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Reborn T40 : l’heure du bilan

Par Aurélien Pigeat le 25 avril 2014                      Lien  
Les mystères autour des arcobaleno, ces "bébés les plus forts du monde", sont enfin en grande partie levés dans ce quarantième volume, à ce titre décisif dans la série. L'occasion de revenir sur ce qui fut un phénomène éditorial au Japon et un rendez-vous un peu manqué en France, alors que s'amorce la dernière ligne droite du manga.

Nous vous en parlions il y a un un an et demi : Mon Prof le tueur Reborn ! s’achevait dans un dernier chapitre publié le 12 novembre 2012 au sein du Weekly Shonen Jump. Ce dénouement marquant le début d’une fin de cycle au sein du magazine, les autres grands titres historique de l’hebdomadaire n’en finissant pas de finir (nous sommes ainsi toujours, au Japon, dans le dernier arc narratif aussi bien de Bleach que de Naruto).

Peu à peu, comme de juste, la parution française rattrape la japonaise et nous en arrivons au tome 40, sur 42 au total, comme pour le Dragon Ball d’Akira Toriyama, de ce shonen qui aura su se faire une véritable place au milieu de la production Shueisha des années 2000 [1]. Pour autant, en France, le succès ne fut pas vraiment au rendez-vous et, interrogé à ce sujet, Stéphane Ferrand imputait cela autant à la nature particulière du titre, qui a évolué en cours de route, qu’à la situation du marché français du manga lorsqu’il fut lancé [2].

Si l’on doit se fier aux analyses de l’éditeur sur le second point, il est intéressant de revenir sur le premier, et peut-être de rendre justice à un titre qui, s’il a connu d’objectives faiblesses et des longueurs, possède des qualités tout aussi remarquables.

Comment se structure Reborn !

Reborn T40 : l'heure du bilan
Couverture du tome 1 de Reborn !
© Amano / Shueisha / Glénat

La série démarre comme un gag manga totalement loufoque : le héros, Tsuna, loser de première, reçoit les vigoureux conseils d’un bébé en costume noir, tireur d’élite de la mafia, spécialement dépêché au Japon pour parfaire l’éducation de celui qui doit devenir un jour le parrain du clan Vongola. La vie au collège devient infernale pour le jeune garçon.

La série avance ainsi en multipliant personnages et situations absurdes et comiques sur quelques sept volumes. C’est souvent véritablement drôle mais, malheureusement, le titre a alors certainement pâti des difficultés que ce genre de manga proprement comique connaît auprès du lectorat francophone pour se faire une place sur notre marché.

C’est là que se produit une de ces métamorphoses dont les éditeurs japonais ont le secret : la série marquant sans doute le pas au Japon, elle se trouve réorientée, son registre et sa trame complètement bouleversés : Reborn devient un shonen de combat, ses personnages reconvertis en guerriers défendant un héritage mafieux en péril.

Couveture du tome 9 : exemplaire du virage "combat" de la série
© Amano / Shueisha / Glénat

Et, contre toute attente, Akira Amano s’en tire très bien et impose son manga comme un authentique succès. Non seulement Reborn ! conserve une tonalité comique qui atténue le virage sérieux pris par l’aventure, mais la mangaka parvient à faire quelque chose de cohérent de la mythologie initialement esquissée. En outre, si la dimension nekketsu [3] du titre demeure classique, elle se révèle diablement efficace. Cela sur une dizaine de tomes et deux arcs narratifs "action" très intenses. C’est en fait à ce moment que les difficultés débutent réellement.

Le nouvel arc narratif, qui court sur les volumes 16 à 30, se passe dans le futur et rebat à nouveau les cartes de l’univers de la série. Au début plutôt prometteur, il s’embourbe pourtant peu à peu dans les difficultés que l’intrigue ne parvient pas à résoudre. Surtout, on y sent une volonté, certainement éditoriale, de rallonger artificiellement le manga pour en faire une de ces séries-fleuve censées porter le magazine phare de Shueisha et assurer des ventes régulières et très satisfaisantes en volumes.

Début de l’arc du futur : un tournant qui vise l’allongement de la série
© Amano / Shueisha / Glénat

Alors qu’il aurait sans doute plutôt fallu continuer sur la même dynamique et tenir un propos plutôt concis, l’action, au contraire, se délaie, les péripéties se multiplient, des pistes sont amorcées pour être aussitôt abandonnées et la série sort essoufflée de ce passage laborieux, malgré quelques très jolis moments ou affrontements, cependant trop rares ou trop espacés.

Après cela, Akira Amano renoue avec un rythme plus resserré : deux arcs se succèdent, celui de l’intronisation de Tsuna en tant que parrain et celui, dernier et actuel, dédié à la guerre des Arcobaleno. Dans le premier, on sent la mécanique s’enraye et les développements sont assez répétitifs. Mais dans le second, la mangaka apporte un véritable dénouement à sa saga et tâche de répondre aux mystères qui environnent ses personnages les plus énigmatiques : les bébés aux tétines arc-en-ciel.

Les réponses du tome 40

Ce qui nous amène au présent volume, celui des grandes révélations. Les sept Arcobaleno doivent s’affronter suivant des règles strictes posées par Checker Face, étonnant individu qui règne sur les tétines et les anneaux Vongola, artefacts sur lesquels repose l’équilibre du monde. Cette guerre est menée par des suppléants choisis parmi les entourages de chacun des bébés et le vainqueur de l’épreuve verra sa malédiction levée.

