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Rentrée 2013 : Casterman entre grands auteurs et romans graphiques.

Par Charles-Louis Detournay le 12 septembre 2013                      Lien  
Entre grands auteurs et one-shots, Casterman développe une stratégie intéressante, osant la nouveauté tout en s'appuyant sur des tirages standard et de luxe pour attirer le lecteur. Une rentrée forte après les remous de ces derniers mois.

Pas de doute, les douze derniers mois ont été chahutés chez Casterman. Après que nous vous ayons annoncé que Casterman, Fluide Glacial et le groupe Flammarion serait rachetés par Gallimard, la nouvelle fut confirmée fin juin 2012 : Tintin et ses collègues passaient dans le groupe Gallimard.

Ce type de changement de direction n’enchante généralement pas les auteurs, et les propos lâchés dans la presse par Antoine Gallimard ne firent rien pour les rassurer. En raison de ses propres ambitions, Louis Delas pour aller créer un nouveau labe au sei de sa structure familiale, une marque que vous allez apprendre à connaître : Rue de Sèvres. Comme cela arrive dans ce genre de cas, la démission du PDG entraîne une série de départs au sein de l’équipe éditoriale, certains ayant décidé de suivre le partant.

Rentrée 2013 : Casterman entre grands auteurs et romans graphiques.Craignant que Casterman ne soit revendu rapidement, ou mal géré, les auteurs se sont organisés pour faire entendre leur voix. Dans une lettre ouverte signée par Enki Bilal, Jean-François et Maryse Charles, Didier Comès, Philippe Geluck, Dominique Grangé, Benjamin Legrand, Régis Loisel, Jacques de Loustal, Franck Margerin, Benoît Peeters, François Schuiten, Fanny Rodwell (Ayant droits d’Hergé), Benoît Sokal, Jacques Tardi, Bernard Yslaire, Patrizia Zanotti (Cong/Ayant droits d’Hugo Pratt) et d’autres, ils s’adressaient à Antoine Gallimard : le climat était délétère.

Pour tenter d’enrayer cette spirale négative, Gallimard nomma sa propre fille à la direction générale de la maison, rejointe par Benoît Mouchart, ancien directeur artistique du Festival d’Angoulême, un transfert annoncé à la veille de l’ouverture du 40e festival.

Un catalogue spécifique

Il a bien entendu fallu attendre quelques semaines avant que Benoît Mouchart n’intègre réellement la maison tournaisienne, et les choix éditoriaux qu’il a commencé à opérer ne porteront sans doute pas leurs fruits avant 2014. Mais c’est en leader qu’il s’affirme dans cette rentrée 2013, insistant sur "la diversité des talents et des genres édités pas Casterman, qui mêle depuis toujours à son catalogue les talents confirmés, les signatures prestigieuses et les découvertes prometteuses."

Il faut rappeler que le catalogue Casterman est effectivement un des plus particuliers du paysage de la bande dessinée francophone : en forçant le trait, cela se résume par des “grosses pointures” et de one-shots de qualité. En effet, pas mal de grands auteurs ont (presque) exclusivement décidé de confier leurs œuvres à l’éditeur : Moulinsart bien entendu, mais également la Cong pour les travaux d’Hugo Pratt, Schuiten, Bilal, Tardi, Geluck, Jacques Martin.., etc. Puis, dans la grande lignée d’ (A suivre), Casterman continue d’être l’éditeur de référence pour des romans graphiques innovants.

Les incontournables de la rentrée

Dans cette première catégorie, Casterman peut compter sur François Schuiten. Dans L’Horloger du Rêve, où Thierry Bellefroid dresse un panorama complet des quarante années de travail du dessinateur bruxellois. Sachant comment l’artiste multiplie en permanence les expériences graphiques en dehors de ses albums, pour ne pas y rester confiné, il nous tarde de lire les confidences que ces deux hommes ont pu s’échanger pour préparer cette anthologie. Comme d’autres albums attendus, cet ouvrage sera disponible en version normale et dans un tirage limité, dit “de luxe”.

La seconde partie de Stalag IIB de Tardi est également attendue pour la fin de l’année qui coïncide avec le début de la commémoration du centenaire de la Guerre de 1914 avec une édition spéciale de C’était la guerre des tranchées, l’un des chefs-d’œuvre du dessinateur parisien.

