Petite révolution de salon : la Bibliotheca Wittockiana ouvre ses porte à la bande dessinée. Le Musée bruxellois de la Reliure et des Arts du livre accueille en ce moment une partie des planches léguées par François Schuiten à la Fondation Roi Baudouin. Elle lui a même laissé les mains libres pour scénographier comme il l’entendait la mise en valeur de ses dessins.
François Schuiten en a profité pour repeindre tout en gris (en promettant de reblanchir les murs après) et installer une ambiance dont il a le secret, tout en tamisé et en inventions. L’exposition Le Temps des Cités prend ainsi la forme d’une bibliothèque dans la bibliothèque, rêve éveillé monté par le dessinateur pour convier le visiteur à travers toute son œuvre. Exit la luminosité, place à l’obscurité et aux livres, géants les livres, qui matérialisent une des passions de l’artiste dans une atmosphère toute borgésienne agrémentée de quelques objets tout droit sortis de son imagination.
Des Terres creuses à La Théorie du grain de sable, le visiteur pourra donc s’arrêter à loisir devant les diverses collaborations qui ont rythmé sa riche carrière. L’occasion de replonger dans les premières publications avec son frère Luc Schuiten au scénario, Claude Renard au scénario et au dessin, Benoît Peeters au scénario.
Se côtoient ainsi les planches métallo-sensuelles de Carapaces, à l’arrière-goût étrange ; les cases vertigineuses et tout aussi sensuelles de Nogegon ; le noir et blanc extraordinairement maîtrisé de L’Enfant penchée, mais aussi des dessins issus de La Théorie du grain de sable et de plusieurs albums des Cités obscures.
Le tout s’encastre dans des rayons grandioses peuplés de références littéraires tout aussi obscures parfois. Outre les 37 planches exposées, le visiteur croisera Galaxy et La Tour d’Armilla, inventions de papier auxquelles le dessinateur a donné une troisième dimension avec la collaboration de l’ébéniste Karl Theiss, confirmant ce goût profond de Schuiten et Peeters pour la matérialisation de leurs idées en 3D, comme en témoignent les objets insolites qui peuplent le grenier de la Maison Autrique, à Schaerbeek, autre commune bruxelloise.
Enfin, de sa propre maison, schaerbeekoise elle aussi, Schuiten a importé son atelier, recréé dans une vitrine à l’intention de ses lecteurs les plus connaisseurs.
Un balayage dans le temps joliment agencé comme une valse de souvenirs entrant en résonance avec le beau livre que Thierry Bellefroid a consacré à l’artiste : L’Horloger du rêve (Casterman).
(par Sarah COLE)
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L’exposition est visible à la Bibliotheca Wittockiana, rue du Bemel 23, 1150 Woluwe-Saint-Pierre
Jusqu’ au 19 avril 2014
Du mardi au dimanche 10 à 17 heures. Fermé le lundi.
Entrée gratuite