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Second cycle d’India Dreams : à la découverte du Raj

Par Charles-Louis Detournay le 17 novembre 2010               India Dreams : à la découverte du Raj" data-toggle="tooltip" data-placement="top" title="Linkedin">       Lien  
Après leur série ’War & Dreams ‘ sur la côte d’Opale, JF & Maryse Charles sont répartis dans l’Inde coloniale, mais cette fois au XIXe siècle. Un premier tome introductif qui laisse présager un récit des plus réussis.

Les quatre tomes d’India Dreams et leur volume complémentaire forment une série réputée, voire incontournable, dans le milieu de la bande dessinée de ces dix dernières années. La magie orientale de la couleur directe de Jean-François Charles, accompagné d’une touche narrative purement féminine de son épouse Maryse l’avait consacrée avec justesse.

Second cycle d'<i>India Dreams</i> : à la découverte du Raj
À cette occasion, la dernière réédition du T1 profite d’une nouvelle couverture.

Par après, le couple s’était dirigé vers le devoir de mémoire, et la période difficile que traversèrent nos pays lors de l’occupation allemande. Un récit fort et vibrant, mais qui laissait un souvenir moins vivace à leurs auteurs. Dès la fin de War & Dreams, ils nous confiaient vouloir retourner au sein des contrées indiennes, baignées de lumière. La preuve en image avec une superbe introduction arrivée dans les bacs la semaine dernière.

Une même série, mais des cycles heureusement fort différents

Si le premier cycle abordait la fin de l’époque coloniale et les premières années de l’indépendance, ce second cycle débute en Angleterre, à la fin du XIXe siècle. Nous allons suivre une série de personnages qui vont s’embarquer pour leur premier voyage au Raj : le professeur Sybellius, pour qui ce départ est la seule chance d’échapper à un scandale et aux rigueurs de l’époque victorienne ; le juge Arthur Byle, nommé à la Cour Suprême de Calcutta et qui embarque avec toute sa famille ; un militaire voulant réhabiliter son père, ancien officier dans l’armée des Indes ; une jeune femme, Virginia Moore, accusée d’un horrible meurtre et ayant réussi à embarquer sous une fausse identité ; sur ses pas, le terrible et déterminé enquêteur Abott Pimlicott, bien décidé à la poursuivre jusqu’au bout du monde.

Dans l’efferverscence des docks londoniens, une jeune femme s’enfuit...

Pour tous ces passagers qui évoluent en microcosme durant les deux mois de traversée, c’est l’occasion de se rencontrer, mais aussi de partager la vision qu’ils ont des Indes, à la fois fascinantes et effrayantes. Le peu qu’ils en connaissent provient de récits, d’aquarelles, de la vie sur le sous-continent reconstituée dans la mère patrie par les nababs nostalgiques de cet autre monde. L’aventure est à leur portée.

Ces quelques mots d’introduction confirment bien les chemins différents empruntés par les deux cycles. S’ils débutent tous deux à Londres, cette nouvelle aventure prend beaucoup plus le temps de donner l’impression anglaise du Raj, de par les nababs restituant ses richesses avec faste, ou les discussions dans les clubs autour d’une reproduction ou l’autre.
Alors que le premier cycle se constituait d’un passage de témoin d’une femme à l’autre, dans une intrigue parfois nébuleuse, ce second cycle gagne en profondeur des personnages et en clarté de l’intrigue. Présentant en détails les divers protagonistes, on a déjà l’occasion de se faire une réelle idée de leur personnalité, et de s’y attacher avant que les effluves de l’Inde ne viennent les bouleverser.

« Entre ces deux cycles, nous avons mûri en scénario et en illustration », explique Jean-François Charles. « Nous voulions travailler sur plusieurs personnages, même si le personnage féminin a énormément d’importance, mais elle n’est pas seule : le capitaine des lanciers qui pourra expliquer la révolte des Cipayes, le planteur, le juge et son épouse, le professeur Sybellius braqué sur l’érotisme, etc. Cela va s’ouvrir sur la suite. Nous ne voulions être tributaires d’un seul personnage, où il fallait enchaîner des séquences rapides où il fallait une action. Le fait de les mettre ensemble peut donner lieu à des rapprochements ou des altercations. C’est également intéressant. Mais il faut prendre le temps de bien installer les personnages afin de pouvoir s’y attacher et de les comprendre. »