Plus proche de nous, ce sont les séries de Jacques Martin qui ouvrent une saison particulièrement fournie. Certes, dans cette section du catalogue, la qualité n’a pas toujours été de mise ces dernières années, mais les récents albums ont montré que les éditeurs en avaient tiré les leçons. La preuve : l’excellente nouvelle aventure de Guy Lefranc : L’Enfant Staline dont nous vous reparlerons prochainement, mais également une nouvelle aventure de Jhen très attendue Draculea, écrite par Jean-Luc Cornette. Voilà qui nous change des dernières aventures ronflantes, pour revenir à une ambiance originelle plus soufrée. Signalons encore de nouveaux Voyages, ainsi que quelques rééditions retravaillées : L’Égypte I, Babylone, Athènes,

L’univers d’Hugo Pratt nous revient également avec une nouvelle édition des Scorpions du désert, même s’il faudra certainement attendre la fin de l’année pour recevoir les derniers produits estampillés de la signature du maître vénitien. Nous serons particulièrement attentifs à la sortie mainte fois reportées de Périples éblouis, le troisième recueil des aquarelles du maître italien (deux éditions seront disponibles).

Enfin, l’un des albums les plus attendus de cette rentrée Casterman sera sans nul doute le nouvel album de Philippe Geluck, récent lauréat du Prix Saint-Michel : Le Chat T18, La Bible selon Le Chat, un encartage qui reprend deux albums oblong de 80 pages chacun : Le Livre Premier, et le Livre Second. En prophète aguerri, Le Chat nous révèle son onzième commandement (le moins connu, sans doute le plus beau) : « Tu riras de tout, car, vu qu’on va tous crever un jour, seul l’humour te permettra d’avoir un peu de recul sur les vicissitudes de l’existence ».

Les couples de la rentrée

Maryse et JF Charles seront une fois de plus légitimement mis à l’honneur avec la sortie du T8 de leur somptueux India Dreams. Un bonheur doublé du T3 d’Africa Dreams, un récit incontournable sur la réalité du colonialisme en Afrique noire, transcendé par le dessin de Frédéric Bihel.

Mais l’autre couple qui va faire parler de lui, ce sont certainement Valérie Mangin & Denis Bajram. La première réussit une fois de plus un excellent scénario pour le T2 d’Alix Senator, nous vous en reparlerons bientôt. Quant à son époux, après avoir quitté Soleil, il est arrivé chez Casterman avec la seconde partie de son Universal War : ça va déménager !

Autres transfuges, Yann & Meynet quittent Dargaud et leurs Éternels pour créer une nouvelle série en pleine révolution mexicaine : Sauvage.. Entre combats aux ambiances de western, espionnage et affaires de famille, chaque planche apporte son lot d’aventure.

Les One-shots

Nous le disions en introduction de cet article : l’une des particularités de Casterman réside dans son goût pour les one-shots, ce qu’en précurseur dès 1975, il désignait sous le vocable de "romans"...

L’une de ses collections les plus en vogue actuellement est celle qui réunit les adaptations de polars sous le label Casterman/Rivage/Noir. Dans leur programmation, nous sommes immédiatement attirés par les deux éditions du Dahlia noirMiles Hyman illumine le récit de James Ellroy.

Parmi les autres sorties marquantes, notons :

- l’adaptation réussie du roman de Marc Levy : Les Enfants de la liberté

- L’étrange OVNI de la transposition papier du film d’animation en motion capture Je vous ai compris

- L’adaptation de Vautrin par Moynot : L’Homme qui assassinait sa vie. Très sombre, mais avec une réelle touche d’authenticité.

- Une nouveau volume de L’Histoire de France signée Lorànt Deutsch

- La très belle évocation du destin d’une des égéries féminines américaines du début du XXe siècle : Êve sur la Balançoire de Nathalie Ferlut.

- Un nouveau récit de Will Argunas qui prend aux tripes : USA en initiales d’Uriel, Samuel & Andrew, trois jeunes soldats de retour de l’Irak, et qui ne parviennent pas à se raccrocher à la société.

- L’adaptation des romans de Camilla Läckberg qui débute avec La Princesse des glaces...

- Et d’autres tels L’Arbre aux pies de Daria Schmitt ou le plus léger Des Filles de goût par Caroline Guillot, qui chroniquent une bande de jeunes femmes accros à la nouvelle cuisine.

