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Renaud Garreta ("Insiders", "Le Maître de Benson Gate") : « Les décors fouillés participent au plaisir de lecture »

Par Nicolas Anspach le 22 mars 2011                      Lien  
Après avoir réalisé {Fox One}, {{Renaud Garreta}} s’est associé à {{Jean-Claude Bartoll}} pour créer {Insiders}, un thriller géopolitique complexe et parfaitement documenté. Si la série est devenue un best-seller, c’est aussi grâce au style réaliste précis et rigoureux du dessinateur qui signe par ailleurs avec {{Fabien Nury}}, {le Maître de Benson Gate}, une saga familiale se déroulant au début de siècle.

Les Benson sont à la tête d’un empire familial bâti sur l’industrie du pétrole. Depuis le décès de Cadler, c’est son frère Richard qui a succédé aux affaires. Richard a appris à mettre de côté ses scrupules et ses états d’âme pour devenir un homme dur, soucieux avant tout du succès de ses affaires et prêt à tout pour réussir. Il n’hésite pas à fermer des forages non rentables, laissant ainsi des centaines d’ouvriers dans le besoin. Dans Le Sang noir, le troisième tome du Maître de Benson Gate, Fabien Nury et Renaud Garreta nous plongent dans le Mexique de Pancho Villa.


Renaud Garreta ("Insiders", "Le Maître de Benson Gate") : « Les décors fouillés participent au plaisir de lecture »

En 2007, vous signiez avec Fabien Nury le premier tome de la série Le Maître de Benson Gate.

Je voulais m’échapper de la série Insiders et dessiner un autre univers. On m’a envoyé le scénario de Fabien Nury. J’ai adoré son histoire, même si elle va me demander beaucoup de travail. Dix tomes sont prévus, voire peut-être un peu plus ! J’ai perçu que Fabien était un orfèvre du scénario. Il l’a d’ailleurs largement prouvé depuis lors. J’aimais beaucoup la thématique de la série. Deux frères que l’on imaginait être fort différents au départ qui subissent les événements. Finalement, on s’aperçoit que les différences ne sont pas si marquées. La relation entre les deux frères va se tisser au fil des albums, tout en abordant en filigrane l’histoire des États-unis. Beaucoup d’auteurs ont traité la prohibition, mais peu ont exploité la période qui la précédait ! C’était intéressant de travailler sur ce sujet.

Intervenez-vous dans l’écriture ?

Non, pas du tout. Je fais part à fabien de quelques idées, mais cela porte généralement sur des détails. Je ne modifie en rien la structure de l’histoire. C’est toujours un plaisir de découvrir un de ses scénarios. Je les lis avant tout comme un lecteur, avant de me dire que je vais devoir les dessiner !

Extrait du T3 du "Maître de Benson Gate" - Planche 3
(c) Garreta, Nury & Dargaud.

Vous êtes passé du contemporain (Fox One, Insiders) à une série historique qui se déroule au début du 20e siècle avec Le Maître de Benson Gates.

Oui. Cela a entraîné une difficulté. Je connais mieux le contemporain. J’aime dessiner la modernité : les avions, les bécanes, les voitures. Insiders me comble dans ce domaine. Mais j’avais envie de changer d’univers. La principale difficulté a été de me documenter pour Benson Gates. Il fallait que je me colle à une époque, sans faire trop d’erreur. Grâce à Internet, on trouve facilement des photos d’époque, où je peux m’inspirer de clichés sur les costumes, les véhicules, ou les décors urbains de la ville de Boston. J’ai dû trouver de nouvelles sources pour le troisième tome qui se déroule au Mexique. J’ai essayé d’être fidèle à la réalité historique. Ce n’était pas facile. On a tous une idée un peu générale quant aux vêtements de ces années-là. Mais j’ai constaté, par exemple, qu’il y avait des changements assez importants entre 1912 et 1915 dans la mode. Les fringues n’ont rien à voir. Les voitures également ! C’est étonnant …

Quels sont les forces et les différences entre Jean-Claude Bartoll, le scénariste d’Insiders et Fabien Nury ?

Fabien s’attache sans doute plus à la psychologie des personnages. Jean-Claude est, lui, beaucoup plus fort pour monter une intrigue complexe mélangeant la finance, la politique, la géopolitique avec de nombreux rebondissements. Du coup, Jean-Claude s’attache un peu moins à Naja, le personnage principal de la série Insiders. J’espère que dans la saison 2 de cette série, on s’attachera beaucoup plus à elle et à ses motivations.

Extrait du T3 du "Maître de Benson Gate" - Planche 4
(c) Garreta, Nury & Dargaud

Vous allez alterner les séries ?

