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Romain Hugault : « Angel Wings regroupe ma passion pour l’aviation et des jolies femmes au caractère bien trempé »

Par Charles-Louis Detournay le 10 décembre 2014                      Lien  
Romain Hugault et Yann passent de la "Guerre des tranchées", à la moiteur de la jungle birmane. Une volonté de mettre à la fois authenticité et profondeur dans le dessin de ses personnages d'où émerge une héroïne charismatique, assez différente des clichés habituels.

Romain Hugault : « Angel Wings regroupe ma passion pour l'aviation et des jolies femmes au caractère bien trempé »
Après la Guerre de 14-18, nous voici de retour à l’aviation et à la Seconde Guerre mondiale !

J’ai surtout un goût affirmé pour les avions à hélice, et ceux qui ont volé pendant le deuxième conflit mondial sont les derniers de ce type. Ils sont donc plus racés que ceux du début du siècle. J’ai adoré me consacrer au Pilote à l’Edelweiss, mais après trois années dans les tranchées aux côtés des Poilus, il était temps de passer à autre chose...

D’où l’envie d’atteindre les horizons de l’Asie !

Tout-à-fait, mais j’avais surtout le désir d’avoir une héroïne qui porte le récit. J’ai toujours aimé dessiner les femmes, comme je peux le faire dans Pin-Up Wings par exemple. Je voulais donc mixer ces deux passions et j’ai approfondi le sujet des WASP, ces escadrons de filles-pilotes. J’ai eu soudain l’impression d’ouvrir la boîte de Pandore : elles étaient à la fois sexy, tout en ayant un caractère bien trempé, et il en fallait pour être pilote féminine dans les années 1940 !

Plus que le récit d’un escadron américain contre les Japonais au-dessus de la jungle, Angels Wings est un récit de féministe : comment une nana charismatique peut évoluer dans un milieu aussi macho et aussi dangereux ?! On contrebalance cela avec l’arrivée de Jinx Falkenburg, une authentique actrice qui visita réellement l’escadron américain des Banshees, pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour s’intégrer dans ce milieu d’hommes, notre héroïne va jouer de ses armes, notamment le glamour, mais avec bien d’autres qualités, car on va découvrir qu’Angela est membre des services secrets…

À la lecture de l’album, on sent que vous avez beaucoup travaillé ce personnage. Elle a effectivement plusieurs missions, qui sous-tendent les différents moments du récit…

Oui, elle doit franchir le « Hump », le pont aérien au-dessus de l’Himalaya, pour aller faire son rapport à Karachi. Arrivée par hasard sur la base des Banshees, elle devra faire l’impossible pour débusquer le traître qui provoque ces attaques-surprises au mauvais moment. Enfin, elle est également présente pour une mission plus personnelle, dont on en saura plus dans le tome deux, même si on comprend dans un flashback qu’une personne qui lui est proche décède précédemment dans un accident d’avion. Nous voulions sortir du stéréotype de la Pin-Up naïve qui attend son pilote au pied de l’avion. Comme dans la vraie vie, ce n’est pas parce qu’on est jolie voire pulpeuse, qu’on est bête ou une marie-couche-toi-là.

À ses côtés, vous avez placé un personnage fondamentalement gentil, qui n’a pas cette multiplicité d’angles de vue, mais qui pense savoir ce qu’il faut faire dans la vie : descendre des Japonais et draguer les filles !

C’est un chic type, attachant même s’il n’a pas inventé la poudre. Il est macho, car la mentalité du groupe purement masculin était ainsi. Il faut se rappeler que ces Banshees étaient des jeunes de vingt ans qu’on abandonnait au cœur de la jungle birmane, avec des avions de mille chevaux dans les pattes. La plupart d’entre eux étaient vierges, alors imaginez leur réaction devant les copains lorsqu’une belle fille débarque sans crier gare ! Dans le même temps, nous voulions épingler le paradoxe de ces gamins qui délaissent une superbe fille car elles ne correspond pas à leur image de la femme, pour lui préférer une icône de papier glacé… Sauf que cette pin-up-là débarque en réalité chez eux !

Une documentation sans faille au service d’un graphisme élégant et précis.

Comment avez-vous développé cette idée de WASP arrivant chez les Banshees ?

J’étais en vacances en Thaïlande et je me suis naturellement intéressé à ce qui s’y était passé pendant la guerre, me rappelant une des premières maquettes que j’avais réalisées avec mon frère, un Curtis P-40. J’ai donc contacté Yann pour savoir s’il connaissait ces « Burma Banshees », même si lui voyait tout d’abord une aventure comme Les Têtes Brûlées. Puis je lui ai montré une photo des WASP et son imaginaire s’est mis en marche ! Je fonctionne toujours de la même façon : je lui donne les ingrédients avec des flashes de scène, puis il se documente et se passionne ! Enfin, il me livre le récit dont je rêve, je suis toujours ravi de ce qu’il me propose. Ainsi, on sort des clichés qui ont souvent été véhiculés dans la bande dessinée, même si les Japonais possédaient un art de la guerre très particulier.

Héroïne sexy et représentation parfaite des machines volantes, les marques de fabrique de Romain Hugault.

Les combats ne tiennent pas la majorité de l’action : vous placez les difficultés météorologies, l’Himalaya, les problèmes techniques, etc.

J’avais déjà eu l’occasion de travailler avec les décors de la Cordillère des Andes, et cela m’avait beaucoup plu de montrer ainsi de rudes conditions de vol en milieu naturel. J’ai d’ailleurs réalisé une pleine page, car j’ai parfois besoin d’air pour m’exprimer. Cela reste un récit d’aviation. Ainsi, nous cherchons les anecdotes de vrais pilotes, afin de renforcer l’authenticité du récit. C’est le cas de cette attaque en solitaire lorsque Phil Adlair s’est retrouvé seul contre 64 avions japonais. Même canevas historique pour le câble de compensateur qui s’est rompu, même si Yann intègre cela habilement au scénario pour renforcer la relation entre les personnages principaux !

Des décors à couper le souffle.

Vous avez également travaillé vos couleurs...

Du point de vue de la couleur, je voulais travailler par séquences, afin de faire passer le froid, le chaud, la sympathie ou le danger. Puis, avec l’Edelweiss, je ressentais que les textures avaient tendances à « refroidir » mon dessin. J’ai voulu tout dessiner, même les représentations de billets, afin de donner du volume à l’ensemble. Alors que j’aurais auparavant réalisé des fumées à l’ordinateur, maintenant je les dessine. Je laisse également des traits de vitesse…. Certains lecteurs trouveront peut-être que mon dessin est moins précis, mais je voulais améliorer le rendu graphique. Mon père qui a volé à Karachi m’a tout de suite dit que j’avais parfaitement rendu les sensations de cet endroit particulier : c’est pour moi un vrai compliment !

Comme les précédents, cet album est paru en très grand format dans un tirage limité

Angel Wings sera-t-elle encore une trilogie ?

Oui, tout-à-fait, mais je ne cache pas qu’on s’amuse tellement avec les personnages qu’il est fort possible qu’on les garde pour la suite. Mais attaquons-nous tout d’abord à cette suite !

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire également notre chronique de l’album

© Illustrations Yann & Hugault – Éditions Paquet 2014
Photo : © CL Detournay

 
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