Animateur et humoriste doué, Albert Algoud assumait, depuis le mois d’avril 2003, le poste suprême au mensuel "d’Umour et Bandessinées" créé par Gotlib et Diament. L’homme n’était pas un inconnu dans le monde de la bande dessinée, puisqu’il collabora à différentes aventures éditoriales dont L’Echo des Savanes, Hara Kiri ou encore Circus.
Mais ce sont surtout ses livres sur l’univers de Tintin qui lui ont valu la sympathie des bédéphiles. L’une de ses publications, Le Dupondt Sans Peine, lui a d’ailleurs attiré les foudres de Moulinsart en 1997...
Les auteurs de Fluide Glacial exigèrent alors qu’un conseil de rédaction constitué d’auteurs-phares de la maison d’édition [1] soit créé dans la foulée afin de s’assurer que le magazine reste dans la ligne éditoriale initiée par son fondateur, Gotlib. Au fil des mois, le scepticisme des auteurs a diminué, et la confiance en Albert Algoud s’est intensifiée, si bien que Gaudelette fut rapidement le seul à être "l’œil de Moscou" des auteurs au sein du comité éditorial.
En début d’année, nous apprenions que Maëster et Coyote, deux des auteurs "best-sellers" de Fluide Glacial, s’en allaient à la concurrence. Interrogé par notre collaborateur Laurent Boileau, Albert Algoud confiait, dans nos pages, à ce sujet :
« La ligne éditoriale ne convient plus à Coyote. Il trouve qu’il y a trop de dessinateurs de presse comme Luz, Charb, Lindingre... il ne comprend pas qu’aujourd’hui le dessin d’humour englobe aussi ce genre. Bien sûr, il nous faut toujours des histoires de cinq, six pages dans le journal mais c’est travailler pour l’avenir que d’accueillir ce type d’auteurs. A cela, se rajoute des histoires d’incompatibilité d’humeur avec certaines personnes (pas moi !).
Il y a deux ans, j’ai dit à Maëster de confronter son personnage de Sœur Marie-Thérèse à des mollahs et des ayatollahs. Il a refusé. Aujourd’hui, je constate que Pétillon le fait. Ce qu’il prépare sur le voile risque de rencontrer le même succès que l’Enquête Corse. Mais je pense qu’ils font une erreur, car leur place naturelle est chez Fluide. Maintenant, ils sont libres de se sentir mieux chez Albin Michel (Maëster) et au Lombard (Coyote). Mais c’est triste car ces ceux auteurs ont énormément apporté au journal ».
Ces deux départs laissent penser qu’il subsistait un malaise auprès de certains auteurs de la maison.
Après l’acquisition de Fluide Glacial/Audie en 1995, les éditions Flammarion avaient racheté, fin 1999, les éditions Casterman, avant de se retrouver à leur tour englobées par le groupe italien Rizzoli-Corriere-della Sera.
Les auteurs ont sans doute été déboussolés par ces multiples rachats qui ont également fait du grabuge au sein de Casterman. Certains n’ont plus retrouvé le climat "familial et bon enfant" qui existait au sein de la rédaction à leur arrivée, lorsque Marcel Gotlib et Jacques Diament étaient encore aux manettes.
Privée de deux de ses plus imposantes figures de proue (Sœur Marie-Thérèse et Litteul Kevin), la rédaction du journal de Fluide a inévitablement subi ce revers de plein fouet. La nomination, aujourd’hui, de Thierry Tinlot au poste de rédacteur en chef du journal marque la volonté de passer un nouveau cap.
Ce dernier a dirigé le journal Spirou et participé au renouveau éditorial des éditions Dupuis pendant douze ans. Les multiples départs qui se sont succédés après le rachat de l’éditeur de Marcinelle par Media Participations l’ont incité à démissioner. D’autant plus qu’il ne se voyait pas, d’une part, travailler pour son ancien principal concurrent et d’autre part remettre en cause sa toute nouvelle formule (lancée 3 mois plus tôt) du magazine dont il avait la charge [2].
Dans sa lettre adressée aux auteurs, Louis Delas [3] déclare que Thierry Tinlot aura pour mission prioritaire de poursuivre et de développer l’important travail de renouvellement entrepris ces deux dernières années. Le directeur général de Casterman/Fluide Glacial mentionne également qu’Albert Algoud continuera à collaborer au journal et aux hors-séries en "apportant ses talents de communiquant, ses belles idées et sa plume".
L’arrivée de Thierry Tinlot au poste de rédacteur en chef de Fluide Glacial permettra-t-elle à l’éditeur "umoristique et dérisoire" de renforcer son image auprès des auteurs ? L’avenir le dira.
(par Nicolas Anspach)
(par Laurent Boileau)
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En médaillon : (c) Laurent Mélikian, Bandes Dessinées Magazine.
[1] Gaudelette, Léandri, Maëster et Solé.
[2] Le pressentiment de Thierry Tinlot était juste puisque Dupuis vient d’annoncer l’abandon de l’ancienne formule pour une ambitieuse nouvelle donne.
[3] Le directeur général de Casterman/Fluide Glacial.
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