De nos jours, il est encore difficile d’aborder les règles féminines sans pudeur. Il y a quelques années de cela, les publicitaires utilisaient un liquide bleu pour représenter le flot pouvant être absorbé par les protections hygiéniques. Or, qu’est-ce qui peut être plus naturel que cette marque rouge attestant de la fécondité d’une femme ?
C’est ce que Ken Koyama s’est fait fort de présenter comme un compagnon de vie pour toutes les femmes, de l’origine la plus modeste aux super-héroïnes. Bien que le style graphique soit extrêmement sommaire, sà l’instar de la plupart des ouvrages didactiques au Japon, cette suite d’aventures, reprenant à chaque chapitre une femme à la condition différente de la précédente, permet d’aborder le sujet sans fard.
Ragnagna se présente généralement au début de l’adolescence, sans vraiment crier gare, quoique parfois attendue avec crainte, ou encore avec un enthousiasme naïf de la part de celle qui va maudire la venue de ce compagnon tous les mois. En effet, qu’il s’agisse de la femme au foyer ou de la geisha médiévale, toutes rencontrent des difficultés dans cette période du mois. Tantôt, il s’agit de douleurs abominables au bas ventre, comme l’atteste les "Ragnagna punch" assénés dès son arrivée chez sa compagne du moment, tantôt de fatigue empêchant d’exercer les tâches habituelles du jour, comme écrire par exemple.
Parfois même, ce maudit Ragnagna s’accompagne de monstres à l’instar de celui que devront affronter deux héroïnes assez identifiables à Sailor-Moon & Co : Constipation et Nausée qui rendent véritablement cette période du mois impossible à vivre…
Mais Ken Koyama va plus loin notamment dans son chapitre dédié aux femmes du Moyen-Âge, se réfugiant dans une cabane isolée du village le temps que durent leurs règles. En effet, elles étaient alors considérées comme impures et ne pouvaient côtoyer le reste de la population. Un sujet extrêmement tabou qui ne sera véritablement pris en considération, au Japon, que bien plus tard, tandis qu’en Amérique on proposait jusqu’au cœur jusque des années 1960 des protections inconfortables comme des culottes en caoutchouc.
Ragnagna et moi est donc une incursion dans un des secrets les plus intimes des femmes, utile pour démystifier, avec un certain humour et la vision masculine de l’auteur, une chose parfaitement naturelle.
(par Marc Vandermeer)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Ragnagna et moi : Jour 1 — Auteur : Ken Koyama. Éditeur : Ki-oon. Traduction : Sophie Piauger. 218 pages. Sortie : le 18 mars 2021. Prix : 15 euros.