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Rio Negro - par Iwan Lepingle - Les Humanoïdes Associés

Par François Peneaud le 20 octobre 2007                      Lien  
Le mythe de la Frontière est encore bien présent dans l'esprit des Nord-Américains, mais l'attrait des grands espaces (presque) vides s'est exercé dans d'autres régions du monde, comme par exemple les plaines de la Patagonie, dans lesquelles se déroule ce très bel album.

Il est des immensités qui rendent claustrophobes, des horizons lointains qui semblent plus indépassables que la plus contraignante des prisons. Les hommes et les femmes qui peuplent cet album paraissent d’ailleurs souvent enfermés dans les conséquences de leur vie d’avant, leur vie d’Européens du tournant du siècle dernier ayant fui quelque chose ou quelqu’un. C’est le cas de Richter, jeune Allemand réfugié parmi les gauchos d’Argentine, devenu éleveur de mouton par nécessité, et qui semble s’être adapté sans trop de problème à cette vie plutôt calme.
Enfin, calme, pas toujours : quand Richter découvre des moutons morts et décapités, son patron Valdez n’est pas particulièrement heureux. Et les responsables de ces actes n’en sont qu’à leurs débuts...

Rio Negro - par Iwan Lepingle - Les Humanoïdes Associés

Avec ce long et dense album (une centaine de pages dans un beau noir et blanc rehaussé de lavis), Iwan Lepingle, de retour chez les Humanos cinq ans après son premier album, prend le temps de poser ses personnages, que ce soit celui de Richter, de Valdez, ou de Trehmann, un voisin de Valdez, et de sa fille Hanna, jeune femme au caractère bien trempé. La menace qui pèse sur les propriétaires et leurs employés sert de moteur à l’intrigue, mais aussi et surtout de révélateur du caractère de chacun : pour résister à une bande armée bien décidée à s’emparer des terres avoisinantes, il faut s’unir, ce qui ne vient pas naturellement à ces hommes qui, s’ils se bourrent régulièrement la gueule entre amis, voient d’abord midi à leur porte.

Ce qui n’aurait pu être qu’un sympathique western argentin prend une dimension humaine certaine grâce au réalisme du traitement de la situation. Le fait que ces hommes se posent beaucoup de questions sur le bien-fondé d’une résistance, et sur la façon de la mener (les armes sont bien rares, et chères), montre que nous ne sommes pas là dans une histoire simpliste où les gentils sont (bêtement) courageux et où la force fait le droit. Même Richter, qui semble le plus proche de ce qu’on pourrait qualifier de "héros" classique, dissimule des failles, et les motivations qui l’amènent à pousser ses collègues à la révolte sont moins jolies qu’il n’y paraît au premier abord.

Le dessin de l’auteur est aussi attachant que les personnages, jusque dans ses limites. En effet, si la narration est travaillée et très efficace dans son refus de l’esbrouffe, le trait lui-même apporte parfois une certaine rigidité, une légère maladresse qui ne fait pour nous que renforcer l’impression de sincérité qui se dégage de cet album.

Iwan Lepingle n’a pas lésiné sur les péripéties du récit, qui englobe des événements historiques européens, des combats à l’arme à feu, un passage en mer très agité, des relations d’amitié et d’amour, et une trahison dévoilée petit à petit qui mène le lecteur par le bout du nez. Cet aspect de feuilleton ne masque néamnoins jamais l’importance des personnages eux-mêmes et du paysage patagonien, qui nous semble jouer un rôle psychologique et métaphorique tout aussi fondamental. De la belle ouvrage, pour un auteur malheureusement rare.

(par François Peneaud)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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