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Si seulement T3 - Par Rodolphe et Chabanne - Editions Bamboo

Par Patrice Gentilhomme le 14 août 2012                      Lien  
Fin des voyages involontaires de Joe Horton dans ses vies parallèles, de porte en porte, le héros réussira non sans mal à rejoindre les siens, son époque et son première vie. Une histoire qui commence comme une fable fantastique et qui se conclut sur un portrait sans complaisance d’une certaine société américaine.

Nous avions laissé Joe avec ses problèmes d’identité survenus dans les albums précédents. Écrivain célèbre et comblé, l’homme s’est successivement retrouvé dans la peau d’un chanteur de Rock n’ Roll, d’un modeste employé de relais routier, puis d’un politicien véreux. Ces mésaventures provenant de la découverte de mystérieuses portes de la cave de sa nouvelle demeure. Chacune d’entre elles possède l’étrange faculté de le renvoyer à une version différente de son destin, à des itinéraires bien particuliers qui auraient pu s’imposer.

Pierre angulaire de ces histoires : l’acte de bravoure de Joe face à un chien féroce en train d’attaquer sa sœur. Plusieurs fois, la vie du jeune homme aurait pu basculer et ce sont ces différentes possibilités que Rodolphe scénariste prolixe et confirmé et Chabanne, dessinateur au trait fin et nerveux, nous ont proposé d’explorer à travers ce triptyque.

Si seulement T3 - Par Rodolphe et Chabanne - Editions Bamboo

Dans ce dernier épisode, on retrouve le héros face à ses propres contradictions, tiraillé entre les apparences physiques et ses convictions personnelles. Prisonnier de son rôle de politicien cynique et arriviste, sa personnalité originelle reprend le dessus et le conduit à ne pas jouer le jeu qu’on attend de lui.

Il s’agit là du fil rouge de ce récit au point de départ fantastique mais qui se déroule pour nous suggérer que, finalement, il ne sert pas à grand-chose de vouloir forcer le destin ou d’inverser le cours de l’histoire. Tôt ou tard on finit toujours par être rattrapé par ses propres convictions, sa propre histoire.

Malgré les différents rôles résultant des versions de sa mésaventure, Joe Horton finit par souhaiter revenir (et il y parviendra !) à sa « première vie ».

Politicien véreux, garçon de bar pleutre et frustré ou présence fantomatique après sa propre mort sous les morsures du molosse (ultime version, on s’en doute !), Joe et le lecteur prennent conscience que les coups du sort nous sont imposés… pour notre bien !, que vouloir changer la donne s’avère encore plus problématique que la situation initiale.

On ne sera pas surpris mais peut-être un peu déçu de constater que la fin de l’histoire propose « un retour à la maison » illustré par la très conventionnelle maxime « la vie est belle ». Discours conventionnel un brin moralisateur ? Pas Forcément. L’aspect convenu voire banal de la conclusion ne doit pas dissimuler les autres atouts de cette histoire. En plaçant son personnage face à des situations incongrues voire incompréhensibles, Rodolphe en profite pour orienter son récit vers une galerie de portraits bien sentis, avec notamment la mise en place de nombreux personnages secondaires et se paye le luxe d’une description aigüe, peu complaisante d’une certaine Amérique.

Si le point de départ s’appuie sur une hypothèse fantastique, le récit s’oriente davantage vers la technique du portrait avec la mise en place de nombreux personnages secondaires plutôt bien ciblés. L’histoire se lit comme un thriller nourri de fréquents rebondissements et un arrière plan psycho-social non dénué d’intérêt.

On pourra par exemple y deviner non seulement une approche de la fragilité des destins mais aussi la permanence et la force de certaines de nos convictions. Malgré ses changements de peau, le personnage est sans cesse rattrapé par sa véritable personnalité, il subit les événements, ne parvient pas à changer les choses (particulièrement visible dans ce dernier tome avec l’épisode du politicien par exemple).

Le retour du fameux « paradoxe temporel [1] là où on ne l’attendait pas forcément. En résumé, ce n’est pas l’habit qui fait le moine... Et encore moins les circonstances !

Un discours presque moral mais illustré de manière haletante et captivante, davantage par le recours aux procédés du thriller psychologique qu’à un habillage fantastique. Le duo Chabanne et Bouet (pour les couleurs) fonctionne parfaitement et contribue à renforcer cette impression de récit à l’américaine vif et enlevé.

(par Patrice Gentilhomme)

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[1Sur ce thème on pourra se référer aux définitions suivantes, voir Wikipédia »http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_du_grand-p%C3%A8re

 
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