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Rencontre SNE-ACBD : compte-rendu d’une première.

Par Laurent Melikian le 21 janvier 2004                      Lien  
Mardi 13 janvier 2004, les éditeurs du Syndicat National de l'Edition section Bande Dessinée (SNE-BD) rencontraient certains membres de l'Association des journalistes et Critiques de Bandes Dessinées (ACBD). Pour un débat cordial et parfois surprenant entre six poids lourds de l'édition et une vingtaine de journalistes mordus. Exposé des débats.

Jean-Christophe Ogier, président de l’ACBD et par ailleurs chroniqueur et rédacteur-en-chef adjoint de France Info, introduit cette première rencontre où l’on commente le rapport annuel de l’ACBD rédigé par son secrétaire général, Gilles Ratier, chroniqueur à l’Écho du Centre.

Une Production à la hausse

Le débat s’est d’abord orienté sur l’apparente bonne santé de la BD révélée par l’augmentation constante depuis 8 ans du nombre de nouveautés publiées dans l’espace francophone. Jacques Glénat, président de SNE-BD, après avoir remercié l’association pour son travail fait remarquer qu’un nombre important de volumes ne signifie pas pour autant croissance de chiffre d’affaire et que l’on peu se poser la question du retour de la surproduction.

Louis Delas (Directeur Général de Casterman et Fluide Glacial) déclare pour sa part, qu’il a constaté une baisse du tirage moyen d’un album, sans que ce chiffre soit significatif. Il insiste sur le fait que les best-sellers ne doivent pas cacher les investissements importants consentis pour la réalisation d’un album et sur le fait que les échecs peuvent être cuisants.

Il constate par ailleurs que le secteur a la chance de compter peu d’acteurs majeurs qui se rencontrent dans une ambiance peu conflictuelle, ce qui n’est pas le cas des autres secteurs de l’édition.

Rencontre SNE-ACBD : compte-rendu d'une première.
Jacques Glénat, Eric de Montlivault, Guy Delcourt et Jean-Christophe Ogier

Plus d’auteurs

À la question de connaître le rôle des nouvelles technologies dans l’industrie, Jacques Glénat répond que les secteurs du jeu vidéo et du dessin animé, en crise depuis 4 ans, ont incité de nombreux auteurs à trouver un débouché dans la bande dessinée.

Mourad Boudjellal (PDG de Soleil) remarque que la carrière d’un dessinateur est longue et qu’en conséquence le nombre d’auteurs présents est encore plus considérable. Selon lui, ils sont aujourd’hui plus nombreux à vivre plus ou moins décemment de la BD. En cas de baisse du marché, ce serait pour eux une catastrophe.

Diversifications des points de ventes et du lectorat

Dominique Burdot (DG de Vents d’Ouest) évoque l’encombrement des nouveautés en librairie. Eric de Montlivault (Directeur commercial du groupe Dargaud) explique le problème posé en diffusion et distribution : Il est difficile de faire vivre le fond des éditeurs. Le commerce de la BD s’approche de plus en plus de la littérature ou du cinéma : la durée de vie des nouveautés est devenue extrêmement courte.

Mourad Boudjellal pense que les librairies spécialisées vont encore plus se sectoriser sur des secteurs très précis, comme l’Héroïc-Fantasy dans les boutiques de jeux de rôles.

Dominique Burdot évoque la régulation des flux de production au cours de l’année qui devrait s’appliquer également aux gros titres. Il pense que le début de l’année 2004 en sera l’illustration.

Guy Delcourt note que le nombre de points de vente a augmenté, tant les librairies spécialisées que les grandes surfaces culturelles. Par ailleurs, dit-il, l’espace accordé à la BD dans les linéaires s’élargit, notamment en raison la crise du secteur du disque.

Éric de Montlivault estime qu’environ 200.000 personnes achètent 10 à 15 albums par an. Le but serait d’en avoir 500.000. Il suppose que si le secteur progresse depuis 10 ans, c’est aussi grâce à l’apport du lectorat féminin.

Jean Sarzana, délégué général du SNE
et Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD

La montée en puissance du Manga

À la question de savoir si le manga représente encore l’avenir, Jacques Glénat répond que grâce à ce genre, la BD traditionnelle a retrouvé des lecteurs qu’elle avait perdue. Dominique Burdot précise qu’avec une culture de l’image plus proche du cinéma ou du jeu vidéo, le manga correspond à une attente que les éditeurs français n’ont pas su satisfaire.

