Ric Hochet a toujours été une série aux ambitions modestes. C’était dû à la personnalité de ses auteurs. Tibet n’a jamais prétendu rivaliser avec Hergé ou Alex Raymond. Il se contentait de livrer, avec une régularité de métronome, deux albums par an, le premier humoristique, la série Chick Bill ; le second réaliste, la série Ric Hochet. Les jeux de mots pas très relevés de ces deux patronymes donnent le diapason : ces séries ne se prenaient pas au sérieux, elles se contentaient de distraire.
Leur seul niveau de réflexion, dans le cas de Ric Hochet en particulier, tenait aussi de l’amusement. C’était la bonne vieille recette du Whodunit à la Agatha Christie. Qui est le coupable ? Et dans ce petit jeu, André-Paul Duchâteau, qui fêtera ses 95 ans dans deux mois et que je salue, est orfèvre.
En disciple de Stanislas-André Steeman, l’auteur de L’Assassin habite au 21, lequel a été l’éditeur de son premier roman policier publié à l’âge de 16 ans (« André Duchâteau s’est créé un deuxième prénom pour se faire un nom » écrivait le maître belge du suspense en préface de cet ouvrage), il sait mettre en place un jeu d’intrigues toujours surprenant. Ses récits, comme ceux de Christie, restaient toujours convenables, évitant le hard boiled et la critique sociale : nous étions dans des publications destinées à la jeunesse, bon sang !, et la commission de la Loi de Juillet 1949 veillait…
Une reprise réussie
La série Ric Hochet eut son heure de gloire : elle avait rarement décroché de la première place du référendum du Journal Tintin dans les années 1970. Les lecteurs y étaient attachés. Les albums de la série régulière que je vous recommande, ne comportait pas moins de 78 titres aujourd’hui réunis en 20 intégrales au Lombard.
Aussi, quand Zidrou et Van Liemt reprirent avec réussite la série en 2018, ils avaient un sacré défi à accomplir : respecter un titre du patrimoine tout en le dépoussiérant. On sait combien le sujet des reprises fait polémique. Elle est pourtant ici très réussie : « Zidrou, […] a pris la mesure de cette littérature de feuilletoniste aux intrigues subtiles et au savoir-faire stylé, écrivions-nous sur ActuaBD.com. On commence à comprendre qu’avec le scénariste de L’Élève Ducobu, on se trouve face à un de ces géants qui perpétuent la réputation du Plat Pays en matière de récits populaires. »
Ça marche parce que Zidrou et Van Liemt, comme les auteurs d’origine, ne prétendent pas au chef d’œuvre et jouent merveilleusement de la parodie et de la nostalgie.
En envoyant le célèbre journaliste Ric Hochet sous les drapeaux -un épisode vécu par Johnny Hallyday imitant Elvis Presley, ils décrivent dans ce nouvel épisode, Tombé pour la France, l’Hexagone des années 1960 où le service militaire faisait 16 mois et passait souvent par l’Algérie, encore française quoique plus pour longtemps. Sur cette trame documentée, mais sans ostentation, le dessin de Van Liemt œuvre dans la probité sans jamais copier le modèle.
L’ouvrage vaut surtout par son ton enjoué, truffé d’allusions, de jeux de mots et de clins d’yeux aux lecteurs, amusant et surtout très juste. Voici notre Ric enfermé dans un univers d’hommes, devenu « le militaire le plus célèbre de France, après le général De Gaulle… » qui fait le mur comme un vulgaire piou-piou pour aller rejoindre sa dulcinée, coiffée à la Mylène Demongeot, dans un hôtel borgne de banlieue. C’est rythmé, joueur avec les clichés, et plaisant comme une comédie française de Christian-Jaque. On en redemande.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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