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Seules contre tous - Miriam Katin - Seuil

Par David TAUGIS le 25 décembre 2006                      Lien  
Les représentations de la Shoah en BD étaient jusqu'à présent surtout des oeuvres masculines : "Maus" de Spiegelman et "Yossel" de Joe Kubert figurant parmi les meilleures. En illustrant la lutte pour la survie de sa mère, Miriam Katin apporte un point de vue différent, basé sur la période confuse de la fin de la guerre. Une première œuvre indispensable, d'autant que son illustration, sans correspondre aux canons académiques, ne manque pas de finesse.

Miriam a 3 ans en 1944. La Hongrie est envahie par l’Allemagne. Les Juifs sont pourchassés. Un voisin dénonce Miriam et sa mère, qui doivent fuir. Elles trouvent refuge à la campagne, au sein d’une famille qui a besoin de bras. Esther, la mère de Miriam, participe aux travaux de la ferme. Mais les nazis sont encore là malgré la fin de la guerre qui approche au fur et à mesure de l’avancée des troupes soviétiques...

Alternant scènes du présent en couleur (Miriam vit à New-York) et retours sur le passé en sépia, Miriam Katin parvient d’une façon très moderne à témoigner du sort d’une famille juive hongroise durant l’occupation. Elle a reconstitué les faits en s’inspirant du témoignage de sa mère. Trop jeune pour avoir des souvenirs précis de cette période, l’auteure s’est entièrement appuyée sur les souvenirs d’Ester. Avec la volonté farouche de décrire crument la dureté des conditions de vie d’une mère et de sa fille, Seules contre tous, comme le rappelle le titre cinglant de l’album.

Seules contre tous - Miriam Katin - Seuil

Ce roman graphique remarquablement émouvant est d’autant plus intéressant quand on connaît l’itinéraire de l’auteure : revenue en Hongrie après la guerre, elle émigre en Israël au moment de l’intervention soviétique en 1956, puis part vivre à New-York, revient en Israël pour repartir encore aux Etats-Unis, ou elle demeure aujourd’hui.

Son dessin proche des styles d’auteurs indépendants américains privilégie l’émotion à la beauté académique du trait. Les cases semblent effleurées au crayon mais les personnages apparaissent intensément vivants. Katin est capable d’escamoter certains détails pour mieux en préciser d’autres sur la même planche. On pense régulièrement à Spiegelman, notamment pour cette façon de mêler présent et passé, ou encore à Ben Katchor, mais aussi à certains Français de l’Association.

Katin n’élude aucune scène difficile, et son album recherche un réalisme efficace. En postface, l’auteure a ajouté des documents d’époque et décrit son propre itinéraire. Autant d’éléments qui rendent totalement unique ce formidable roman graphique.

(par David TAUGIS)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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