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« Shogun », un magazine de mangas... européens !

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 26 juin 2006                      Lien  
Avec le lancement du mensuel {Shogun}, les Humanoïdes Associés entérinent une réalité de la création d'aujourd'hui : la profonde influence des mangas japonais sur la nouvelle génération des créateurs français et internationaux. Ils proposent, l'air de rien, une solution futée pour concurrencer le succès des mangas en France.

Il fut un temps où l’on se disait : on ne va pas imiter le style des mangas pour se battre contre des gens qui, par définition, font cela bien mieux que nous. La création nipponne est tellement surabondante tant en termes de quantité que de qualité, qu’il semblait vain d’y opposer ce qui n’apparaîtrait jamais que comme des ersatz...

Pourtant, depuis plusieurs années, les créateurs de BD -toujours en avance d’une guerre sur leurs éditeurs- avaient intégré la composante japonaise dans leur travail. Glénat avait très tôt tenté de créer des « mangalikes » français, avec un succès relatif, et l’on pourrait presque avancer que ces derniers temps, le personnage de Spirou avait, comment dire ?, les yeux de plus en plus bridés. La frontière entre la BD japonaise et française, à ces quelques exceptions près, paraissait intangible : les puristes et les autres semblant préférer l’original à l’imitation. L’invasion du marché français par les mangas nous paraissait à tous comme une fatalité.

« Shogun », un magazine de mangas... européens !
L’affiche de lancement

Un style international

Mais depuis quelques temps, les mentalités ont bougé. D’abord parce que de plus en plus d’auteurs européens ont intégré les codes de la BD nipponne : un dessin rapide, une large diversité de thèmes, des personnages psychologiquement très affûtés, un graphisme « mignon » et une vision claire du lectorat ciblé. Un éditeur comme Kappa en Italie a créé depuis près de 10 ans une ligne de mangas au goût italien. Récemment, avec la collection Cosmo chez Dargaud, Yves Schlirf, l’éditeur de Kana, a décidé de lancer une ligne de BD mixant les artistes de comics, de BD et de mangas. Sur le marché français même, les mangas coréens et chinois commencent également à garnir les linéaires. Aux États-unis, les éditeurs locaux produisent depuis quelques années des mangas signés par des artistes américains et des comic-books signés d’artistes japonais, européens, chinois, malaisiens et même indiens. Il semble que nous nous dirigeons tout droit vers un style international.

La question du format

Restait la question du format : le « format manga », dont nous avons raconté dans ces pages qu’il n’est qu’un format de poche présent sur nos marchés sous la forme de bandes dessinées depuis près de quarante ans, semblait laissé à la seule production japonaise, sans que les éditeurs français ne veuillent s’y investir. Or, l’avantage des mangas, c’est précisément d’offrir aux kids des séries produites régulièrement (au rythme d’une nouveauté tous les deux mois), à un prix qui est jusqu’à deux fois inférieur à la production franco-belge. En outre, les thèmes, les personnages et les univers des Japonais correspondaient mieux aux attentes de la classe d’âge des 8-14 ans. On peut objecter que la télévision est le premier moteur de leur succès. Or, cela ne se vérifie pas forcément : Naruto a été un succès important chez Kana bien avant que la série ne soit sur antenne et que même, les DVD n’apparaissent sur le marché. Avec Dofus notamment, la preuve était faite que le public pouvait adhérer à des mangas au « goût français ».

"Mind" par Dave-X, Shupak et Acid.B
(c) Humanoïdes Associés

Des Japonais « compliqués »

Parce que pour les éditeurs français, la publication des mangas comporte un certain nombre de désavantages :
-  Ce n’est pas une création « maison », ce qui signifie qu’à terme, leur succès progressant, les éditeurs européens se retrouveraient dépendants des Japonais, sans compter qu’une grande partie de la création nationale se retrouverait fragilisée, sinon au chômage.
-  Les éditeurs japonais sont de plus en plus difficiles à amadouer. D’abord parce qu’avec la concurrence des éditeurs français désireux d’obtenir des droits de leurs mangas, les prix ont considérablement augmenté, sans compter le coût d’une traduction à partir du japonais. Ensuite, parce que leurs exigences sont à la limite du supportable : approbations préalables systématiques pour toute utilisation (ce qui est normal) mais qui en interdit parfois l’usage gratuit pour la promotion et pour la presse, auteurs impossibles à obtenir en promotion lesquels, quand ils se déplacent, ont parfois des exigences de « divas » (hôtels de luxe, personnel accompagnant, refus d’interviews, etc). A cela s’ajoute, dans certains cas, une profonde incompréhension, à la limite du mépris, pour les règles du marché européen.
-  Enfin, et cet aspect n’est pas négligeable, les Japonais réfléchissent aux moyens de se passer des éditeurs français. Des bureaux ont déjà été ouverts en Europe pour étudier la faisabilité d’une production « en direct » comme cela se fait déjà aux USA avec le label Viz appartenant à Shueisha et Shogakukan, ou en joint-venture, comme c’est le cas toujours aux USA, avec le label Tokyopop.

