"Retenez nous ! Ou on fera un malheur" : Willem, toujours aussi percutant

Bernhard Willem Holtrop fait partie des quelques très rares grands caricaturistes du XXe siècle à être encore en activité au XXIe. Il est l’égal d’un Cabu ou d’un Wolinski, avec qui il a travaillé. Lui a échappé à la folie terroriste, et c’est sans doute le seul motif d’espérance après ce sanglant événement - il y a plus de sept ans maintenant.

© Willem / Les Requins Marteaux 2022

Son parcours est connu. Arrivé des Pays-Bas, où il a été l’un des acteurs du mouvement provo et d’un journal satirique dont la plupart des numéros ont été saisis par les autorités, il dessine dans l’Enragé de Jean-Jacques Pauvert dès le mois de mai, puis se lie avec l’équipe de l’Hebdo-Hara-Kiri. Il est depuis resté fidèle à Charlie Hebdo, malgré ses multiples avatars et les tangages des dernières années. Plus de cinquante ans de dessins et de chroniques, ce n’est pas rien !

© Willem / Les Requins Marteaux 2022

Cette fidélité, Willem l’a aussi dédiée au quotidien Libération pendant quarante ans. Son départ de la rédaction en 2021 a été dignement célébré par le journal. C’est bien le moins ! Dorénavant retiré sur l’île de Groix, mais pas encore vraiment retraité, il garde un œil sur l’actualité nationale et internationale.

Un nouvel ouvrage vient en ce début d’année compléter la liste des dizaines de bandes dessinées et recueils d’illustrations ou de dessins de presse, publiés seul ou en collaboration, qui composent sa bibliographie et justifient amplement son Grand Prix reçu à Angoulême en 2013. Comme les précédents, il est édité par Les Requins Marteaux, qui ont de nouveau compilé des dessins réalisés précédemment pour Libération et Charlie Hebdo. Il faut en profiter, car la source se tarit depuis le 1er avril 2021, même si les dessins inédits ne doivent pas manquer.

© Willem / Les Requins Marteaux 2022

En quinze chapitres thématiques, Retenez nous ! Ou on fera un malheur fait le tour de l’actualité politique et sociale française et internationale. Les principaux sujets évoqués par les médias en 2021 sont balayés - n’oublions pas que les dessins sont destinés d’abord à la presse.

© Willem / Les Requins Marteaux 2022

Pour la France, Macron tient évidemment une place de choix. Nez aquilin et gesticulations permettent de le reconnaître en une fraction de seconde. Willem s’y connaît un peu en Présidents de la République française : l’actuel est le huitième qu’il peut dessiner. Pas épargné, il laisse quand même de la place à Sarkozy, aux trois générations Le Pen et à quelques autres. À l’international, on retrouve la Chine, la Turquie, la Russie : des parangons de démocratie.

© Willem / Les Requins Marteaux 2022

Willem dénonce les faux-semblants et l’hypocrisie, la violence, l’absurdité. Il fait sourire et frémir. Il tape juste. On pourra trouver ses dessins inégaux : quoi de plus normal dans une telle production, si régulière ? Mais il faut être tatillon pour y trouver des déchets. Et son trait ne vieillit pas. Sans fioritures, sans tics inutiles - pas de souris ou de Marianne la larme à l’œil - mais avec une élégance dans l’usage des noirs et la composition, simple et efficace, des images.

En filigrane apparaît une ligne qui n’a pas dévié, mais s’est adaptée aux maux récents. Willem déteste toujours l’arrogance des puissants et les extrémismes religieux. La connivence des riches, la violence militaire, la xénophobie, la surconsommation, les trahisons à la liberté d’expression, la bêtise à tous les étages et portée aux nues sont ses cibles préférées, invariablement. S’il y en bien un qui peut dire, sans mentir, sans trahir, « Je suis Charlie », c’est lui.

© Willem / Les Requins Marteaux 2022