Je l’ai déjà écrit : la singularité de la bande dessinée par rapport aux autres arts, et même par rapport aux mangas et aux comics, c’est sa forte identité culturelle, sa capacité de se construire une histoire, des écoles, des approches, des tendances, un rapport au médium et au monde qui en font un objet culturel unique parfaitement identifié (et non pas un OCNI, comme le prétend mon ami Thierry Groensteen). La BD n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle vagabonde, remet en cause sa propre définition, flirte avec les autres arts, se nourrit de son hybridité ou, si l’on veut, de sa bâtardise. À ce titre, les festivals sont le lieu privilégié de ces rencontres, les véritables « ouvroirs de la bande dessinée potentielle » qui permettent au public des sortir de l’ornière de ses habitudes.
Preuve de son éclectisme : l’affiche, qui résume bien l’esprit de ces 7e Rencontres du 9e Art d’Aix en Provence. Elle est dessinée par un auteur de BD argentin, vivant au Mexique : Jorge Alderete. Confronté à faire l’affiche du Festival, il se joue du succès d’Avatar pour offrir une 3D parodique fifties qui rend hommage au pompier de l’art moderne des années Pompidou dont Aix abrite le Centre Architectonique, le peintre et plasticien hongrois Victor Vasarely. Elles sont là les rencontres à Aix : peinture, design, histoire et culture…
Deux expositions pour Jacques Ferrandez
Venu de l’audiovisuel, sans a priori d’école, le directeur artistique du Festival, Serge Darpeix, assume ses choix, comme le montre sa programmation cette année : on y croise aussi bien l’univers « gothico-poétique » de Ciou dont Chat siamois vient de paraître sous le label Venusdea de Barbara Canepa chez Soleil, que le fascinant Ludovic Debeurme publié par Cornélius, L’Association et Futuropolis, le facétieux Ptiluc et ses rats existentialistes (dont nous reparlerons bientôt) chez Vents d’Ouest ou encore celui qui est particulièrement mis en valeur cette année : Jacques Ferrandez et ses Carnets d’Orient (Casterman) au Centre aixois des Archives départementales, dont les originaux de L’Hôte, son adaptation d’Albert Camus (Gallimard) côtoient les manuscrits de l’écrivain dans une deuxième exposition au Centre du Livre.
Je vous passe les passionnantes rencontres, ici intitulées, cela donne le ton : Rendez-vous café BD et Rendez-vous Canapé, les spectacles de danse, les lectures. La curiosité, l’envie de découvrir fait s’échapper cette programmation à la sclérose de la reconnaissance institutionnelle comme à la vulgarité commerciale. Et on y parle de BD, pas d’autre chose, même lorsque des plasticiens, comme dans l’exposition CUBDE qui réunit les travaux d’artistes invités en résidence, viennent y faire un tour.
C’est un des plus longs festivals de BD de France puisqu’il a débuté le 22 mars et se poursuivra jusqu’au Carnaval, le 25 avril 2010. Les rencontres et les dédicaces se concentrent du 9 au 11 avril 2010.
Ce qui ne gâche rien, ce Festival haut de gamme est gratuit.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Rendez-vous les 9, 10 et 11 avril 2010.
Cité du Livre
8/10 rue des allumettes
Aix en Provence
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