Révélations en perspective
© Amano / Shueisha / Glénat

Cette intrigue est l’occasion de passer en revue tout le personnel du manga ou presque dans une sorte de formidable bouquet final. Tout en récupérant certains personnages secondaires pour en faire de nouveaux opposants et nourrir la mythologie de la série.

Car, bien évidemment, tout ne se déroule pas comme prévu : des concurrents-surprise font leur entrée dans la compétition, bien plus forts que les différents protagonistes connus. Les Vendicare, censés faire respecter les lois de la mafia, poursuivent une vengeance séculaire contre Checker Face.

Au-delà de la violence dont ils font la démonstration, ces nouveaux antagonistes se proposent de révéler les dessous de l’intrigue et, de ce fait, les ressorts de la malédiction qui frappe les Arcobaleno.

D’étranges rituels aux origines des arcobaleno
© Amano / Shueisha / Glénat

S’il fournit son lot de combats intenses et fluides, marque de fabrique de la série, s’il offre également son morceau de bravoure à quelques side-kicks, dans le souci constant de ménager un équilibre entre le héros et ses adjuvants qui caractérise Reborn !, ce volume se signale par le long développement du background qui expose enfin les rouages secrets de ce monde mafieux.

Le lecteur apprend ainsi d’où viennent ces bébés, quelles sont les sources de la malédiction et quel destin est le leur. Malgré quelques inévitables raccrocs capillotractés, tout cela prend une réelle épaisseur en étant, encore une fois, d’abord vécu à travers le prisme de la relation entre le héros et son précepteur : on retrouve là encore l’une des forces premières de la saga.

On y est donc : ces révélations imposent aux personnages un ultime dilemme, un dernier combat. Et l’on se prépare de notre côté à dire au revoir à cette série qui nous aura longtemps enchanté, avant de parfois nous lasser, parfois nous agacer, mais à laquelle nous restons, quand même, indéfectiblement attachés.

(par Aurélien Pigeat)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

- Mon prof le tueur Reborn ! T40. Par Akira Amano. Traduction Anne-Sophie Thévenon. Glénat Manga. Sortie le 5 mars 2014. 192 pages. 6,90 euros.

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[1Ainsi, en 2012, dernière année pleine pour la série débutée en 2004, celle-ci aura vendu plus d’1,8 millions d’exemplaires au Japon. Cf le classement Oricon que nous publiions alors.

[2Au sujet du manque de succès relatif de Reborn ! en France, le directeur éditorial de Glénat Manga nous répondait ceci :

"C’est vraiment difficile de donner des explications définitives. Je pense qu’il n’y a jamais qu’une seule raison à un succès ou à un échec, mais que c’est plutôt un faisceau de choses –maitrisables ou pas– qui s’applique. Sur le cas Reborn par exemple, la série a connu un véritable switch autour de son 8e volume.

D’un titre qui se présentait comme une pochade, a fini par évoluer ensuite en pur shonen de combat, avec des accents plutôt sombres. Le public français ne s’est ainsi pas retrouvé autour des premiers volumes, et donc n’a pas poursuivi son expertise du titre. Et pourtant le changement impacté ramenait le titre sur les gammes qu’il recherchait. Nous avons ensuite tenté de relancer la série, mais on ne peut valoriser une série simplement à partir de son volume 9. Reborn a également pâti des shonens très forts émergeant alors en France. Le premier volume paraît en 2006, année de pic du manga en France, porté par un Naruto très fort, mais aussi un Bleach très solide, et un One Piece en pleine évolution. Les D.Gray-man, Claymore ou encore Eyeshield 21 étaient eux-mêmes à la hausse (pour ne mentionner ici que les principaux shonens de notre programme). Donc, il y a eu certainement aussi des arbitrages de la part des lecteurs.

Après, vous avez toujours, pour ne pas dire de plus en plus, des succès japonais qui font des échecs en France, des échecs japonais qui font des succès en France. Je pense que plus on avance dans le temps, plus on est face à un public éclairé, qui finit par opérer ses choix non tant selon la situation du titre au Japon, mais à partir de leur propre ressenti, de leurs envies.

La démultiplication de l’édito a amené le choix et donc les arbitrages, et donc la définition des goûts. Dans les années 1990, il y avait tellement peu de manga disponibles que le moindre titre obscur, voire parfois d’un goût discutable, voire édité avec les pieds, trouvait son public car ce dernier était affamé de découvertes. L’exotisme fonctionnait à plein.

Aujourd’hui, les gens n’ont plus le temps de lire même ce qui leur plaît, la popularisation d’Internet a affuté leurs connaissances et leur sens critique, les nouveaux supports et média (explosion des jeux vidéo, des smartphones, Twitter, Facebook, séries TV US…) ont mis en place une vraie concurrence des loisirs sur le public captif et sont de plus extrêmement chronophages. Au final, l’offre ne génère plus la demande, mais la demande doit conduire l’offre. C’est à cette aune que l’on mesure la maturité du marché. Pour les éditeurs, il convient de conserver un regard toujours plus pointu sur les comportements du public afin d’étalonner l’offre sur la demande."

[3Littéralement : « envie brûlante de gagner », genre particulier de shonen où le héros se révèle face à l’épreuve.

 
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