"Saboteuses", la nouvelle série de Thomas du Caju et JC Van Rijckeghem

On ne change pas une équipe qui gagne, ni une recette qui a fait ses preuves depuis une quinzaine d’années. Voilà comment on pourrait résumer l’association entre le dessinateur initialement publicitaire et d’animation Thomas Du Caju, et le producteur de films Jean-Claude Van Rijckeghem.

Leur collaboration a commencé en 2008 avec le premier tome de Betty & Dodge paru chez Standaard Uitgeverij. C’est BD Must qui édite avec bonheur cette série dès 2012. Huit tomes vont suivre, mettant en scène Betty, espionne presque malgré elle, et le photographe Dodge, à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

Saboteuses, T.1 - Par Van Rijckeghem & Du Caju - Paquet

Malgré leur diptyque de Little England paru chez Zéphyr BD entre 2017 et 2018, ce concept de de jeune et fraîche héroïne au tempérament marqué et aux prises avec les vicissitudes de la guerre reste l’image de marque du tandem. On n’est dès lors pas étonné de les voir renouer avec ce cadre pour cette nouvelle série intitulées Saboteuses, et qui paraît aux Editions Paquet. Un éditeur qui avait d’ailleurs publié le précédent album de De Caju dans sa collection Cockpit. En effet, le Belge tire également son épingle du jeu lorsqu’il s’agit de dessiner avec précision des véhicules militaires.

Au sein de cette nouveauté, on fait ainsi connaissance avec Paulette, une petite peste de dix-huit ans qui n’en fait qu’à sa tête dans le Londres de 1942. Il faut dire que son environnement ne l’aide pas beaucoup : abandonnée par sa mère française et orpheline de son père anglais tué par un bombardement, Paulette s’use les doigts en tant que couturière dans le magasin de sa tante. Pas folichon quand on le diable au corps !

L’idée de raconter sa vie ainsi peut déstabiliser, mais l’on comprend que notre héroïne cherche certainement à distraire sa passagère de ses contractions.$

Saboteuses, T.1 - Par Van Rijckeghem & Du Caju - Paquet

Un matin, voyant l’une de ses clientes qui perd les eaux, Paulette neutralise un militaire qui refuse de les conduire à l’hôpital, afin de prendre elle-même le volant de la jeep en question. Un coup d’éclat qui l’a fait remarquer par le SOE, un service secret créé par Churchill pour « mettre le feu à l’Europe » selon ses propres mots.

Voilà donc Paulette enrôlée malgré son jeune âge, afin de subir un entraînement des plus rudes, avant d’être parachutée en France avec une femme plus âgée qu’elle. Seul souci, les deux saboteuses ne s’entendent pas du tout. Qu’importe, Paulette qui ne se fait plus appeler que par son nom de code "Aiguille", est bien décidé à faire parler d’elle !

Saboteuses, T.1 - Par Van Rijckeghem & Du Caju - Paquet

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce scénario n’est pas cousu de fil blanc. Certes, notre couturière "Aiguille" est fictive, mais le scénariste Jean-Claude Van Rijckeghem semble s’être solidement documenté à propos du SOE et des trente-sept femmes que le service secret a envoyé en territoire occupé. Les situations d’entraînement et en France occupée respirent respirent également l’authenticité, tant dans les opérations de sabotage que les exactions commises par les Allemands contre les populations civiles.

Reste que le caractère de notre héroïne est parfois compliqué à cerner. Certes, il est marqué, mais il faut surtout se rappeler son jeune âge lorsqu’on s’étonne de ses frasques, et afin de tenter de comprendre son attitude parfois méprisante et souvent insouciante, ainsi que sa volonté de croquer la vie à pleine dents. On serait d’ailleurs plus enclin à apprécier sa condisciple, plus âgée et qui a des enfants. Sans doute en apprendra-t-on plus sur elle dans le second tome...

Saboteuses, T.1 - Par Van Rijckeghem & Du Caju - Paquet

Quant à Thomas Du Caju, les fans de l’auteur apprécieront sa mise en scène de cette nouvelle héroïne. Après les quelques grimaces des premières pages, certainement destinées à nous rappeler le jeune âge de Paulette, il prend toujours autant de plaisir à mettre en scène les personnages, les voitures et les quelques avions qui passent (Paquet reste Paquet). Ses difficultés au découpage sont cette fois compensées quelques effets de colorisation numériques utilisés à bon escient qui participent à quelques effets "Waow" sur diverses cases.

Avec ce tandem reformé, Paquet trouve là une belle série qui se place entre celles d’ Olivier Speltens d’un côté, et de Yann & Hugault de l’autre. Du Caju ne joue pas sur l’aspect "Pin-up" ou "vampe" du dessinateur d’Angel Wings pour préférer cette ingénue qui ne tient pas en place. Les amateurs de Betty & Dogde adoreront, les autres y verront l’occasion d’essayer une nouvelle série qui ne démérite pas.

Saboteuses, T.1 - Par Van Rijckeghem & Du Caju - Paquet