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Ric Hochet : comment la série rebondit...

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 13 février 2020                      Lien  
La BD, c’est comme pour les chaussettes, d’aucuns préfèreront toujours la nouveauté aux reprises. Pourtant, quand celles-ci sont faites avec respect et passion, mais aussi avec humilité, comme c’est le cas de la reprise de Ric Hochet par Zidrou et Van Liemt, cela peut non seulement redonner du souffle à une sympathique série qui a accompagné l’imaginaire de plusieurs générations, mais aussi jeter un regard inédit sur une époque finalement assez peu documentée.

Ric Hochet a toujours été une série aux ambitions modestes. C’était dû à la personnalité de ses auteurs. Tibet n’a jamais prétendu rivaliser avec Hergé ou Alex Raymond. Il se contentait de livrer, avec une régularité de métronome, deux albums par an, le premier humoristique, la série Chick Bill ; le second réaliste, la série Ric Hochet. Les jeux de mots pas très relevés de ces deux patronymes donnent le diapason : ces séries ne se prenaient pas au sérieux, elles se contentaient de distraire.

Leur seul niveau de réflexion, dans le cas de Ric Hochet en particulier, tenait aussi de l’amusement. C’était la bonne vieille recette du Whodunit à la Agatha Christie. Qui est le coupable ? Et dans ce petit jeu, André-Paul Duchâteau, qui fêtera ses 95 ans dans deux mois et que je salue, est orfèvre.

En disciple de Stanislas-André Steeman, l’auteur de L’Assassin habite au 21, lequel a été l’éditeur de son premier roman policier publié à l’âge de 16 ans («  André Duchâteau s’est créé un deuxième prénom pour se faire un nom » écrivait le maître belge du suspense en préface de cet ouvrage), il sait mettre en place un jeu d’intrigues toujours surprenant. Ses récits, comme ceux de Christie, restaient toujours convenables, évitant le hard boiled et la critique sociale : nous étions dans des publications destinées à la jeunesse, bon sang !, et la commission de la Loi de Juillet 1949 veillait…

Ric Hochet : comment la série rebondit...
© Zidrou, Van Liemt, Tibet, Duchâteau & Le Lombard

Une reprise réussie

La série Ric Hochet eut son heure de gloire : elle avait rarement décroché de la première place du référendum du Journal Tintin dans les années 1970. Les lecteurs y étaient attachés. Les albums de la série régulière que je vous recommande, ne comportait pas moins de 78 titres aujourd’hui réunis en 20 intégrales au Lombard.

Aussi, quand Zidrou et Van Liemt reprirent avec réussite la série en 2018, ils avaient un sacré défi à accomplir : respecter un titre du patrimoine tout en le dépoussiérant. On sait combien le sujet des reprises fait polémique. Elle est pourtant ici très réussie : « Zidrou, […] a pris la mesure de cette littérature de feuilletoniste aux intrigues subtiles et au savoir-faire stylé, écrivions-nous sur ActuaBD.com. On commence à comprendre qu’avec le scénariste de L’Élève Ducobu, on se trouve face à un de ces géants qui perpétuent la réputation du Plat Pays en matière de récits populaires. »

© Zidrou, Van Liemt, Tibet, Duchâteau & Le Lombard

Ça marche parce que Zidrou et Van Liemt, comme les auteurs d’origine, ne prétendent pas au chef d’œuvre et jouent merveilleusement de la parodie et de la nostalgie.

En envoyant le célèbre journaliste Ric Hochet sous les drapeaux -un épisode vécu par Johnny Hallyday imitant Elvis Presley, ils décrivent dans ce nouvel épisode, Tombé pour la France, l’Hexagone des années 1960 où le service militaire faisait 16 mois et passait souvent par l’Algérie, encore française quoique plus pour longtemps. Sur cette trame documentée, mais sans ostentation, le dessin de Van Liemt œuvre dans la probité sans jamais copier le modèle.

L’ouvrage vaut surtout par son ton enjoué, truffé d’allusions, de jeux de mots et de clins d’yeux aux lecteurs, amusant et surtout très juste. Voici notre Ric enfermé dans un univers d’hommes, devenu «  le militaire le plus célèbre de France, après le général De Gaulle… » qui fait le mur comme un vulgaire piou-piou pour aller rejoindre sa dulcinée, coiffée à la Mylène Demongeot, dans un hôtel borgne de banlieue. C’est rythmé, joueur avec les clichés, et plaisant comme une comédie française de Christian-Jaque. On en redemande.

© Zidrou, Van Liemt, Tibet, Duchâteau & Le Lombard

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Code EAN : 9782803674435

 
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12 Messages :
  • Ric Hochet : comment la série rebondit...
    13 février 2020 09:05, par Eric B.

