En 2003, David Prudhomme rompait avec le classicisme de ses débuts en bande dessinée (à ce moment, il avait dessiné cinq tomes de la série historique Ninon Secrète, écrite par Patrick Cothias). Avec Etienne Davodeau, il adaptait l’unique et méconnu roman de Georges Brassens, La Tour des miracles. Ce virage annonçait un auteur au trait raffiné, élégant et particulièrement doué pour rendre ses pages fantasmagoriques. La suite des évènements allait confirmer cette impression. Prudhomme a par la suite adapté deux textes classiques : La Farce de maître Pathelin et J’entr’oubliay de François Villon. Dernièrement, il a mis en images La Marie en plastique, une histoire de Pascal Rabaté. Le fraîchement paru Rébétiko (la mauvaise herbe) constitue son premier scénario original.
Le rébétiko est une musique populaire grecque née à la fin du 19ème siècle. Il s’agit de chansons sociales, mélancoliques et bien souvent contestataires : une musique forte que l’on pourrait rapprocher du tango, du fado ou encore du blues. Le parallèle avec la musique populaire américaine est d’ailleurs tentant, si l’on pense au célèbre « This machine kills fascits » annoté en lettres rageuses par le musicien folk Woody Guthrie sur ses guitares. Car, quand débute l’histoire de Rébétiko (la mauvaise herbe), le général Ioannis Metaxas vient d’arriver au pouvoir en Grèce. Inspiré par Mussolini et Hitler, il instaure un régime autoritaire et liberticide. Dès lors, le profil des Rébètes, musiciens ivres des divers plaisirs des îles grecques, devient gênant pour le dictateur : la répression ne va pas tarder. C’est un bref moment de la vie d’un groupe de ces musiciens marginaux que nous invite à suivre David Prudhomme. Un laps de temps relativement court, durant lequel on pourra goûter au charme vénéneux des bas-fonds du port du Pirée, dans un récit passionné et hypnotique.
Avec son dessin clair, ses couleurs ombragées et sa luminosité toute méditerranéenne, Rébétiko est un livre enivrant et singulier. Prudhomme réussit la prouesse de faire vibrer les bouzoukis dans les yeux de ses lecteurs, à tel point qu’on sort de la lecture avec une impression sonore. Magistral.
(par Morgan Di Salvia)
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