À la question de savoir si tous les éditeurs qui publient des mangas participent à cette montée en puissance, Éric de Montlivault répond que le marché croît spontanément et que le phénomène n’est pas près de s’arrêter : Les enfants qui lisent des mangas aujourd’hui voudront continuer à en lire toute leur vie. Il estime qu’aujourd’hui le secteur représente un quart du chiffre d’affaire de son groupe.

Jacques Glénat insiste sur la sectorisation du marché et sur le marketing infernal que les Japonais ont su entretenir.

L’influence japonaise

Mourad Boudjellal remarque qu’une génération d’auteurs montante n’est pas passée par le franco-belge. Avec une dose d’humour pincé, il exprime son inquiétude, en tant que Français de souche, face à ce phénomène qui affecte toute la culture et notamment la mode vestimentaire.

Guy Delcourt exprime le sentiment que le manga a une approche de la BD plus parlante aux Européens que les comics. Il trouve plus de qualité et de diversité dans les productions japonaises que dans les productions américaines.

Christian Marmonnier journaliste à Radio Libertaire et à Stroryboard demande si les mangas vont inciter les éditeurs à augmenter leur rythme de publication d’albums classiques.

Jacques Glénat présente l’exemple du Décalogue. Guy Delcourt rappelle que les éditeurs francophones n’ont tout de même pas intérêt à homogénéiser leurs productions.

Quand il s’agit d’évoquer d’éventuelles productions franco-belges au format japonais, Éric de Montlivault confie que son groupe réfléchit à cette éventualité.

Dominique Burdot rappelle qu’il y a un problème de localisation des petits formats en librairie qui ont pris 10 ans pour donner une place aux mangas. Louis Delas note une évolution des mentalités dans ce domaine.

Mourad Boudjellal, Dominique Burdot, Louis Delas et Jacques Glénat

Quant à l’export ?

Jean-Christophe Ogier demande si en retour les productions francophones trouvent un débouché en Asie. Guy Delcourt explique que le Japon reste un forteresse, mais que la Chine commence à considérer les albums comme des livres d’art pour enfants. Deux autres marchés sont prometteurs, Taïwan et la Corée du Sud.

Louis Delas se réjouit de l’importance des investissements chinois qui peuvent porter sur une collection complète. C’est particulièrement le cas de Tintin.

Questionné sur les USA, Jacques Glénat remarque que que chacun a eu son lot d’expériences décevantes en Amérique.

Mourad Boudjellal ajoute qu’il y avait un projet très avancé mais que les choses se sont compliquées depuis le 11 septembre.

Louis Delas avance que l’Italie est un marché intéressant, alors que tous désespèrent du marché allemand qui, toujours selon Louis Delas, paye une politique de publication d’albums désordonnée qui a duré 10 ans.

BD populaire et critiques acérées

Éric de Montlivault remercie les journalistes pour leur travail. Il souhaite toutefois que la médiatisation se justifie. Selon ses observations, celle-ci s’applique à ce qui est très fort et à ce qui est très petit et très branché. Il demande aux journalistes d’effectuer un travail de réflexion sur la BD populaire de qualité qui doit drainer de nouveaux lecteurs.

Laure Garcia, journaliste au Nouvel Observateur observe que la politique de communication des éditeurs est souvent orientée de la même manière.

Yves Frémion de Fluide Glacial aborde le problème des séries "impossibles à rattraper en cours de route".

Guy Delcourt émet un souhait, celui de voir plus de chroniques négatives afin de d’amener la critique vers un vrai discernement et d’aider l’éditeur dans son travail vis-à-vis de certains auteurs.

Virginie François de Rolling Stone témoigne qu’une critique négative est très mal vécue. Ayant eu quelques problèmes après un article critique dans Marianne, elle conclut que le milieu de la BD manque de maturité à ce sujet.

Yves Frémion ferme les débats en suggérant à Guy Delcourt de contacter les journalistes chaque fois qu’il publie un étron !

Prix de la critique 2004

Prix de la Critique - 2004

En l’absence des auteurs réunionnais Appollo et Hu Chao Si, Dominique Burdot s’est vu remettre par Emmanuelle Klein, attachée de presse des éditions Delcourt, une statuette réalisée de la main même de Chris Ware pour le prix de la Critique 2004 attribué à La Grippe Coloniale. Le dessinateur américain étant également absent, une rencontre entre l’ancien et les nouveaux lauréats du Prix de la Critique aura lieu dans quelques jours à Angoulême.

(par Laurent Melikian)

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Photos : Laurent Mélikian

 
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