Nous avons vu hier, à travers les collections "Un Village français" (Soleil) et "Femmes en résistance" (Casterman), la première racontant par le menu les tristes réalités de l’Occupation allemande, la seconde, le rôle de certaines figures féminines inconnues de la Résistance, combien la bande dessinée s’est considérablement enrichie ces dernières années sur ces sujets. Des ouvrages souvent très bien documentés, formidablement racontés, et qui peuvent éveiller l’intérêt de tout un chacun pour cette partie terrible et complexe de l’Histoire.
Dans Résistants oubliés de Kamel Mouellef, Olivier Jouvray et Baptiste Payen (Glénat), justice est rendue à des résistants que l’histoire a essayé de nous cacher : les quelques centaines de milliers de soldats des colonies françaises dont un certain nombre sont restés en France pendant l’Occupation, jouant parfois un rôle déterminant dans l’organisation et la réussite de certains maquis. Pourtant, ce devait être moins simples pour eux que pour les Français : le "délit de faciès" était déjà à l’œuvre, surtout pour une armée occupante aux préoccupations hautement racistes comme l’étaient les nazis.
Déjà auteurs de Turcos, une bande dessinée sur les combattants nord-africains de la Première Guerre mondiale (Ed. Tartamundo) (avec Tarek, au scénario), Kamel Mouellef, qui œuvre depuis plusieurs années pour la réhabilitation des soldats issus de l’immigration combattant sous le drapeau français, et le dessinateur de Turcos, Baptiste Payen, se sont alliés à l’expérimenté Olivier Jouvray pour nous livrer le récit de quelques-uns de ces combattants exemplaires à qui nous devons notre liberté.
Sous une forme documentaire alternant avec quelques instants de narration, Résistants oubliés fait son office : nous découvrons des visages et des actions jusqu’ici pour nous inconnus, d’hommes et de femmes de toutes les régions de France, des vallons de l’Alsace aux maquis du Vercors ou de la Montagne noire, qui se sont battus pour libérer la France du joug nazi.
Un cahier de photos complète ce dossier cependant très focalisé sur les combattants africains. On apprend notamment leur spoliation par les gouvernements français successifs qui refusèrent de leur donner, sous prétexte que ces colonies avaient déclaré leur indépendance, la même reconnaissance et les mêmes compensations financières qu’aux soldats de la Métropole.
La vocation de résistant
En montrant la prise de conscience de trois enfants de douze ans qui vivent les moments douloureux de l’exode de Mai 1940, suivie par une occupation allemande particulièrement revancharde et impitoyable, Benoît Ers & Vincent Dugomier nous ont concocté un petit chef d’œuvre qui explique bien ce qu’est "l’esprit de résistance", comment il se constitue, s’instille dans les esprits d’abord troublés par le choc de la défaite, marqués par un sentiment de honte et de résignation, puis par la propagande collaborationniste d’un État français qui finit par se soumettre sans condition au service de l’ennemi.
Le duo Ers/Dugomier œuvre depuis des années ensemble sur les séries Muriel et Boulon et Les Démons d’Alexia (toutes deux au Lombard). D’abord attaché à une école belge très Ligne claire, Ers tire davantage son graphisme vers une appoche plus complexe, plus réaliste que la stylisation de ses débuts. Dans Les Enfants de la Résistance, il passe un cap supplémentaire : son dessin est extrêmement documenté avec ses airs de ne pas y toucher, mais surtout, par le procédé de la couleur directe, il offre une palette d’aquarelles d’une grande subtilité tant dans le traitement des paysages que dans le rendu souvent très juste des attitudes de ses personnages.
Dugomier est à l’unisson : il trouve à chaque fois des situations originales qui sont autant d’instants où le jeune François, garçonnet naïf rêvant d’héroïsme, prend conscience de la gravité de ses actes et de leur influence éventuellement funeste sur la situation de ses proches. Il se rend notamment compte lors d’une escapade à Paris, que le monde n’est pas aussi binaire qu’il ne le pense, avec les "méchants Allemands" d’un côté et les "bons Français’ de l’autre.
C’est, pour nous, un vrai coup de cœur ! Là encore un dossier pédagogique vient achever le volume, document idéal pour parler de cette BD en famille ou en classe.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Lire la première partie du dossier :
Résistances (1/3) : la bande dessinée se souvient du 8 mai 1945
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