    Sauf que... comme pour la reprise de Bob Morane (depuis l’arrêt de Coria), ici aussi, graphiquement, c’est pas ça. Dessin froid, sans charme : aucun attrait, aucune envie de se laisser tenter. La BD c’est avant tout une affaire de dessin. Faire de bonnes histoires ne suffit pas, sinon on lit des livres, des romans. Est-ce l’encrage ou la mise en couleur qui gâche l’ensemble, je ne saurais dire. Mais le résultat est là : ça ne donne pas envie d’acheter. C’est malheureux de devoir dire ça une fois de plus !

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    • Répondu par kyle william le 13 février 2020 à  16:23 :

      Je trouve au contraire que ce dessin réaliste et classique, un poil rétro mais pas ligne claire, ne manque pas de charme. Il me fait penser au travail de Dodier, tout en élégance.

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      • Répondu par Eric B. le 13 février 2020 à  16:46 :

        Bel exemple Dodier : c’était du beau dessin mais bien au dessus !

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        • Répondu par kyle william le 13 février 2020 à  19:42 :

          Bien entendu, c’est supérieur. Au bout de 25 albums... il faut laisser du temps aux gens...

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    • Répondu par Marc Bourgne le 13 février 2020 à  17:23 :

      C’est vrai que c’est malheureux de ne jamais être content, ça doit être frustrant. Cette reprise de "Ric Hochet" est une totale réussite, un vrai plaisir pour les fans des Tibet et Duchateau de la meilleure époque !

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      • Répondu par Eric B. le 14 février 2020 à  08:56 :

        Rien à voir avec le fait de n’être jamais content. Il faut juste dire les choses telles qu’elles sont.

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    • Répondu par Nicolas Anspach le 14 février 2020 à  08:00 :

      N’en déplaise aux grincheux et aux personnes qui n’ont pas la faculté de s’intéresser à une réinterprétation d’un personnage mythique. La reprise est réussie. Je n’ai pas encore lu le quatrième, mais les trois premiers sont très bons. J’ai mis du temps à acheter et lire les nouveaux Ric Hochet. Je devais sans doute faire mon deuil du R.H. de Tibet et Duchâteau.
      Zidrou a pris le parti pris de faire un R.H. plus adulte, plus ancré dans son époque. Avec des intrigues fouillées et aux thématiques inattendues. Et le dessin de Van Liemt est maitrisé, plus nerveux que celui de Tibet. Il va aussi plus dans le détail pour les décors ; travail que Tibet déléguait à des assistants.
      Les deux auteurs sont très respectueux du travail de Tibet et Duchâteau.
      Franchement avoir une reprise qui aurait été la pale copie du R.H des créateurs, alors que ceux-ci ont signé près de 80 aventures, aurait-ce été intéressant ?

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  • Ric Hochet : comment la série rebondit...
    13 février 2020 17:58, par Riton les gamelles

    Bonsoir !
    Ha ha ha !
    Vive le "rétro" tellement mode. Mais auparavant, on se documente !
    Une voiture de police française fait Pin-Pon et non Wuuuu comme dans une bête série américaine.
    Heureusement que le ridicule ne tue plus.

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    • Répondu le 13 février 2020 à  21:33 :

      C’est les pompiers qui font Pin Pon, pas la police. Et Wuuuu correspond pas mal aux sirènes de police actuelles.

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      • Répondu le 14 février 2020 à  07:24 :

        Le dessin est très sympa, mais un poil anguleux aux lignes trop cassées. Limite style "BD de Com" trop éloigné de Ric Hochet. Je ne comprends pas cette nouvelle marotte des éditeurs à vouloir faire du neuf avec du "vieux". Ce n’est pas comme cela que l’on lancera les séries populaires de demain et la BD a grandement besoin de sang neuf. C’est Hergé qui avait raison...

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        • Répondu par Eric B. le 14 février 2020 à  08:55 :

          Tout à fait d’accord. Il faut savoir aussi que, quand une "pompe à fric" est amorcée, les éditeurs ne veulent pas la lâcher. Inverstir sur de nouveaux héros, ça leur prend trop de temps pour espérer des retours sur investissement. Donc ils ne prennent pas de risques et misent sur de vieux héros de leur catalogue à dépoussiérer...

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      • Répondu par Riton les gamelles le 14 février 2020 à  08:43 :

        Oup ! Pardon !
        C’est vous le documentaliste, le référent pour l’aspect historique, afin d’éviter les anachronismes pour la bande dessinée d’époque ?
        Excusez moi.
        Les Pompiers et la Police de ces années 1960 émettaient PIN-PON, ne vous en déplaise. D’autre part, le gyrophare était orange et non bleu. Vous deviez être aussi le conseiller de Yann et Schwartz pour la BD Atom Agency, histoire où l’on lit qu’un gars travaille aux Halles de Rungis, et où l’on se sert d’une opératrice pour téléphoner en interurbain... (rappelons que l’action se situe en 1949 !)
        Ces failles temporelles m’agacent particulièrement, surtout en bande dessinée.

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