Maryse & Jean-François Charles
Photo : © CL Detournay

Le lecteur du premier cycle sera néanmoins ravi de retrouver Kamala, un incarnation de Vishnou sous forme d’une princesse indienne, ainsi qu’une seconde personnification spirituelle, au travers d’un personnage masculin doté d’un étrange parapluie. « Les avataras, soit ces incarnations, donnent une idée des personnages qui sont réceptifs à une autre culture », explique Maryse Charles, « ce qui permet de se faire ainsi une idée plus complète d’un personnage. Ainsi, on n’aurait pas pensé dans un premier temps qu’un juge cartésien puisse être aussi tolérant, pourtant c’est une des personnes qui sera le plus touchée par cette culture. »

La magie des illustrations de JF Charles

Que l’on soit amateur du genre ou pas, difficile de demeurer insensible face au travail de couleur directe de Jean-François Charles. Même si cet album se déroule en grande partie au sein de Londres ou sur le bateau amenant les personnages au Raj, l’ambiance qui s’en dégage est enivrante, chargée d’embruns ou d’odeurs des docks. Toujours aussi fort, mais dans un esprit plus négatif, deux double-pages sombres évoquant une prison londonienne sont chargées d’une ambiance maussade et glauque. Une des autres impressions de Londres, mais tout aussi magnifiquement rendues par Jean-François Charles !

Les personnes qui aperçoivent l’Avatara, une des incarnations de Vishnou, ont un lien fort avec l’Inde.

« Ayant chuté lourdement il y a six mois, j’ai souffert d’une très longue convalescence », nous explique-t-il. « Dès lors, réaliser cet album a été ma bouffée d’oxygène. Je me suis d’ailleurs permis de me placer dans l’album, en béquilles, au sein de la prison. Mais cette illustration est également un hommage à Gustave Doré. Maryse m’avait ainsi offert un livre de ce magnifique peintre lorsque nous commencions à nous connaître. J’en avais gardé une profonde envie de représenter Londres, tout en sachant qu’il faut laisser de la place à la suggestion, car la précision en tout décor tue parfois le réalisme qu’on peut donner. Il faut mieux travailler l’impression générale que l’on désire communiquer. »

Nouvelle progression dans son travail, l’auteur multiplie les grandes cases ou les pleines pages. Celles-ci permettent de profiter de l’expérience du dessinateur en couleur directe, mais aussi de saisir la vie débordante de Londres, moins maussade qu’on ne pourrait le croire.

« Le manga décompose une scène en une infinité de case. Pour ma part, je préfère parfois une grande case où j’invite le lecteur à pénétrer le tableau. Selon moi, ce qui fait que la bande dessinée perdure et croît, c’est que le lecteur peut passer le temps qu’il désire devant une illustration, à contrario d’un film où il subit alors le regard et le temps du réalisateur, même si c’est alors une technique de communication. En une seule vignette, on peut alors résumer toute une situation. »

Une série pleine de surprises

Comme à chaque fois, les Charles ne désirent pas réellement trop fixer leur série dans le marbre : « Elle fera trois ou quatre tomes… Nous voulons laisser la possibilité de voir où les personnages pourraient nous emmener ? Peut-être des voies que nous n’avions pas envisagées ?!? »

Alors que chacune de leurs deux dernières séries comportaient un cahier graphique complémentaire pour le premier tome, il s’agit ici d’un cahier à part qui est joint à l’album !

« Pour moi, ces illustrations sont toujours la récréation après l’album ! », rajoute le dessinateur. « En réalité, j’avais demandé un papier spécial pour l’album, moins immaculé afin qu’il s’adapte mieux à l’aquarelle. Mais lorsque Casterman a opté pour ce livret complémentaire, il était trop tard pour commander le papier pour le rajouter, c’est ainsi que le livret à part est né ! »

Les Charles expliquent leurs références indiennes : le Mowgli de Kipling, Corentin de Cuvelier, mais aussi les films de Fritz Lang et David Lean, ...

« Nous avions abordé une partie de l’Histoire de l’Inde », conclut Maryse Charles, « mais nous voulions remonter dans le temps, et montrer également le regard des Anglais face à cette Inde qu’ils parviennent mal à appréhender. » Le lecteur qui aura apprécié le premier cycle d’India Dreams sera heureux de retrouver à la fois des liens avec le précédent cycle, tout en appréciant ses différences de constructions et l’évolution graphique dont il profite. Un nouveau et fabuleux voyage qui se présente.

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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