On l’a dit porte-flingue, homme de main ou de l’ombre, Benalla c’était avant tout Alexandre, un jeune homme plein de bonne volonté, et d’aucun diraient d’un peu trop de zèle. C’est son histoire que racontent Ariane Chemin et François Krug, sous le trait de Julien Solé. C’est également un peu leur histoire : ce sont ces deux journalistes du Monde qui ont fait éclater l’affaire portant le nom du jeune homme en juillet 2018.
Dans Benalla et moi, ils reviennent donc sur leur enquête, et résument en 80 pages un feuilleton qui n’est toujours pas terminé. On est face à une synthèse qui reprend de façon claire tous les éléments du dossier. Le tour de force est magistral, au regard de la quantité d’articles parus sur le sujet. Et pourtant, du début à la fin, l’album reste limpide. Très dense, il faut bien vu la quantité d’informations, mais jamais confus.
La chronologie reprend celle des médias, on découvre chaque rebondissement au fur et à mesure de leurs révélations. Et chaque page fait émerger un souvenir personnel : on se rappelle avoir entendu telle phrase au JT, lu telle citation sur Internet… C’est peut-être aussi en cela que Benalla et moi reste aussi clair et accessible. On connaît, même grossièrement, les tenants et aboutissants de l’affaire.
Le récit des journalistes est accompagné du trait précis de Julien Solé. Il ne se perd ni en détail, ni en couleur, apportant juste ce qu’il faut de teinte à ses dessins pour qu’ils portent le texte sans le noyer, et on saluera l’exceptionnelle expressivité des visages.
En lisant le livre, on oublie parfois que l’histoire est vraie, tant elle est rocambolesque. Pourtant, le sceau "faits réels" est indiscutable. Toutes les phrases, les messages, les photos, absolument tout est authentique. On peine parfois à le croire.
C’est pourtant la marque de fabrique de La Revue Dessinée, qui collabore sur l’album avec le Seuil, et qui s’est spécialisée dans l’adaptation en bande dessinée de grandes affaires journalistiques (on se souvient par exemple de l’ouvrage Algues Vertes).
Seule la fin s’autorise une évocation d’un futur, une réminiscence d’un rêve de Benalla, qui dit au lecteur, droit dans les yeux : "On est en 2024, Macron a été réélu, moi je suis maire de Saint-Denis et je l’accueille pour l’inauguration des JO ! T’imagines ?"
Ouais, on imagine…
(par Jaime Bonkowski de Passos)
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Vous pourrez retrouver samedi notre interview des auteurs Ariane Chemin et François Krug.