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Shutter Island arrive sur grand écran

Par Charles-Louis Detournay le 23 février 2010                      Lien  
Christian de Metter et Martin Sorcese ont travaillé séparément sur leurs propres adaptations du best-seller Shutter Island. Deux visions aussi proches que différentes, mais toutes aussi réussies l'une que l'autre !
Shutter Island arrive sur grand écran
L’adaptation de Christian de Metter en bande dessinée

N’ayez crainte, ActuaBD ne se transforme pas en ActuaCiné, mais lorsqu’un des meilleurs albums de 2008 suit une carrière parallèle au cinéma, mis en scène par un des plus grands réalisateurs contemporains, et interprété par son acteur fétiche, Leonardo DiCaprio, il eut été dommage de passer à côté.

À la source : le roman

Peu après avoir achevé son roman Mystic River, adapté peu après par Clint Eastwood au grand écran, et avant de publier Coronado dont Loustal publia récemment sa vision, l’écrivain Dennis Lehane s’engagea dans un thriller oppressant, aux frontières de la folie et de la raison : Shutter Island.

Le livre relate comment cette île au relief escarpé accueille en 1954 une institution psychiatrique pour les criminels dangereux de tous les États-Unis. Une des patientes, qui a noyé ses trois jeunes enfants, a mystérieusement disparu de sa cellule, et l’on charge le Marshall fédéral Teddy Daniels ainsi que son coéquipier de faire la lumière sur l’affaire.

Arrivant d’emblée sur cette île-prison où l’on se demande constamment si l’attitude des médecins et gardiens n’est pas aussi étrange que celle des malades eux-mêmes, notre enquêteur tente d’élucider ce mystère. Mais d’autres éléments entrent en ligne de compte : d’anciens scientifiques nazis réhabilités, un mystérieux phare dans lequel de tests interdits seraient pratiqués, et ces rêves qui ne le quittent pas ... Serait-il drogué ?

L’ouragan s’abat alors sur l’île, rompant les communications, empêchant que le ferry ne leur apporte de l’aide. Seul, le Marshall Daniels n’a plus qu’un objectif : la vérité !

Jouant avec le lecteur, amenant sans cesse de nouvelles pistes et des éléments qui donnent à chaque fois une autre vision de l’ensemble, Shutter Island allie thriller, polar et psychologie pour fournir un roman d’une rare efficacité qui le propulsa rapidement en tête des ventes.

Les ‘Rivages Noirs’ de Shutter Island

Christian de Metter
Photos : © CL Detournay

Nous avions expliqué en son temps les modalités de l’association entre Casterman et les éditions Rivages pour adapter la crème des romans policiers en bande dessinée. D’un format proche du livre de poche, une pagination et des couleurs laissées au choix de l’auteur, ces albums Rivages/Casterman/Noir nous ont déjà livré d’excellents titres.

Lorsque les éditeurs approchent Christian de Metter, qui vient de terminer L’Œil était dans la tombe et qui avait déjà adapté avec succès Figurec, le roman de Fabrice Caro, l’auteur pense directement à Shutter Island : « Ce roman aborde des thèmes que je travaille depuis des années : l’identité, ce qu’on est, ce qu’on veut être, et ce qu’on croit être. Cela fait un moment que je souhaitais aborder une telle histoire avec une chute bien sentie, où l’on a tous les éléments au début, et dont on se rend compte au fur et à mesure de la lecture, qu’on n’a pas regardé la photo dans le bon sens. […] Si jamais je ne pouvais choisir ce livre-là pour une raison quelconque, je pense même que je n’en aurais pas choisi d’autres. »

Son trait dur, mêlé de gouache, rend fort bien l’ambiance oppressante de l’intrigue. Les traits des personnages sont mâtinés de doute, rendant une indéniable qualité à l’ensemble et renforçant la paranoïa intrigante qui se dégage de cette adaptation.

Bientôt les sélections et récompenses pleuvent : sélection officielle à Angoulême 2009, présence parmi les quinze albums du Prix de la Critique 2008 de l’ACBD, l’album reçoit également le Prix des libraires BD 2009.

L’adaptation au grand écran

Alors qu’il termine de plancher sur son adaptation, Christian de Metter apprend que Martin Scorcese s’est lancé dans une adaptation cinématographique. Pas de contacts entre les deux artistes, mais une volonté commune de traduire les émotions ressenties à la lecture du roman de Dennis Lehane.

Pour incarner le personnage principal du Marshall Teddy Daniels, le réalisateur fait appel à son acteur fétiche : Leonardo DiCaprio. Ils ont effectivement eu l’occasion de collaborer ensemble ces dernières années sur Gangs of New-York, Aviator et les Infiltrés. A côté de cette vedette, la distribution n’est pas en reste avec, entre autres, Ben Kingsley (oscarisé pour Gandhi et confondant de sincérité dans la peau d’Ishtzack Stern pour La Liste de Schindler) qui joue le rôle du kafkaïen psychiatre-chef, et Max Von Sydow, célèbre pour son rôle du prêtre dans l’Exorciste, et qui tient parfaitement celui du médecin nazi ‘repenti’.

Martin Scorcese dirigeant DiCaprio. En arrière-plan, l’institut psychiatrique après que l’ouragan se soit abattu sur l’île.

Shutter Island, c’est bien entendu une île-prison qui doit être réaliste et oppressante, mais c’est surtout un jeu de réalisation et un montage qui laisse le spectateur pantelant. On pourra disserter sur les ajouts et interprétations de cette adaptation, pinaillant sur un point ou l’autre, une scène retirée ou ajoutée, mais le résultat reste identique que l’on connaisse ou pas le dénouement du récit : le film demeure passionnant de bout en bout, malgré quelques petites longueurs dans la scène ‘finale’, mais que le dernier dialogue rattrape d’une splendide envolée.

Enfin, derrière l’histoire troublante de Lehane, avant le formidable jeu d’acteurs et l’impressionnant ouragan qui se déverse sur le téléspectateur pendant deux heures, c’est l’interprétation de DiCaprio qui mérite tous les suffrages : il est simplement éblouissant, capable de faire vivre toute la gamme des sentiments traversant le tourmenté marshall Daniels.

Ben Kingsley semble régner en maître sur cet univers fermé et dangereux.

Si elles racontent à peu de choses près la même histoire, les adaptations cinématographiques et en bande dessinée ne sont pas identiques. Chacune comporte son atmosphère, ses parts de doute et respectivement ses points forts, se complémentant pour donner une autre dimension du texte de Lehane.

En quittant la salle de cinéma, vous aurez envie, avec raison, de vous replonger dans l’excellent album de Christian de Metter, à côté duquel vous êtes peut-être passés il y a quelques mois. Mais que ceux qui auront goûté à l’angoisse en album ne se détournent pas pour autant du film, il est tout aussi palpitant !

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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De Christian De Metter, lire :
- bien entendu, notre chronique de Shutter Island
- son interview à ce propos : « Je veux poser des questions au lecteur »
Mais également nos chroniques de :
- Swimming London tomes 1 et 2
- Figurec, doublé par l’interview de ses auteurs
- L’Oeil était dans la Tombe
- son récent Marylin, de l’autre côté du miroir

Lire 20 pages de Shutter Island

 
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