Oui. Deux albums d’Insiders sont parus en 2009. Je voulais clôturer la première saison. Cette année deux Maître de Benson Gate paraîtront. Le prochain devrait sortir en octobre 2011. Le deuxième diptyque sera clôt. J’attaquerai alors le prochain Insiders. J’ai d’autres projets sur le feu également …

Le premier volume de l’intégrale Insiders est paru en novembre 2010.

Vous sortez vos albums avec une belle régularité. Vos décors sont pourtant extrêmement fouillés…

Comme beaucoup de mes confrères, je travaille beaucoup. J’essaie d’être le plus documenté possible, plus réaliste, pour mieux servir les histoires. Les personnages sont généralement typés afin que le lecteur puisse s’identifier à eux. Les décors, eux, sont là pour donner plus de réalisme à la série. J’aime des BD où le lecteur se sent presque être une partie intégrante du décor, faire partie de la case. C’est ce que je ressens en lisant les Blueberry de Jean Giraud, par exemple. On ne se pose pas de question. On voyage, on accompagne le héros en lisant l’album. Les décors fouillés participent au plaisir de lecture.

Avez-vous été surpris de voir Insiders devenir l’un des best-sellers des éditions Dargaud ?

Oui, bien sûr ! L’éditeur est heureux, et nous aussi ! Le concept qu’a inventé Jean-Claude Bartoll était au point et attrayant dès le départ. Cela me permettait de renouer avec l’espionnage, que j’avais déjà traité dans ma précédente série, Fox One. J’ai hâte de m’atteler à saison 2, car il y a encore des choses à explorer avec le personnage de Naja. On suivra toujours son parcours. Elle préside maintenant au grand conseil de la mafia. Elle n’est peut-être pas si sympathique que cela... A-t-elle basculée dans le côté obscur ? Est-elle devenue une criminelle ?

Extrait de Insiders T1
(c) Garreta, Bartoll & Dargaud.

Pourquoi avez-vous accepté de dessiner Opération Opium, une aventure de Tanguy & Laverdure ?

Cela me permettait de redessiner des avions. La série Fox One s’était très bien vendue, et nous avions réussi à avoir des entrées dans le monde aéronautique, que cela soit chez Dassault, l’Armée de l’air, les pilotes de chasse, etc.
J’en referais bien un ! Mais j’attends que le scénariste se manifeste. J’aimerais prendre plus de temps à le dessiner. L’éditeur voulait que je termine mon album rapidement pour que sa publication coïncide avec la sortie du film dans les salles obscures.

Quels sont vos projets ?

Terminer le quatrième tome du Maître de Benson Gates, puis enchaîner sur un Insiders. J’ai également un projet de one-shot qui devrait sortir en 2012. Puis, dès que j’ai le temps, j’aimerais commencer une autre série. Les ambiances seront fort différentes de Insiders et du Maître de Benson Gates. J’ai beaucoup d’envies. Mais malheureusement la réalisation d’un album me demande du temps. De plus, je travaille toujours pour la publicité et je réalise des story-boards pour des films sur demande…

Qu’est-ce que cela vous apporte de travailler pour le cinéma ?

Je viens de là ! Je travaille depuis une vingtaine d’année pour le cinéma et la publicité. On est dans une autre dynamique, plus rapide. C’est un bon entraînement pour la main, car on change de sujet tous les jours. Il faut s’adapter au style souhaité par le directeur artistique. Cela me permet de conserver un certain rythme de travail, de continuer à dessiner vite. Cela m’a servi pour « tomber » les albums. La BD est un travail de plus longue haleine. L’auteur travaille six mois sur un album. Alors qu’un story-board ne demande que deux ou trois journées, puis on passe à autre chose. Cela permet de faire contrepoids !

Quels sont les albums qui vous ont donné envie de devenir auteur ?

Je lis des BD depuis que je suis enfant. Mais ce sont les Blueberry de Jean Giraud et Jean-Michel Charlier qui m’ont donné envie de faire de la BD. Ensuite la découverte de Métal Hurlant, avec Enki Bilal et Moebius. J’ai un peu tardé à devenir auteur et à réaliser mes propres BD. Mais aujourd’hui, je me sens bien dans ce métier. J’adore ce que je fais.

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Les chroniques de :
- Le Maître de Benson Gate T2, T1
- Insiders T2, T4, T5, T6.
- Les Nouvelles aventures de Tanguy & Laverdure T2.

Lire aussi des interviews de ses scénaristes, ou l’on aborde Insiders et Le Maître de Benson Gate :
- Jean-Claude Bartoll : "la relation avec l’éditeur doit être basée sur la complicité, l’amitié, la chaleur humaine et... la confiance !" (Avril 2006)
- Jean-Claude Bartoll : "Il n’y a pas de messages politiques dans mes séries, même si je dénonce certaines pratiques économiques ou mafieuses" (Mars 2007)
- Fabien Nury : "J’aimerais faire des histoires dans à peu près tous les genres" (Mai 2007).


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Photographie : (c) Nicolas Anspach

 
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