tous mes copains qui dessinaient du Dragon Ball Z et Les Chevaliers du Zodiaque. Je pense que beaucoup de lecteurs ont vécu cela, ils peuvent s’identifier.

Non, ce n’est pas notre génération !

Du Cobra peut-être ? (rires)

Non, plutôt X-Men. [1] Debaser est une déclaration de guerre à la musique jetable. En même temps, ce n’est pas très original, tout le monde attaque la Star Ac. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans cette démarche ?

Justement, je ne voulais pas attaquer la Star Ac, ni taper sur un chanteur en particulier. Même si c’est facile de s’en prendre à des groupes comme Tokyo Hotel. Les gens qui aiment ce genre de musique ont leur raison. Je voulais plutôt parler d’un système global qui part en couilles. La musique est passée au pilon par les grosses industries, et les petits groupes qui existaient en France, qui ont beaucoup de talent et d’énergie, sont mis à l’écart et destinés à s’exprimer sur le web. Ce qui est déjà bien pour eux, mais ils n’ont pas accès à la promotion qu’ils mériteraient d’avoir.

La copine d’Anna, c’est du Cindy Sander avant l’heure ?

Exactement (rires). Cela colle très très bien !

Pourquoi, précisément, avoir repris le titre des Pixies ?

Je ne sais pas si la traduction est exacte, mais ce que j’y vois, c’est "celui qui détruit les bases". Le héros détruit toutes les bases d’une société pervertie, pour essayer de reconstruire un nouveau monde idéal. Bon, cela reste une utopie, mais c’est cette énergie qui motive le héros.

Avant Debaser, on avait déjà vu des musiciens avec des pouvoirs, dans Jem et les Hologrammes. Cette série a-t-elle compté ?

Ah oui, une grosse influence !! (rires) Surtout les étoiles, les Misfits... (elle éclate de rire) Les pouvoirs sont accessoires dans la BD, c’était pour apporter une dynamique et une énergie, pour éviter que Debaser soit trop plombée par le côté "message". Je voulais que la BD ait une forme populaire, et un fond avec message.

Debaser T1
© Raf/Ankama Editions

Oui, mais le message "une société anarchique, meilleure, utopique..." est un peu convenu finalement, plein d’auteurs ont déjà fait cela. Est-ce que cela amène franchement quelque chose ?

Je ne pense pas révolutionner les choses, mais pour moi, l’intérêt est que plein de gens en France se disent que des choses ne vont pas dans notre société, et en lisant les aventures des deux personnages, se disent : "je ne suis pas seul". En réfléchissant tous ensemble, on peut arriver à trouver une solution. Après, nous ne sommes pas des politiciens, c’est sûr. Mais justement, le rôle des artistes est d’essayer d’apporter des possibilités, et même si elles sont utopiques, au moins des recommandations, des conseils, pour améliorer la société.

Debaser a été édité sous le label 619. Y a-t-il des projets avec vous sur ce label, ou au sein d’Ankama en général ?

Pour l’instant, je reste sur Debaser, j’aimerais poursuivre à fond sur la série sans trop m’éparpiller. Par la suite, j’aimerais bien effectivement continuer à bosser avec Ankama sur des projets différents, et profiter de leurs compétences multimédia : jeux vidéo, web...

Debaser est constitué de plusieurs styles graphiques, selon le niveau de lecture. Après cette série, pensez-vous vous limiter à une grammaire graphique plus restreinte ?

Ce n’est pas du tout réfléchi. C’est mon style, c’est instinctif. C’est vrai que selon le ton de la scène ou de la BD, je choisis un style différent, mature ou rigolo japonais-manga, mais c’est avant tout instinctif.

Et puis, le directeur du label 619 est Run, avec ses 40 styles différents par page...

Exactement (rires), c’est la marque du label 619 !

(par Xavier Mouton-Dubosc)

(par Thomas Berthelon)

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Cette interview a été diffusée dans l’émission radio « Supplément week-end » du samedi 20 septembre 2008

En médaillon : Raf. Photo : © Chantal Sok

[1Ces propos n’engagent que Xavier Mouton-Dubosc (culturellement passé à côté du Club Dorothée). Son confrère Thomas Berthelon (plus jeune) se retrouve parfaitement dans les propos de Raf.

 
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