La cérémonie a commencé par la création d’un "Prix Charlie Hebdo pour la liberté de la presse". "Nous l’avons créé en accord avec Charlie Hebdo" précise d’entrée le directeur du FIBD, Franck Bondoux. Ce sont Gwen de Bonneval et Blutch qui viennent chercher le prix décerné, comme il se doit, aux auteurs de Charlie Hebdo assassinés le 7 janvier. La remettante était ni plus ni moins le ministre de la culture Fleur Pellerin.
Prenant le micro, le dessinateur Blutch, dans un discours d’une touchante éloquence, expliqua à la ministre pourquoi -il s’excusait pour cela- il ne pouvait lui dire merci. L’État ayant renoncé au courage et à la responsabilité, ce sont les dessinateurs de Charlie Hebdo qui ont eu à l’assumer. Voilà pourquoi il est impossible de marquer la moindre reconnaissance.
Le reste de la cérémonie, ponctué par une projection des Unes de journaux satiriques français publiés depuis 200 ans, fut moins polémique.
FAUVE D’OR
Que Riad Sattouf, fauve d’or d’Angoulême 2015, ce n’est pas une surprise. "L’Arabe du futur - Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984)" paru au mois de mai 2014 est déjà un best-seller qui frise les 200 000 exemplaires vendus. "Il faut dire qu’il s’agit à d’une œuvre maîtresse pour l’auteur, écrivions-nous en septembre dernier. Au travers des pérégrinations de sa famille au Maghreb et au Moyen-Orient, il dresse le portrait émouvant de son père d’origine syrienne marié à sa mère d’origine bretonne. Un père universitaire déchiré entre la France des années 1970 et un idéal arabe incarné par Nasser et Kadhafi, écartelé entre l’Islam et l’Occident, trouvant avec difficulté sa place entre des dictatures dont les pratiques et les mentalités restent pour partie ancrées dans le moyen-âge et cette France faraude mais encore profondément xénophobe.[...] Du pain bénit pour le jeune éditeur Guillaume Allary, 40 ans, qui a déjà bien roulé sa bosse dans l’édition (il avait été l’un des premiers éditeurs de Sattouf chez Hachette) et dans la réalisation de films documentaires, et qui publie là sa première bande dessinée devenue d’entrée un best-seller."
Les autres ouvrages honorés, à quelques exceptions près, ne sont pas sans étonnantes non plus, les voici sans plus attendre :
PRIX SPÉCIAL DU JURY
Building Stories par Chris Ware (Ed. Delcourt)
Buildings porte bien son nom, écrivions-nous : il s’agit de constructions. De maisons où habitent les personnages : projections et plans, perspectives cavalières, reconstitutions spatiales...Des histoires qui figurent dans cette boîte, lesquelles sont publiées sur divers supports et formats différents, quatorze en tout : carton, petits strips, faux journal, parodie de livre de premier âge pour les enfants, bandelettes... Chacun raconte une histoire qui s’emboîtent aux autres dans un projet commun et prédéfini, comme les pièces énigmatiques d’un puzzle, de moins en moins raccord à fur et à mesure que le récit progresse.
Les séquences temporelles s’organisent en histoires-gigognes qui jouent avec le passé et le présent. Il n’est pas jusqu’aux personnages qui ne doivent se construire, en dépit des accidents de la vie. On suit l’héroïne, handicapée portant prothèse, et Phil, son mari qui, tous les jours, rentre tard à cause d’un travail à l’avenir précaire. Ils ont une fille, Lucy, qui trouve que les garçons devraient s’intéresser un peu moins à l’amour et un peu plus à la vie..."
PRIX DE LA SÉRIE
Lastman par Balak, Mickaël Sanlaville et Bastien Vivès (Ed. Casterman)
Une des réussites de Lastman, écrivions-nous sur ActuaBD, tient dans la surprise constante qu’elle entretient. Si le cadre initial semble nous placer dans de l’Heroïc-Fantasy léger, l’aspect médiéval tombe dès le deuxième tome avec l’apparition de motos. Le troisième opus opère un renversement en nous plongeant dans un monde post-apocalyptique, version Mad Max assumé. Le quatrième album nous ramène dans un monde moderne, qui flirte entre contemporain et légèrement anticipatif, où certains codes sociaux sont poussés à l’extrême.
On pourrait croire que la série manque de fil conducteur et ne trouve pas son rythme en sautant d’une influence à l’autre : que du contraire ! Les trois personnages principaux installés solidement dès le premier tome continuent de diriger l’orchestre. On les suit, souvent interpellés par leurs rencontres, mais toujours dans un mélange d’action, de tension et de décontraction qui pousse à l’admiration. Puis, le combat semble le meilleur moyen d’expression : dans les trois « mondes » traversés respectivement, cet art intime le respect, rend la justice et apporte la renommée."
PRIX RÉVÉLATION
Yekeni, roi des arènes de Lisa Lugrin et Clément Xavier (Ed. Flbflb)
"Comme son nom l’indique, écrivions-nous, nous suivons le parcours de Yakhya Diop dit "Yékini", un surnom qu’il s’est attribué en hommage au footballeur nigérian Rashidi Yekini. Ce colosse d’1m95, pesant 135 kg, est aussi qualifié de “roi des arènes” car il est resté invaincu pendant 15 ans. Il possède un palmarès de 21 combats, 19 victoires, 1 nul et 1 défaite. Sportif très respecté, il est décrit dans le livre comme un homme de tradition, ne se passionnant pour rien d’autre que son sport et la performance.
Yékini n’est pas le seul lutteur à être mis à l’honneur dans ce roman graphique de 404 pages. Les auteurs ont eu la bonne idée de suivre les parcours de deux autres personnalités importantes de ce sport : Tyson, le lutteur-businessman et Bala Gaye 2, le jeune surdoué insolent. Ces trois champions représentent trois facettes de la lutte sénégalaise au XXIe siècle, qui tente de concilier tradition, modernité et star-system."
PRIX DU PATRIMOINE
San Mao, le petit vagabond de Zhang Leping (Ed. Fei)
Nous avions salué à sa juste mesure ce classique : " San Mao appartient à la famille des « manhua », ce terme qui se traduit par « image libre » regroupe strips et dessins de presse. Les histoires de ce petit personnage qui n’a que trois poils sur le caillou (San Mao veut dire trois cheveux) étaient à l’origine publiées sous forme de feuilleton quotidien. Créé par Zhang Leping, San Mao est un personnage attachant, un monument de la culture populaire chinoise."
PRIX DU PUBLIC
Les Vieux Fourneaux T1 - Ceux qui restent de Wilfrid Lupano & Paul Cauuet (Ed. Dargaud)
Là encore, ce n’est pas une surprise.Voici ce que nous écrivions de cet album : "Tout commence par les retrouvailles de trois septuagénaires, anciens compagnons de combat social dans une grande entreprise pharmaceutique. Antoine pleure la disparition de Lucette. Mimile et Pierrot viennent soutenir leur vieux camarade, et se remémorer le temps de leurs quatre cents coups. Lorsque le notaire révèle une dernière lettre de la défunte qui avoue une aventure extraconjugale avec un sbire du grand capital, le sang du veuf ne fait qu’un tour ! Il embarque ses amis carte vermeil et sa petite fille (enceinte de 7 mois) pour une voyage-vengeance en Italie…"
Mais aussi
PRIX FAUVE POLAR SNCF
Petites coupures à Shioguni Par Florent Chavouet (Ed. Philippe Picquier)
PRIX DE LA BANDE DESSINÉE ALTERNATIVE
Dérive urbaine - Collectif- (Ed. Une autre image)
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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