« Nous ne cherchons pas à copier les Japonais ! »

Bref, tout cela conforte le projet des Humanos qui est dirigé par Guillaume Dorison, le propre frère de Xavier Dorison, le scénariste à succès de Sanctuaire, du Troisième Testament et du joli film récemment sorti en salle, Les Brigades du Tigre. « Nous ne cherchons pas à copier les Japonais ! se récrie Guillaume Dorison quand on lui demande si cette production n’est pas un erzatz de la production nipponne. Nous investissons un format, le format poche 127x182mm, qui avait été délaissé par les éditeurs français. Les créateurs sont d’ailleurs ravis de trouver un nouvel espace de narration car ils commençaient à en avoir marre de l’album de 48 pages cartonné couleur. » Sauf que le produit est quand même vendu sous le vocable de « manga » et porte la marque « Shogun », deux mots japonais. « D’accord, le mot « manga » est japonais, répond Guillaume Dorison. Mais le manga, c’est avant tout un format et un rythme de parution. Quand un Français publie au format « comics », on ne lui fait aucun reproche. Le manga, c’est un standard commercial comme un autre. En revanche, nos histoires, elles, elles sont bien européennes. L’une d’entre elles est une chronique étudiante, comme en ont fait les Japonais avec GTO, mais cela se passe dans une grande école de commerce française ; une autre histoire décrit des émeutes qui ont eu lieu dans nos banlieues... Malgré tous leurs talents, cela, les Japonais ne peuvent pas nous le raconter. Par ailleurs, graphiquement, le but n’est pas de copier les Japonais, que du contraire. Il y aura de tous les styles. Après, ce sera au public de juger. »

"Holy Wars" , une série franco-chinoise de Shaos, Carène, et Irons.D
(c) Humanoides Associés

Lancement le 29 septembre

Parmi les productions présentes dans le premier numéro : Mind, une série de SF française par Dave-X, Shupak et Acid.B, Holy Wars, une série franco-chinoise de Shaos, Carène, et Irons.D, Anarky, un récit franco-belge de Hobë & Pazo et Karos, Love’in des Français Kalon & Karos, Quantic Soul des Français LordShion et Shupak ou encore la série franco-espagnole Lolita H.R. de J. Rodriguez et D. Rieu. Français, Chinois, Espagnol et même Belge... On voit que cette collection se veut une sorte de rendez-vous international, de tous les genres et de tous les styles.

Tiré à 50.000 exemplaires, le premier numéro du mensuel Shogun, fort de 308 pages pour un prix de 4,90 euros, sera en kiosque à partir du 29 septembre 2006. [1] Il contiendra une partie magazine de 30 pages donnant des infos sur le monde des mangas, et en particulier sur celui du cinéma d’animation. Sa mise sur le marché sera soutenue par un plan média dans la presse spécialisée, une campagne d’affichage en kiosque et en librairie, et par la distribution de 60.000 flyers au moment du prochain JapanExpo. Les albums, quant à eux, arriveront sur le marché à partir de janvier 2007.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Le site internet de Shogun (à partir du 9 juillet).

[1D’ici là, à partir du 9 juillet 2006, le site shoguncity.com proposera des infos sur ces mangas avec des interviews d’auteurs, des galeries d’images, etc.

 
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5 Messages :
  • Oh a new magazine. For europeens ? This is great ! Kijin and I are germans. Kijin draw Mangas.

    Voir en ligne : ^^

    Répondre à ce message

  • Salutations, je m appelle Loris. Je suis comme tant d’ autres un mangaka bien intrigué par ce que vous nous réservez.
    Il y a toutefois une chose qui m interpèle : pourquoi les japonais veulent se débarrasser des éditeurs français ?
    Merci de me répondre et bonne chance à vous. Votre idée est louable.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Luc le 27 octobre 2006 à  22:18 :

      C est vrais que c est pas tres logique car il perdrai de l’argents a mon avis il on plutot intêtait avendre des droits

      Répondre à ce message

    • Répondu le 6 novembre 2006 à  21:04 :

      moi aussi je dessine des mangas et c vrai ke sa me plairait d’en faire pour le j
      pon mais je pense que s’il ne vaulent pas c parceque c eux qui l’ont inventer ( cette art ) et kil en sont trop fier pour le partager néanmoins je les comprends ...

      Répondre à ce message

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