Les séries qui continuent

En considérant son catalogue, il nous apparaît en effet réducteur de cantonner Casterman aux one-shots et à quelques auteurs-phares. Parmi ceux-ci, nous aurions d’ailleurs pu ranger Benoit Sokal, tant son univers est particulier. Il nous revient cet automne avec le troisième et dernier volume de Kraa T3, ainsi qu’un nouveau album de sa série fétiche Canardo, au titre référentiel en diable : Le Vieux Canard et la mer.

Nous aurons également la chance de découvrir la suite des Amours Fragiles, dans lequel ce sixième tome nous entrainera sur le Front de l’Est en 1943. Avec autant de tension, mais dans un autre univers, le douzième du désormais fameux Tueur viendra chambouler nos états d’âme.

Côté polar, nous nous réjouissons de retrouver un des flics les plus atypiques du 9e art, avec Le Commandant Achab, excellent personnage de Stéphane Piatzszek qui donne une conclusion au tome précédent.

Casterman nous dévoile également la suite des Cambrioleurs de Jake Raynal dont le dernier tome nous avait laissé perplexes...

Également, le troisième tome de LastMan du trio Balak, Sanlaville & Vivès (un album tous les trois mois, bravo les gars !), accompagné par la suite de l’adaptation des Chevaliers d’émeraude réalisée par Tiburce Oger. Deux éditions sont également disponibles pour satisfaire les attentes graphiques des amateurs.

Et quelques nouvelles séries...

Face à cette fin d’année qui s’annonce chargée, Casterman ne se démonte pas et propose deux nouvelles séries. Les Femmes en Résistance évoquent le destin de quatre femmes à la veille et pendant la Seconde Guerre mondiale. Anglaise, Allemande, Française et Juive, les différents angles-de-vue devraient nous démontrer comment les femmes tentaient de s’imposer dans un monde d’hommes, suite à la place qu’elles commençaient à prendre au sortir de la Première Guerre mondiale.

Ce premier tome décrit la vie d’Amy Johnson, une aviatrice chevronnée qui tenta de percer dans un milieu où les femmes n’étaient pas conviées. Dopé par des documents authentiques, ce premier tome se lit agréablement. Malgré tout, les courbes féminines ne sont pas toujours bien mises en valeur par le trait anguleux de Pierre Wachs, et on s’étonne que l’expérience de Régis Hautière ne lui a permis de ne faire réellement ’décoller’ son récit d’aviation que dans la dernière partie. Reste une évocation sans faille et un contenu historique indéniable. On lui souhaite qu’une impulsion complémentaire vienne faire vibrer le lecteur dans les prochains tomes.

Quant à Médée, ce sont deux auteurs, Nancy Pena et Blandine Le Callet qui nous proposent de nous (re-)plonger dans la mythologie antique, pour revenir aux sources de ce personnage. Un univers graphique particulier et un traitement intéressant devrait attirer l’œil du lecteur averti.

Côté manga, une nouvelle série pour adolescents voit le jour avec Big Order. Tandem particulier où l’héroïne ne peut quitter le héros d’une semelle, mais cherche à le tuer sans pouvoir le toucher ! Un autre lectorat se penchera sans doute sur la nouvelle édition du Gourmet Solitaire de Taniguchi, une vision japonaise et dessinée de la physiologie du goût.

Un peu de patrimoine

Sans doute moins versé actuellement dans l’aspect patrimonial que d’autres éditeurs, saluons tout de même le sixième tome de l’intégrale des aventures de Sibylline de Macherot organisée de façon chronologique. Casterman a rassemblé dans un sixième tome, l’ensemble des récits courts mettant en scène des personnages de l’univers de Sibylline, comme aussi ceux de Mirliton scénarisées par Raoul Cauvin ou du chat Pantoufle coécrit avec René Goscinny puis Stephen Desberg.

La sortie du film Le Transperceneige donne lieu non seulement à une superbe intégrale en noir et blanc de cet âpre récit d’anticipation. Pour rappel, ce train qui roule sans s’arrêter, transporte avec lui toutes les classes de la société. Un récit signé Jacques Lob et dessiné par Rochette. En complément, les Histoires du Transperceneige, un recueil d’interviews, d’inédits et d’anecdotes, qui permettent de remonter aux sources du récit et de se rendre compte de son cheminement avant d’aboutir en livre et en film.

Transperceneige de Lob et Rochette
(c) Casterman

Enfin, Casterman ressort Olympe de Gouges de Catel & Bocquet dans une édition complétée, ainsi que la fondamentale Partie de Chasse de Bilal & Christin pour célébrer les trente ans de ce récit fort.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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